Avec un secteur agricole qui contribue pour 46% du PIB, fournit 87% des emplois et représente 80% des exportations, le Rwanda tend à devenir un élève modèle dans la nouvelle course à la sécurité et l’autosuffisance alimentaire, raison d’avoir été invité d’honneur à la foire internationale agricole de Libreville. Les explications de cette réussite de moins de 15 ans avec Jean Marie Munyaneza, chargé du commerce international pour les produits agricoles au ministère de l’Agriculture et de l’Elevage du Rwanda.
Le Rwanda a été invité à cette première foire internationale agricole en tant que modèle agricole en Afrique. Qu’est-ce qui vous vaut cette reconnaissance ?
La reconnaissance de notre agriculture est due à l’effort que le gouvernement fait dans ce secteur, parce que, actuellement, l’agriculture occupe 14% budget annuel. Mais il y a aussi la volonté de la population, parce que le Rwanda n’a pas de pétrole, n’a pas de minerai. La richesse que nous avons c’est notre population et la terre. C’est pourquoi, conscient de l’importance de l’agriculture dans l’économie du pays et de la nécessité d’assurer à toute la population une sécurité alimentaire et nutritionnelle, le gouvernement a entamé la formulation de sa politique et de stratégies agricoles pour contribuer à l’atteinte de la sécurité alimentaire des Rwandais et à l’essor de l’économie du Pays. Nous avons mis en place une politique qui s’oriente vers la valorisation des terres et l’augmentation de la production des différentes cultures à savoir la culture d’exportation et la culture vivrière.
La révolution agricole rwandaise s’est faite en combien d’années ?
Le Rwanda a connu une révolution verte en agriculture depuis 2005. Avant la guerre de 1994 le Rwanda n’était pas connu comme un pays d’agriculture très développé. C’est à partir de 2000 que nous avons compris que l’agriculture pouvait jouer un grand rôle surtout pour faire entrer des devises dans le pays. Partir de cela, nous avons réalisé des études pour voir comment nous pouvons développer des stratégies orientées vers l’augmentation de la production, et sur la sécurité alimentaire. C’est à partir de 2005 que nous avons mis fin aux études pour rentrer dans la phase pratique qui nous a conduits où nous sommes actuellement avec l’enregistrement des résultats spectaculaires surtout au niveau de la production, transformation, commercialisation et aussi des exportations. Le secteur agricole au Rwanda contribue pour environ 46% du PIB en termes réels, fournit 87% des emplois et représente 80% des exportations. L’agriculture est la principale source de devises du pays et des moyens de subsistance de la population.
Peut-on dire qu’aujourd’hui que l’agriculture rwandaise parvient à nourrir suffisamment sa population ?
Au Rwanda, nous avons atteint un taux de près de 90% concernant la sécurité alimentaire parce que, avant 2000, on importait beaucoup le riz, le maïs. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Notre volume d’importation du riz par exemple se limite à 20%, les fruits et les légumes nous les avons en quantité suffisante. Actuellement nous réfléchissons sur les moyens de créer la valeur ajoutée sur nos produits et comment les conserver le plus longtemps possible.
Après une semaine au contact des réalités agricoles gabonaises que pouvez-vous dire de l’agriculture gabonaise ?
L’agriculture gabonaise a un potentiel très élevé du fait que le Gabon dispose d’une terre vierge, très fertille et qu’il a des climats qui peuvent faciliter la production de différentes cultures particulièrement les céréales. Le pays n’a pas besoin d’utiliser des intrants agricoles. Selon moi ce qu’il manque au Gabon, c’est une stratégie claire avec des ambitions très précises et aussi des techniciens parce que l’agriculture en a vraiment besoin.
Vous venez d’évoquer la nécessité d’élaborer une stratégie claire et la mise à disposition des techniciens pour accompagner le développement agricole au Gabon. Quel conseil pouvez-vous donner aux agriculteurs gabonais ainsi qu’aux dirigeants qui veulent en faire l’une des priorités ?
L’agriculture est un secteur très risquant. Quelquefois, les privés ont essayé d’investir dans ce domaine, c’est pourquoi le gouvernement doit faire le premier pas en mettant à disposition des agriculteurs les fonds de garantie mais aussi en essayant de former les gens en matière de production, de valorisation, de conservation des produits, et aussi en matière de préservation de l’environnement. Le gouvernement doit surtout investir en équipement de stockage et de séchage, et il doit mettre en place des moyens de transport.
Au terme de cette foire agricole qu’avez-vous tiré en matière d’expérience et d’échange avec vos frères Gabonais et Marocains ?
Nous avons visité des stands marocains, c’est un pays très avancé, plus que le Rwanda, surtout en matière de valorisation des produits agricoles : ils ont des emballages très appréciés. De même nous sommes sur le même chemin qu’eux. Pour les Gabonais, il a des efforts qui doivent être faits dans l’agriculture. Ils ont beaucoup de bons produits mais avec une valeur ajoutée quasi inexistante. Ils doivent penser comment développer une stratégie surtout pour donner de la valeur ajoutée à leurs produits, les valoriser, mais aussi comment vendre ces produits au niveau international en respectant les normes internationales. Et dans ce sens-là, le Rwanda est très avancé par rapport au Gabon. Nous pouvons échanger des experts dans ce secteur-là, nous pouvons les accueillir dans notre pays pour voir comment on fait, tout comme nos experts peuvent aussi venir ici pour voir comment travailler avec le gouvernement, car nous avons développé beaucoup de stratégies qui peuvent être pour eux des points de départ.