Comme souvent, ce sont des Kényans qui ont gagné, mais l’essentiel était bel et bien de participer: plus de 4 000 personnes se sont alignées dimanche sur la ligne de départ du premier marathon du Gabon.
Entre orage tropical et soleil de plomb, il fallait avoir très envie d’en découdre. Mais depuis plusieurs jours dans la capitale gabonaise, on ne parlait plus que de cela. Et de mémoire de Librevillois, on n’avait jamais vu autant de joggeurs arpenter le bord de mer en trottinant. En début de matinée, ils étaient tous là: militaires français et gabonais, expatriés, hommes, femmes, chefs d’entreprises et autres « makayas » comme sont dénommés les « Gabonais lambda ».
Les Kényans Peter Kerui (02:14:42), Maswai Kiptanui (02:15:44) et Lukas Kanda 02:17:02) ont été les premiers à franchir la ligne d’arrivée. Des temps bien loin de performances de niveau mondial. Le premier Gabonais, Yves Koumba Koumba, a terminé en 03:07:57. Mais l’essentiel était ailleurs.
« Normalement nous, marcher, courir, ce n’est pas vraiment ce qu’on préfère, surtout avec le soleil! », a admis Mickael Ondo, 29 ans, après sa course, reconnaissant qu’il ne savait pas lui-même qu’il était capable de boucler 42 kilomètres. « Mais le Gabonais est sportif, la preuve! La prochaine fois vous verrez, les premiers arrivés seront de chez nous », a-t-il lancé.
Samedi, plus de 5.000 jeunes filles avaient déjà déployé leur foulée sur le bord de mer pour une course Juniors. Avant un 5.000 mètres dames, « la Gabonaise », remporté par l’ancienne recordwoman du monde de la distance Tegla Loroupe, 40 ans, devant pas moins de 2.000 inscrites: une vraie star kényane cette fois, auréolée d’une double victoire au marathon de New York (1994 et 1995), et venue à titre caritatif pour aider la discipline à prendre de l’ampleur dans cette partie de l’Afrique.
Le nouveau créneau d’Ali Bongo
« Pourquoi voulez vous que (l’athlétisme) ne soit que sous certaines latitudes et pas ailleurs?, a commenté à cet égard le président gabonais Ali Bongo. Il y a des compétitions qui sont des fois plus élitistes, mais l’épreuve de marathon est importante parce qu’elle permet à tout le monde de participer quel que soit son niveau ». Depuis son accession au pouvoir en 2009, le fils du précédent président Omar Bongo n’a jamais caché ses ambitions de faire de son pays un organisateur d’évènements sportifs.
Le Gabon a déjà accueilli la Coupe d’Afrique des nations de football en 2012 et organise aussi chaque année la course cycliste « Amissa Bongo ». La rumeur populaire, le « congossa », continue de faire état d’autres projets plus ambitieux encore. Où l’on rêve, sans rire, d’un circuit de Formule 1, voire d’une Coupe du monde de foot. Mais dans un pays en proie à d’importantes difficultés économiques, tout le monde ne regarde pas ces projets de la même façon. « Moi je trouve ca bien, mais est-ce qu’il ne fallait pas d’abord construire des logements sociaux? Trouver de l’emploi aux Gabonais? », s’est ainsi interrogé un spectateur, sous couvert de l’anonymat.
L’opposition elle-même estime que le gouvernement devrait se concentrer sur des priorités plus urgentes. Mais dimanche, nul ne trouvait à se plaindre. Même les plus sceptiques semblaient avoir trouvé leur compte dans l’évènement, autour duquel la célèbre devise populaire gabonaise « On est ensemble » a pris tout son sens.