Si depuis 2009 la vision du Président de la République semble plus ou moins se matérialiser par l’annonce et la mise en pratique d’un ensemble de projets, la méthode et la stratégie de communication utilisées par le pouvoir en place, paraît quant à elles ne pas remplir tous ses objectifs. De plus en plus de Gabonais disent ne pas bien «comprendre», même si l’on sait où souhaite Ali Bongo mener le Gabon d’ici à 2025.
L’on pourrait tout reprocher au Président de la République, mais certainement pas sa bonne volonté de faire du Gabon un pays émergent d’ici à 2025. Le problème, chacun en conviendra, demeure dans la stratégie adoptée par le chef de l’Etat, ou du moins par son équipe. En effet, bien que la mise en place, il y a quatre ans, du Comité de coordination de la communication (Cocom) de la Présidence de la République avait permis à Ali Bongo de «dire ce qu’il fait» et de rendre visible par tous les Gabonais la mise en pratique de «ce qu’il a dit», aujourd’hui, de nombreuses actions entreprises par le chef de l’Etat et son gouvernement apparaissent beaucoup plus comme autant de «surprises» qu’un ensemble de projets véritablement expliqués aux populations.
Mais, bien plus que le malaise des populations qui se sentent mis à l’écart et dont les avis sont de moins en moins recueillis, les députés, maires, chefs de village ou tous les autres élus locaux ont, eux aussi le sentiment de «subir» la politique et les décisions de la Présidence de la République.
Ainsi que le rappelle le mensuel Afrique Magazine (AM) de août-septembre 2013, le problème du concept Emergence, «c’est plus la méthode et la communication. On veut transformer, reconstruire, sans forcément intégrer dans le plan de bataille les élus et les pouvoirs locaux, la population et ses représentants.» A tel point que même les partisans les plus acharnés de la vision du pouvoir en place semblent perdus, déphasés par la multitude des projets dont la plupart manque d’une véritable explication dans le but de faire adhérer le plus grand nombre de Gabonais.
Comme pour prendre le contrôle de tous ces projets rentrant en compte dans le programme de développement du pays, le Président de la République avait initié, dès son accession au pouvoir, la création de plusieurs agences dont la plupart, si ce n’est toutes sont directement rattachées à la «Palais de marbre» du bord de mer de Libreville. Mais, problème : ces dernières sont également sujettes à un défaut de communication. A cet effet, note le magazine AM, «la multiplication de cellules gouvernementales, comme l’Agence nationale des grands travaux (ANGT), et le recours aux grands cabinets internationaux ont mis la pression sur un système public déjà «fatigué». Et cela a généré des doublons et des «triplons» à tous les étages de décision de la machine Gabon.»
Pour certains riverains, la politique de l’Emergence ne concerne pas uniquement les partisans du Parti démocratique gabonais (PDG), mais devrait prendre en compte l’avis, voire les propositions de tous les Gabonais, les élus locaux en prime : quelque soit leur bord politique. Mais depuis quelques temps, il semble, indique AM, que «le changement se fait […] «from top down», directement du haut vers le bas. Dans une volonté évidente d’aller vite. Et d’être efficace. De montrer du concret.» Ce qui, pour de nombreuses personnes laisse penser à une précipitation qui peut s’avérer négative pour la vision en elle-même.
Ainsi, l’on peut convenir qu’il y a clairement une volonté de la part d’Ali Bongo, partant du concept d’Emergence, de modifier le terrain et les réalités gabonaises. Mais le terrain se venge souvent. Et le pouvoir court le risque que les électeurs ne perçoivent pas les avantages à long termes. «Ce qu’ils voient, c’est leur assiette, leur porte-monnaie et les contraintes», relève Afrique Magazine.
Mais l’article de ce journal panafricain a été rédigé bien avant la célébration de la fête de l’indépendance du Gabon. A cette occasion, en effet, les services de communication de la Présidence gabonaise se sont montrés inventifs et semblent avoir adopté une nouvelle stratégie : non seulement, pour la première fois, le chef de l’Etat a accordé une interview à la presse locale élargie. On a très peu souvenance de ce qu’un président du Gabon ait déjà été interviewé par un tel panel de journalistes, sauf pour les besoins des campagnes électorales. De plus, des ministres ont été amenés à faire un plateau de télévision pour expliciter leur action en se soumettant au feu nourri de journalistes relativement critiques. Ali Bongo a lui-même laissé entendre que le rythme, dans différents domaines, n’était pas le bon et que des réajustements doivent être opérés. La communication de la Présidence de la République semble avoir commencé ces réajustements.