La crise, ces derniers jours, du secteur de l’éducation nationale a fait l’objet d’un débat sur Gabon Télévision, parfois houleux entre les leaders des syndicats de ce secteur et les membres de l’administration gabonaise, ce dimanche 17 novembre 2013, en soirée. Ce, après la suspension des cours et le mot d’ordre du ministère de l’Education nationale demandant aux enfants de rester à la maison après les grèves la semaine écoulée.
Sur un «Plateau spécial» modéré par le directeur général de Gabon Télévision, David Ella Minsta, et son collaborateur, Yves Mitoumba, se retrouvaient, entre autres représentants de l’administration, Etienne Masard Kabinda, Conseiller spécial du président de la République, Jean-Marc Minso, Conseiller technique du ministre de l’Education nationale, Simplice Mouango, Directeur général du patrimoine dudit ministère, ainsi que Jean Eyéné Békalé, Directeur des examens et concours. Du côté des syndicalistes, on notait la présence de Marcel Libama, délégué administratif de la Convention nationale des syndicats du secteur de l’éducation (Conasysed), Fridolin Mvé MEssa, le Secrétaire général du Syndicat de l’éducation nationale (Sena) et Emmanuel Mvé Mba, président de l’Union syndicale des enseignants du Gabon (Useg). Les parents d’élèves étaient, quant à eux, représentés par le président de la Fédération nationale des parents d’élèves du Gabon (Fénapeg), René Mezui Menie.
L’émission s’est tenue alors que les ministres de l’Education nationale, Séraphin Moundounga, et du Budget, Rose Christiane Ossouka Raponda, sont passés sur les antennes de cette télévision dans l’édition du journal de 20 heures pour rassurer les enseignants et les parents d’élèves du fait que le paiement de leurs vacations notamment, étaient effectifs. Ils ont ensuite invité les élèves et les enseignants à reprendre le chemin des établissements scolaires le mercredi 20 novembre 2013.
Durant l’émission, on aura remarqué la volonté des représentants de l’administration de démontrer que tout a été mis en œuvre pour que les choses se passent le mieux du monde au travers des réformes engagées dans le secteur de l’éducation depuis 2009. «Il y a des choses qui ont été faites. Il y a énormément de choses qui ont été faites. Mais je reconnais que ce n’est pas assez au regard des défis à relever», a déclaré Etienne Masard Kabinda, le Conseiller spécial du président de la République.
Comme lui, appuyant le fait qu’il y a eu des réformes et même des états généraux de l’éducation afin de mieux apprécier les éléments à développer pour assainir et améliorer le fonctionnement ce secteur, le directeur des examens et concours a essayé d’expliquer les aménagements apportées dans l’organisation du BEPC et du Bac. Ce, fait qu’il y avait des disparités de niveau entre les établissements du pays. Une disparité explicitée par l’expression «un dix de moyenne n’est pas équivalent à un autre dix dans un autre établissement scolaire».
Démontrant les efforts du gouvernement en termes de réformes et d’amélioration des conditions de travail et d’accueil dans les établissements, le directeur du patrimoine au ministère de l’Education nationale a indiqué aux syndicalistes que «319 salles de classe ont été construites dans la phase 1» pour le renforcement des capacités d’accueil des établissements scolaires et universitaires du pays. Ces classes sont visibles, selon lui, à l’Université Omar-Bongo, à l’Université des sciences de la santé, à l’Inset, à l’ITO et dans quelques lycées de Libreville.
La phase 2 préconise la livraison de 539 salles de classe tandis que les 400 salles annoncées par le président de la République, seront entièrement disponibles le 31 novembre 2013 au plus tard. Ce qui a naturellement amené les syndicalistes, pour le moins très offensifs, à se demander où étudiaient les enfants pendant ce temps. Les leaders syndicaux ont, en effet, régulièrement axés leur propos sur le manque de dialogue entre le ministère de l’Education nationale et eux, partenaires sociaux. «Le problème est celui du dialogue», a lancé Emmanuel Mvé Mba non sans indiquer que «les réformes sont faites de manière unilatérale».
Pour exemple, il a pris le fait que jusqu’ici la prime d’incitation à la fonction enseignante (Pife) ne soit toujours pas mensuelle. Or, selon lui, les partenaires sociaux l’avaient souhaité sans que la tutelle n’en tienne compte. «Les réformes du Bepc et du Bac ont été prises dans les bureaux et les partenaires sociaux n’y ont as été associés», a-t-il encore expliqué pour faire comprendre que les hommes de terrain, ceux qui connaissent les réalités du monde scolaire et universitaire, n’ont pas donné leur avis sur les décisions qui impliquaient directement leur travail.
Marcel Libama, l’homme de la Conasysed, incisif, sans langue de bois, n’a pas cajolé les membres de l’administration. En mettant hors de cause le Président de la République, Ali Bongo Ondimba qui, selon lui, a dégagé beaucoup de moyens depuis 2009 pour l’éducation nationale et l’enseignement supérieur et technique au Gabon, il a mis au défi les dirigeants du ministère de tutelle présenter une nouvelle école sortie de terre dans la ville de Libreville. De même, il a estimé que les réformes se font à l’aveuglette et ne sont pas suffisamment expliquées, tandis que d’autres ne sont pas carrément populaires. «Le bac1 c’est du n’importe quoi», a-t-il laissé entendre en relevant aussi que «le ministre [de l’Education nationale, ndlr] dans ses décisions a crée la colère». «Vous n’avez pas entendu les jeunes», a-t-il souligné tout en ajoutant que «Si vous n’associez pas les partenaires sociaux, sachez que ces réformes n’aboutiront jamais».
Fridolin Mvé Messa, le Secrétaire général du Syndicat de l’éducation nationale (Sena), a estimé que le chef de l’Etat doit prendre conscience du fait qu’il y a des personnes qui bloquent les réformes. Avant lui à ce propos, M. Libama a déclaré que le président de la République doit faire comme son prédécesseur qui récupérait personnellement certains dossiers afin de garantir le calme et la sérénité au sein de la population.
Le président de la Fenapeg n’est pas aussi passé par quatre chemins pour dire qu’ils soutiendront les réformes lorsqu’elles le mériteront. Cependant, si elles sont impopulaires, ils les dénonceront. Il a de ce fait invité à faire une croix sur celles qui sont contreproductives.
Jouant les facilitateurs, Etienne Masard Kabinda et David Ella Mintsa ont presqu’obtenu que les leaders syndicaux promettent qu’ils vont reprendre le chemin des cours cette semaine. Mais ceux-ci ont indiqué qu’ils discuteraient d’abord avec leurs bases respectives avant de prétendre au retour dans les salles de classe. «Nous devons aller dans le sens de ramener la sérénité, de ramener le dialogue social. C’est ce que les compatriotes attendent de nous», a clos Etienne Masard Kabinda.
Les débats qui ont été houleux durant ce grand moment de télévision ont tout de même permis à chaque partie de vider une bonne partie de son sac et d’aboutir à un apaisement final que tous les spectateurs attendent certainement voir se matérialiser par le retour des enfants dans les classes.