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Paul Banga, Olam Palm et la possibilité d’une agro-industrie à visage humain

Paul-BangaConseiller du Président de la République en charge de l’agriculture, notamment dans le domaine de l’exploitation du palmier à huile, Paul Banga, Ingénieur agronome, a été amené à se prononcer sur la polémique liée aux effets néfastes de l’huile de palme et des cultures agro-industrielles. Comptant parmi les pionniers de l’agro-industrie au Gabon, le Maître en gestion de projet a contribué à la mise en place d’Agrogabon à Lambaréné et à celle d’Olam Palm à Kango. Il explicite également le volet agriculture du PSGE.

Gabonreview : Il est communément établi que l’huile de palme est dangereuse pour la santé. Pourquoi donc promouvoir la culture des palmeraies et donc sa production ?

Paul Banga : L’huile de palme a de grandes vertus. Aujourd’hui, elle apparaît comme l’huile la plus consommée au monde devant le soja. De plus, c’est une huile qui, en termes de production, est l’oléagineux ayant le meilleur rendement ; soit environ quatre tonnes en production de croisière contre une superficie dix fois plus grande pour la production, au même tonnage, du soja ou de l’arachide. C’est donc une huile dont le coût de production est le moins élevé. C’est également une huile organoleptique, avec un certain apport au niveau de la santé et au niveau du goût, qui est très recommandée pour nos sociétés africaines pour la simple raison qu’elle détient un point de fusion très élevé. En effet, quand il faut 10 à 15 degrés pour certaines, l’huile de palme quant à elle n’atteint son point de fusion qu’à partir de 35 degrés ce qui fait qu’elle soit recommandée pour la friture.

De surcroît, la particularité de l’huile de palme rouge tient de la présence de la béta carotène (vitamine A) que l’on conseille vivement pour se protéger des maladies des yeux. L’huile rouge rentre également dans le traitement de l’avitaminose des enfants ou de toute personne souffrant de cette carence.

Pourtant, n’en déplaise aux ingénieurs dont vous faites partie, la monoculture du palmier est critiquée par de nombreux individus et organisations. Qu’avez-vous à dire à ce sujet ?

En effet, le palmier à huile est surtout critiqué en tant que culture industrielle. Il est vrai que cela nécessite et induit une monoculture. Mais dites-vous bien que le palmier n’a pas de véritable incident sur la fertilité des sols. Après le palmier, d’autres cultures peuvent être faites sur le même terrain sans problème. Mais pendant l’occupation de celui-ci, lorsqu’il s’agit d’une culture industrielle, le palmier ne peut être cultivé que dans cette condition de monoculture.

Cette monoculture tue la biodiversité…

Tuer la biodiversité… cette idée n’est valable que si l’on revient avant les années 2000. A cette époque, lorsqu’il s’agissait de mettre en place une palmeraie, les terrains choisis étaient souvent des forêts primaires, zones de prédilection de la culture du palmier à huile à cette période. Ce qui fait qu’on déforestait sans tenir compte des hautes valeurs de protection. Aujourd’hui, avec la notion de développement durable et le respect de certaines normes environnementales, on fait désormais très attention. Dans les palmerais modernes comme celles d’Olam, notamment celle d’Awala, vous verrez qu’ils bénéficient 20 000 hectares de concession. Sur cette superficie, la palmerai n’occupera que 7 500 hectares, les 12 500 restant sont des zones de haute valeur de conservation. Ces zones, considérées comme des îlots forestiers intouchables, font qu’aujourd’hui l’aménagement des palmeraies tient compte de la biodiversité et la préserve. Il s’agit là d’une cohabitation entre les palmiers et les rivières autours, par exemple : c’est le développement durable du palmier.

On parle à cet effet de RSPO. À quoi renvoie ce savant acronyme ?

Le RSPO est une certification. En vue de contrer ce que vous décriez tantôt, en présentant la culture du palmier comme un fait de déforestation, les producteurs, dans le but de se protéger des lobbies anti-huile de palme, constitués en partie par des ONG environnementales, ont mis en place une certaine politique d’autocontrôle de leur activité. En effet, au regard des conséquences de la mauvaise gestion des forêts primaires en Asie du sud-est, en Indonésie, en Malaisie où l’habitat traditionnel avait été détruit, il revenait maintenant aux producteurs de s’arrimer aux nouvelles exigences et lutter contre la mauvaise image consécutive à leur culture du palmier à huile, qui ne répondait ni au respect de la biodiversité ni au bon traitement du personnel exerçant dans les plantations.

Face à cela, les consommateurs européens ont exigé qu’il y ait une norme qui contraigne les cultivateurs à produire une huile de palme de qualité et surtout à visage humain, respectueuse de l’environnement, puisque celle-ci continue à être consommée jusqu’à ce jour. Elle est notamment la plus consommée comme je vous le disais. Aujourd’hui, toute production d’huile de palme tient compte du social, le profit n’est plus le seul objectifs des producteurs. Ce profit est désormais associé aux normes environnementales : des normes qui apparaissent plus ou moins comme une certification et celle-ci est recherchée par les sociétés comme Olam Palm.

Olam Palm s’est donc engagé dans cette voie qui est un processus comprenant huit critères ; le respect de l’environnement faisant partie des principaux critères. Le but est d’allier la profitabilité au respect des normes environnementales, tout en tenant compte du social. Il s’agit donc pour la société de tenir compte de l’amélioration des conditions de travail pour les employés et du respect des populations environnantes impactées par le projet qui doivent également bénéficier des retombées dudit projet à travers un ensemble d’aménagements.

Vous disiez à l’instant qu’en Asie du sud-est, des plantations ont été installées sur des forêts primaires. Dans le cas du Gabon, n’a-t-on pas attribué à Olam des forêts primaires pour la réalisation de ses cultures d’hévéa et de palmier à huile ?

Pour le cas de la plantation d’Awala (sur laquelle nous nous trouvons), il s’agit d’une forêt dégradée. C’est donc une forêt qui a subi plusieurs exploitations, ce qui fait qu’elle n’est considérée ni comme une forêt primaire ni comme une secondaire, mais plutôt comme une forêt à peine dégradée. Au Gabon, la politique d’attribution des terres aux entreprises comme Olam, dans le cadre de l’hévéaculture et de la culture du palmier à huile, consiste plutôt à leur attribuer des terres dans ce genre de zones dégradées comme celle d’Awala. Sur Mouila, où se situent les 3/4 du principal programme d’Olam, le projet a été installé sur une savane boisée. Ce sont donc des zones qui, habituellement sont exposées à une certaine désertification. Bien au contraire, l’emplacement du palmier dans ces zones, constitue du reboisement plutôt que de la déforestation.

Aussi, est-il bon de rappeler que le palmier à huile a été admis dans le mécanisme du développement propre déterminé par le Traité de Kyoto. Ce, grâce à sa capacité d’absorption du gaz carbonique et de rejet de l’oxygène via le phénomène de la photosynthèse. Le rendement du palmier dans la purification de l’atmosphère est semblable à celle d’une forêt primaire. Ainsi, mettre le palmier dans des zones exposées à la désertification comme les savanes, participe du reboisement comme je l’ai déjà dit. Ce qui permet notamment au Gabon d’augmenter son couvert végétal.

Vraisemblablement, le Gabon ne met le cap que sur la culture industrielle. Qu’y a-t-il de prévu dans le Plan stratégique Gabon émergent (PSGE) par rapport aux cultures vivrières, et au projet, sinon à l’idéal d’autosuffisance alimentaire visée du pays ?

Vous me donnez l’occasion de préciser les grands axes du développement agricole prôné par le PSGE, et je vous en remercie. Vous savez qu’aujourd’hui le constat est celui-là : l’agriculture participe à moins de 5% du PIB (Produit intérieur brut). L’objectif est désormais de faire de l’agriculture un levier de l’économie gabonaise au même titre que le pétrole qui, on en convient, va un jour disparaître. Il faut donc que le relai soit le pilier «Gabon vert» et spécifiquement l’agriculture. C’est ainsi que, conscient de la situation, conscient de notre problème d’approvisionnement en alimentation qui fait qu’à ce jour le Gabon, tributaire de l’étranger, dépense près de 300 milliards de francs CFA, on a raisonné sur trois axes :

Le premier axe : les agropoles qui visent à transformer le paysan en agriculteur. Ce qui nécessitera donc des formations. Nous allons mutualiser les paysans de manière à former des coopératives dans divers productions comme les légumes et autres productions vivrières. Les agriculteurs auront donc un statut d’exploitants agricoles. Une loi est actuellement en révision à cet effet.

Le deuxième axe : l’outil PRODIAG (Programme d’investissement de l’agriculture au Gabon) qui implique l’instauration d’une ceinture agricole périurbaine. Un système d’approvisionnement de nos grandes cités en denrées alimentaires issues de la culture vivrière : ce programme est mené par l’IGAD (Institut gabonais d’appui au développement) à ce jour. Cette structure bénéficiera désormais de moyens conséquents avec un prolongement vers les fermes agropastorales dont une a été visité à Ntoum. L’objectif est donc de renforcer ses pouvoirs avec dans chaque province une ferme.

Le troisième axe concerne les agro-industries devant produire pour l’exportation. Dans ce processus, l’Etat n’entend plus intervenir. Puisque depuis le désengagement de l’Etat du secteur de production avec les programmes d’ajustement structurels, il ne peut plus produire, mais simplement venir en aide en facilitant, par le biais d’un cadre juridique attractif visant à susciter des investissements et à favoriser l’implantation des privés, à l’image d’Olam, de Siat. Tout en veillant à établir un partenariat « gagnant-gagnant » avec ceux-ci. Voilà donc les trois axes qui prouvent bien que l’Etat gabonais n’a pas choisi de privilégier l’agriculture de rente, les cultures vivrières ne sont nullement négligées. Un plan est en marche pour leur développement.

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