C’est en substance ce qu’a déclaré l’ambassadeur de Chine, Madame Li Fushun, qui quitte définitivement notre pays après un séjour d’environ trois ans. La diplomate chinoise se dit satisfaite même si, reconnaît-elle, de nombreux projets sont en cours de réalisation au Gabon par des sociétés chinoises. Lecture.
Gabon Matin : Madame l’ambassadeur, vous êtes arrivée au terme de votre mission après environ trois ans au Gabon. Pouvez-vous nous faire le point de la coopération entre nos deux pays ?
LI FUSHUN : Je peux dire que je quitte votre pays avec le sentiment du devoir accompli. En effet, on peut se féliciter des résultats de la coopération gagnant-gagnant qui existe entre la Chine et le Gabon. Cette coopération est fructueuse sur différents points. D’abord au plan politique. On note qu’il y a eu des échanges et des visites de haut niveau de part et d’autre. Après le décès du président Omar Bongo Ondimba, la Chine a dépêché un émissaire de haut rang, à savoir l’envoyé spécial du président de la Chine. Celui-ci était à la tête d’une importante délégation, qui a présenté au nom de la République populaire de Chine les condoléances et les hommages de notre président et du peuple chinois. Lors du Cinquantenaire de votre indépendance célébré avec faste, nous avons encore une fois vu l’envoyé spécial du président chinois féliciter les autorités gabonaises lors de cette célébration. A mon niveau, j’ai reçu également monsieur le ministre des Affaires étrangères de la Chine qui a été, ici au Gabon, très bien reçu par les autorités gabonaises. Il effectuait une visite officielle. Pour la partie gabonaise, le président Ali Bongo Ondimba s’est rendu personnellement à Shanghai pour assister à la cérémonie d’ouverture de l’Exposition universelle organisée dans cette ville. Monsieur le Premier ministre était également présent à l’occasion de la ‘’Journée du Gabon’’, qui s’est déroulée à Shanghai lors de cette même exposition universelle. D’autres délégations de haut rang ont été également reçues en Chine. Il s’agit, par exemple, de celles conduites par les ministres de l’Economie, de l’Energie et de la Défense nationale. Toutes ces visites étaient des visites officielles. D’autres ministres gabonais se sont eux aussi rendus en Chine à l’occasion de colloques ou des séminaires. Au plan politique, les visites de haut niveau se sont multipliées ces trois dernières années. Au plan militaire, la coopération entre les deux armées se déroule dans de bonnes conditions. Je voudrais évoquer la manœuvre militaire humanitaire conjointe qui s’est déroulée après le décès du président Omar Bongo Ondimba. La manifestation qui a eu pour cadre la province de l’Ogooué-Ivindo a été un grand succès, si j’en crois les informations des populations et des autorités gabonaises. Comme vous le savez, après le deuil qui a frappé votre pays, la situation politique du Gabon était très sensible. En dépit de cela, l’armée de la République populaire de Chine a maintenu ses plans et a continué à s’exercer comme prévu. Cette manœuvre militaire étant humanitaire, ce sont surtout les médecins militaires chinois qui se sont retrouvés en première ligne en vue de soigner les malades locaux. Cette opération a été, elle aussi, un grand succès. Economiquement parlant, je pars avec le sentiment du devoir accompli, parce que nous avons eu de nombreux projets qui ont été réalisés ; mais je sais aussi que d’autres projets restent encore à réaliser.
Quels sont les projets qui ont été réalisés ?
Parmi les projets réalisés, il y a bien entendu le stade de l’amitié sino-gabonaise, qui abrite les matches de la CAN 2012 organisée conjointement par votre pays et la Guinée Equatoriale. Je voudrais profiter de l’occasion que vous m’offrez pour féliciter les autorités gabonaises pour l’organisation magnifique de la CAN. Je voudrais aussi par la même occasion féliciter l’équipe gabonaise, les Panthères, qui ont remporté des victoires, même si l’équipe a quitté la compétition prématurément. Les Panthères auraient pu aller plus loin, mais leur élimination fait partie de la loi du sport. Je suis fière parce qu’on retrouve un peu partout l’image du stade. Un stade que le gouvernement chinois a décidé de construire au Gabon pour la CAN 2012 et pour toute l’Afrique, parce que la CAN c’est pour tous les pays africains. Nous sommes heureux, parce que nous avons surmonté toutes les difficultés pour réaliser à temps ce stade. Un travail que nous avons réalisé en 22 mois. C’était une œuvre difficile. Quelques jours avant mon départ définitif, j’ai rendu plusieurs visites aux ministres gabonais. Hier encore (ndlr, le mercredi), au cours de l’audience que Monsieur le Premier ministre Paul Biyoghé-Mba a bien voulu m’accorder, nous avons encore évoqué ensemble le lancement des travaux du stade qui avait eu lieu en présence de certains ministres dont celui de l’Intérieur. Le stade, tout le monde en convient, est le plus grand projet qui a été réalisé durant ma mission ici au Gabon, parce que le lancement et la remise officielle ont eu lieu. Ensuite, il y a le projet du barrage hydro-électrique du Grand Poubara. Je m’y suis rendue plusieurs fois, notamment lors du lancement des travaux visant à dévier la rivière. J’y étais en compagnie de monsieur le Premier ministre. Cette phase est importante dans la construction d’un barrage hydro-électrique. Monsieur le président de la République m’a révélée, dernièrement, qu’il s’y était également rendu mais dans un cadre strictement privé. Je n’étais pas sur place, mais la société qui exécute les travaux a accompagné le chef de l’Etat lors de cette visite de chantier. Ce projet, je le dis, connaît quelques difficultés, qui n’empêchent pas de bien avancer. Il m’a été dit que la remise officielle aura lieu l’année prochaine, probablement en mars. Mais dans tous les cas, les travaux prendront fin en 2012. Dans ce projet, les parties chinoises et gabonaises planchent actuellement sur la formation du personnel. J’ai récemment évoqué cette question avec le ministre de l’Energie pour qu’il étudie avec ses services compétents, les différents contours de cette question.
Qu’en-est-il du projet de manganèse de Ndjolé et ceux des routes ?
Quant au projet de manganèse de Ndjolé et les quelques tronçons de route confiés aux sociétés chinoises, je ne manque pas de les évoquer chaque fois que je suis reçue en audience par les ministres gabonais concernés. J’ai toujours évoqué ces réalisations qui me semblent importantes. Pour ce qui est des routes, j’ai assisté aux lancements des travaux, mais je n’ai pas pu apprécier les réalisations finales. Il y a quelques jours j’étais à Lambaréné, mais je ne savais pas que la distance séparant Lambaréné de Fougamou était seulement de 80 kilomètres. Si je le savais, j’aurais pu aller jusqu’à Fougamou pour toucher du doigt cette route que tout le monde apprécie, selon vos médias. Les populations, les autorités et les usagers sont satisfaits de ces belles routes construites par des sociétés chinoises. J’ai été invitée à plusieurs lancement des travaux de construction de routes ; je sais que quelques chantiers ont déjà été lancés, tandis que d’autres ne le sont pas encore à cause de la non finalisation de diverses études. Toutefois, je sais que s’agissant de la réalisation des infrastructures par la Chine dans votre pays, beaucoup reste encore à faire.
Excellence, il reste un autre projet phare du défunt président Omar Bongo Ondimba, celui qui concerne l’exploitation de la mine de fer de Belinga. Où en est-on actuellement ?
‘’C’est vrai que c’est un grand projet. Mais je voudrais vous dire qu’il ne s’agit pas simplement de l’exploitation d’une mine. J’ai consulté ce dossier que j’ai examiné de long en large. Cet examen révèle que la part des différentes infrastructures est importante et représente même plus de la moitié de l’investissement prévu. Pour vous donner une idée, cela représente environ les deux tiers. Je préfère moi que l’on parle du projet de Belinga au lieu de parler du projet de la mine de fer de Belinga.
Pourquoi ?
‘’Parce que le projet de mine de fer de Belinga est réducteur. En effet, dans ce projet il y a des infrastructures. Je veux parler de la route, du chemin de fer, du barrage hydro-électrique et du port de Santa-Clara, etc. C’est un grand dossier et il faut que l’on travaille encore de façon approfondie sur celui-ci. C’est vrai que cela fait déjà cinq ou six ans que ce projet n’a pas connu un début de réalisation palpable, mais c’est un dossier compliqué pour toutes les deux parties. L’entreprise chinoise retenue est en train de réfléchir et poursuit ses discussions avec les autorités gabonaises en vue de faire avancer le projet. A ce stade, je peux vous dire que les échanges de délégations de haut niveau qui ont eu lieu par le passé vont se poursuivre. Ils seront suivis du travail des experts. Si je ne m’abuse, au cours de ce mois de février, une délégation composée d’experts des ministères compétents, des techniciens de l’entreprise et de la banque qui va financer le projet sera à Libreville pour des discussions approfondies avec la partie gabonaise.
Vous repartez avec le sentiment du devoir accompli. N’avez-vous pas de regrets pour certains dossiers restés en instance ?
Vous avez raison. Dans le domaine économique, je pense notamment au projet de sécurisation du système électrique de Libreville en cours. Il n’a pas encore démarré, parce que toutes les formalités ne sont pas encore remplies. J’espère vraiment que toutes ces difficultés seront rapidement aplanies pour que démarrent les travaux. Je sais qu’il y a encore quelques discussions administratives au sein du gouvernement gabonais, mais j’espère qu’on pourra vraiment avancer, car l’entreprise retenue est déjà prête. Je sais, pour l’avoir vécu, les problèmes d’électricité qui se posent à votre ville. Si on peut boucler dans les temps ce dossier, cela va sensiblement améliorer la qualité du service dans le secteur de l’électricité en faveur des Librevillois, ce qui va aussi améliorer leurs conditions de vie. S’agissant de la coopération militaire avec le ministère de la Défense nationale, elle est active. Je me souviens encore de l’entraînement des éléments de la garde d’honneur gabonaise à l’occasion du Cinquantenaire de votre pays. Trois équipes militaires médicales chinoises travaillent à l’hôpital des instructions des armées de Libreville. Ces médecins militaires chinois ont été bien reçus. Selon les populations et leurs collègues gabonais, ils sont appréciés. Je pense qu’on peut encore faire évoluer un autre secteur.
Vous pensez à quel secteur par exemple ?
Je pense au secteur culturel, qui semble être le parent pauvre de cette coopération. L’année dernière, j’ai fait venir une troupe artistique de Shanghai pour donner des représentations à Libreville à l’occasion de la célébration de la Fête du Printemps. Cette année, toujours à l’occasion de cette même fête du Printemps, j’ai organisé un festival du film chinois. Je crois que, progressivement, beaucoup de Gabonais qui s’intéressent à la Chine, n’ont de cesse de me poser la question de savoir quand débuteront les enseignements de la langue chinoise au Gabon. Dans le domaine culturel, nous pouvons aller encore un peu loin en mettant, par exemple, en chantier l’institut de Confucius ou bien la classe de Confucius où sera dispensé l’enseignement de la langue chinoise. Le président de la République lui-même est très intéressé par l’aboutissement de ce projet. Dans le même ordre d’idée, le recteur de l’Université Omar Bongo a également évoqué ce dossier-là lors de notre récente rencontre. Je ne dirais pas que ma mission a été accomplie, mais j’ai fais de mon mieux pour remplir ma mission, et que notre coopération soit toujours brillante pour nos deux pays.
Parlant de la coopération, on note que la Chine n’est pas très connue des peuples africains. Qu’envisagez-vous de faire pour que la télévision internationale CCTV soit captée dans tous les pays africains ?
Nous avons discuté avec la partie gabonaise de la possibilité d’installation de la CCTV ici à Libreville. Pour l’instant, un journaliste de l’Agence Chine Nouvelle est en poste dans votre pays. Pour ce qui est de la chaîne internationale CCTV, le bureau pour toute l’Afrique est à Nairobi (Kenya) ; c’est un bureau qui vient de s’ouvrir. Je crois que même si c’est dans un pays anglophone, on peut penser à généraliser le système de réception pour que la voix de la Chine soit captée et entendue partout en Afrique, notamment pour les pays francophones parce qu’en Chine, l’Anglais est encore la deuxième langue étrangère. Je crois que c’est partout pareil. Le Français en tant que langue étrangère est en nette progression en Chine. Mais pour disposer d’une chaîne de télévision de qualité, il faut que l’on travaille encore beaucoup la maîtrise de cette langue étrangère. Je voudrais, au terme de cet entretien, remercier infiniment les responsables du quotidien gouvernemental Gabon Matin pour tous les efforts déployés en nous accompagnant dans notre travail.
Excellence, nous n’avons fait que notre devoir professionnel…
Vous avez fait beaucoup d’efforts pour satisfaire les multiples et nombreuses demandes de l’ambassade à l’occasion des célébrations de nos fêtes, de nos soirées. Vos reporters n’ont ménagé aucun effort pour assurer la couverture médiatique de nos différentes manifestations. Votre journal a été un vecteur important de la culture chinoise, et de la Chine elle-même. Je me permets, au nom de l’ambassade et au mien propre, de vous présenter mes sincères félicitations ainsi que mes encouragements pour votre disponibilité constante. Sachez que je suis de tout cœur avec vous.
Propos recueillis par Théophile Assoumou-Mombey