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Que va faire l’armée française en Centrafrique ?

Quelque 410 militaires français sont déployés à Bangui depuis 2002.
Quelque 410 militaires français sont déployés à Bangui depuis 2002.
Bangui, capitale de la République centrafricaine (RCA), a vu arriver, jeudi 28 novembre, les premiers avions militaires qui doivent acheminer le matériel de la prochaine mission française d’envergure en Afrique. Après le Mali, où les troupes françaises sont toujours déployées, Paris s’apprête à intervenir dans le chaos centrafricain. « Nous devons être présents, à notre place », expliquait mercredi le président François Hollande pour justifier le déploiement, à terme, d’un millier d’hommes.

Des coups d’Etat à répétition La France, qui dispose sur place d’un contingent de 410 hommes, est déjà intervenue à plusieurs reprises en RCA depuis l’indépendance, en 1960, de ce pays profondément instable et en proie à des coups d’Etat et des guérillas récurrents. Le dernier épisode en date est le renversement, en mars, du président François Bozizé par les rebelles de la Séléka. M. Bozizé avait lui-même accédé au pouvoir par un coup d’Etat, en 2003. Mais le président n’a jamais été capable d’étendre son autorité sur le nord du pays, une région reculée et historiquement hors contrôle du pouvoir central.

L’autorité de M. Bozizé a commencé à vaciller après sa réélection contestée, en 2011, à la présidence. Fin 2012, plusieurs mouvements de rébellion du nord se sont unis pour former la Séléka – « alliance » en Sango, le dialecte local. Malgré la signature d’un accord de paix en janvier, la Seleka s’empare de Bangui et renverse M. Bozizé en mars. Michel Djotodia s’autoproclame président pour une période de transition de trois ans.

Comment le chaos s’est installé Très vite, et malgré le soutien du Tchad et du Congo-Brazaville, le nouvel homme fort de la Centrafrique se révèle à son tour incapable de tenir les rênes. La Séléka, une coalition de groupes très hétérogènes appuyés par des mercenaires étrangers, des brigands et des coupeurs de route de tout poil, éclate. Elle sera offciellement dissoute à la mi-septembre. En l’absence d’un commandement unifié et fort, les exactions contre les populations civiles se multiplient.

Combattant de l’ex-Séléka intégré aujourd’hui aux Forces armées centrafricaines.
Les organisations non gouvernementales dénoncent des pillages et des atteintes au droit de l’homme. « Les bandes armées se livrent à des razzias et des massacres. Des villages sont brûlés, pillés. Les habitants sont tués ou sont en fuite dans la brousse », explique à l’AFP Jean-Marie Fardeau, de l’organisation Human Rights Watch, avant de mettre en garde : « On peut parler d’une stratégie criminelle de ces groupes, mais il n’y a pas de coordination entre eux, pas de planification. » Et il est pour l’instant impossible de connaître le nombre de morts qu’a engendré ce conflit.

Les prémices d’un conflit religieux En plus de ces exactions, un conflit à teneur confessionnelle se profile. Le département d’Etat américain évoque même une situation « prégénocidaire », terme qui ne fait pas consensus chez les observateurs. Les membres de la Séléka sont essentiellement de confession musulmane, pratiquants ou non, alors que la population centrafricaine est composée à 80 % de chrétiens. Le conflit a cristallisé les sentiments d’appartenance religieux et, après les pillages de la Séléka, des groupes d’autodéfense chrétiens – les « anti-balaka », antimachette en Sango –, qui avait déjà été formés ponctuellement par l’ancien dirigeant Bozizé, se sont reformés en septembre. Ils s’en sont pris aux populations musulmanes, assimilées aux anciens rebelles.

Dès lors, les clivages religieux se sont fait jour et ont alimenté un cycle de ripostes. « On assiste à des représailles ciblées à la fois contre des villages chrétiens et musulmans, et les civils en sont les premières victimes », analyse le responsable de Human Rights Watch. Même s’il existe de longue date des conflits traditionnels entre éleveurs nomades musulmans et paysans sédentaires chrétiens, cette situation est inédite dans un pays où les populations vivaient mélangées dans les mêmes quartiers et les mêmes villages.

Une situation humanitaire alarmante Selon l’ONU, sans « action rapide et décisive », la crise risque d’« échapper à tout contrôle ». Les troubles politiques et sécuritaires ont entraîné une crise humanitaire : sur les 4,6 millions d’habitants de la RCA, 2,3 millions sont en « situation d’assistance humanitaire ». Le bureau onusien de la coordination des affaires humanitaires, l’OCHA, dénombre 400 000 déplacés internes et 68 000 réfugiés centrafricains dans les pays voisins, principalement en République démocratique du Congo. Quelque 1,1 million de personnes sont également affectées par l’insécurité alimentaire.

La mission de l’armée française La mission précise de l’armée française dans le chaos centrafricain n’a pas encore été définie, et ne le sera qu’après l’adoption d’une résolution à l’ONU. Tout au plus les grandes lignes ont-elles été données par les responsables français. « Ce que nous devons faire, c’est trouver une solution humanitaire qui passera par une phase sécuritaire, qui débouchera ensuite sur une transition politique dont on sait qu’elle n’est pas facile dans ce pays depuis, hélas, trop d’années », a déclaré M. Hollande.

En même temps qu’il annonçait l’ampleur du déploiement – un millier d’hommes –, le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, a quant à lui évoqué une intervention qui « n’a rien à voir avec le Mali ». L’objectif ne serait pas de mettre hors d’état de nuire tel ou tel groupe armé, mais plutôt d’endosser un rôle de gendarme. « Là, c’est l’effondrement d’un Etat et une tendance à l’affrontement confessionnel. (…) Il s’agit d’arrêter la catastrophe en République centrafricaine et de reconstruire un pays qui n’existe plus », a-t-il expliqué. Une mission ambitieuse, donc, qui s’annonce difficile à remplir dans « la période brève, de l’ordre de six mois à peu près » qu’a définie le ministre.

Sur le terrain, la mission militaire française devrait se concentrer sur la sécurité des principaux axes routiers et des grandes agglomérations, indique à l’AFP une source au ministère de la défense.

Un mandat de l’ONU Sans l’aval des Nations unies, la France aurait du mal à légitimer une nouvelle opération dans son ancienne colonie, mais le vote attendu dans les prochains jours d’une résolution au Conseil de sécurité devrait lui permettre de déployer rapidement ses troupes.

Des soldats tchadiens de la Force multinationale d’Afrique centrale, la Fomac, à Bangui, le 24 novembre.
C’est sous l’impulsion de Paris que les quinze pays membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont décidé d’agir. La résolution est placée sous le chapitre VII de la Charte de l’ONU, qui prévoit le recours à la force. Elle autorise une Mission internationale de soutien à la Centrafrique, la Misca, à se déployer, avec comme objectif le rétablissement de la sécurité et la protection des civils. Celle-ci remplacerait ainsi la Force multinationale d’Afrique centrale (Fomac), engagée par les pays de la région. Officiellement, les militaires français devraient appuyer la Misca, qui manque de financements et peine à se former, mais devra compter à terme 3 600 hommes.

Thomas Loubière

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