De la légitimité politique
Légitimité (politique), attribut symbolique dont la possession est nécessaire pour justifier l’action de toute personne ou de tout groupe intervenant politiquement dans l’espace public.
La légitimité doit être distinguée de la légalité qui n’en constitue qu’un des éléments. Cette distinction est d’autant plus importante que légitimité et légalité peuvent parfois entrer en conflit. Tel est le cas pour ce qui concerne les modes d’action politique extra-légaux qui se proclament néanmoins légitimes : tyrannicide, révolution, terrorisme ou coup d’État. La recherche de la légitimité et la volonté de délégitimer l’adversaire sont des enjeux caractéristiques de la vie politique. Ainsi, les éléments constitutifs de la légitimité font l’objet d’une redéfinition permanente par les acteurs en conflit. Il est cependant possible de nommer certains d’entre eux parmi les plus fréquents :
Pour les personnes : âge, sexe, compétence, expérience, tradition, ascendance, richesse, origine ou culture sont autant d’éléments dont la combinaison, variable selon les situations et les époques, détermine l’accès à la scène politique indépendamment des conditions légales requises.
Pour les factions et institutions : recherche du bien public, respect de la légalité ou de la tradition, obéissance à la parole divine, désir de justice, conformité de l’action aux vérités scientifiques ont été autant d’arguments utilisés pour légitimer leurs prétentions à exercer le pouvoir.
La légitimité porte tant sur les hommes que sur les partis, sur l’organisation de la scène publique (régime, institutions, etc.) que sur l’activité politique elle-même. Les querelles qu’elle suscite sont donc au cœur de toute vie politique et sociale. C’est le caractère universel de ce phénomène qui en fait un objet de réflexion présent dans toutes les œuvres majeures de philosophie et de sociologie politique, qu’il s’agisse de déterminer les formes politiques légitimes ou de dégager les idéaux types de la légitimité ainsi que les mécanismes producteurs de ce pouvoir symbolique. Ainsi, dans sa Politique, Aristote distinguait trois types de gouvernement constitutionnel légitimes : la monarchie, l’aristocratie et la démocratie tout en soulignant les dérives possibles de ces types de régimes. De même, dans son Traité sur le gouvernement civil, John Locke, comme l’ensemble des philosophes des Lumières, centre toute sa réflexion sur les fondements de la légitimité politique, et remonte pour ce faire aux origines du gouvernement et à ce qui l’a précédé, à savoir l’« état de nature ». Une autorité politique n’est légitime que si elle respecte et protège les droits naturels de tout individu. Max Weber, quant à lui, établit une typologie des formes pures de légitimité et distingue les légitimités « traditionnelle », « charismatique » et « rationnelle ».
En dernière instance, la légitimité procède d’un mélange de consentement et de reconnaissance, tacite ou non, ainsi que de conformité à certaines règles formelles (onctions, ouvertures d’ambassades, élections, etc.), par lequel se dégage un consensus suffisant à rendre la société gouvernable.
Voilà un facteur important que doit considérer tout vrai démocrate. Ce qui ne semble pas le cas du tenant actuel du pouvoir politique dans notre pays.
Les démocrates ne sauraient rester indifférents aux conséquences du déficit de légitimité du régime actuel. Déficit résultant de l’étroitesse d’appui populaire du Président élu en octobre 2009 dans des conditions discutables avec seulement à peine 20% du corps électoral, et qui vient d’être aggravé avec le scrutin du 17 décembre qui, sur un mot des adversaires du système, moins de 15% des électeurs donnent au régime une chambre monolithique. On pourra encore épiloguer sur la crédibilité de ces deux scrutins : celui du 29 octobre 2009 qui a établit Ali Bongo Président, et celui du 17 décembre 2011 lui donnant une chambre à 100% acquise, mais il n’est ni honnête, ni sérieux de ne pas admettre que ces scrutins crédibles montrent que le régime ne s’appuie à peine que sur moins de 20% des citoyens qui ont la souveraineté en démocratique, et délèguent cette souveraineté pour légitimer le pouvoir de ceux qui son en charge de l’État démocratique. Le problème important est celui de la légitimité de ceux qui entendent gouverner en démocratie avec à peine 20% de soutient contre 80% du peuple souverain !
Ceci dit, le pouvoir va faire enregistrer d’une façon automatique comme il le voudra, des lois et règlement à sa guise, sans un débat crédible à une chambre revenue à au centralisme démocratique stalinienne. Ceux qui se réclament de l’opposition au système, cette fois, totalement absents de l’hémicycle, sont réduits à des lamentations d’arrière garde. Payant ainsi le prix de leur incohérence et de leur juridisme lénifiant.
Il reste que, cette situation qui plombe gravement le processus démocratique que nous pensions, enclenché avec la conférence nationale en 1990, appelle les uns et les autres de notre échiquier politique, à trouver la juste attitude pour donner à chacun la juste place dans la construction d’une société démocratique. C’est ce qui est dangereusement en cause aujourd’hui, tant les tenants du pouvoir dans notre pays maintiennent un rapport ambigu avec le pouvoir. Entre un enthousiasme sans limite frisant l’arrogance des uns, et les critiques systématiques des autres, le chemin est encore long pour une démocratie active, vivante et apaisée dans notre pays. Combien de Gabonais se trouvent aujourd’hui en rupture avec le système en place ? 70%, 80% ? Allez savoir. Une seule chose est assurée, il ne s’agit pas d’un phénomène marginal.
Face à cette situation de légitimité écorchée, au lieu de prendre à bras le corps les difficultés et les inquiétudes des populations, le pouvoir a préféré de leur tourner le dos pour faire face à celui qu’il a désigné comme l’ennemi. C’est ainsi qu’entre 2010 et 2012, le pouvoir a oublié le drame du chômage, le sentiment d’insécurité, la paupérisation exponentielle, les défaillances des services de l’État (santé, justice, éducation). C’est ainsi qu’à l’inverse, on prétend remobiliser les Gabonais avec les querelles de partis et les guerres des chefs.
Les subterfuges consistant à travestir l’appétit de pouvoir en combat de personne et à masquer le goût des places derrière l’engouement des jeux politiques politiciens derrière le dévouement au service du pays ne marchent plus.
La seule possibilité de se faire une vraie légitimité, de barrer la route aux ennemis de la liberté dans l’unité, et de la solidarité entre les citoyens, c’est de jouer franc jeu avec les Gabonais : dire des choses, reconnaître les réalités, cesser d’être habile pour devenir honnête, écouter le message dérangeant des citoyens plutôt que se réfugier dans le discours complaisant de l’élite compradore. Ce n’est plus un choix, c’est une nécessité, c’est même une condition entre autres pour pouvoir être à même de réaliser le changement de système.
Entre le meilleur des mondes et le moins mauvais, nous devons construire une société d’enthousiasme et non de résignation. Les garanties qu’on peut inscrire dans la loi fondamentale de la République ne suffisent pas à entretenir cette ardeur, il faut encore assurer la participation effective de chaque citoyen au gouvernement de la cité. Notre vie politique et nos relations sociales sont fort éloignés de cet idéal, elles son en permanence viciées par la manipulation politicienne. Ce mal insidieux qui s’est glissé dans notre vécu politique a eu pour conséquence la mise hors circuit du citoyen, lui déniant responsabilité, tout se décidant en dehors de lui.
La crise présente n’est qu’une forme aiguë d’un mal chronique. Depuis les pseudo-indépendances octroyées, et l’institution du système, le Gabonais indigène a été réduit au un rôle de simple « makaya », de sans valeur et sans importance sur ce qui se décide pour le sort du pays. Ainsi, le débat public a été faussé d’avance, il a toujours proposé des choix biaisés, appuyé sur des arguments fallacieux. Mais il y a plus grave ou plus exaspérant, c’est la vacuité de vraies idées, et l’utilisation permanente et abusive de slogans creux pour couvrir les appétits de pouvoirs et les intérêts particuliers.
Se tromper n’est pas bien grave, être trompé devient agaçant, mais se faire duper en raison même de son attachement aux plus nobles idéaux me paraît insupportable. Plus on est sincère, plus on est épris de justice, de solidarité, d’ordre, de liberté, de morale, de progrès et plus on risque de se faire avoir.
On ne joue pas impunément avec les convictions des gens.
La démocratie n’est pas un cadre juridique, c’est une société vivante. Sa substance c’est la citoyenneté, un sentiment fragile qui s’affermit dans le respect et s’effrite dans le mépris. Elle n’’existe qu’à travers l »adhésion, la confiance et la participation de chacun. Lorsque les classes dirigeantes et les institutions perdent leur crédit, il ne reste plus qu’une bureaucratie. Une caricature de république. Voilà où nous en sommes et qui menace l’équilibre socio-politique du pays. Pour les victimes, de la tyrannie patrimonialiste et prédatrice, les plus grandes interrogations naissent de l’avenir, non du passé. Échoués aux rives du vingtième siècle, dans la faillite et le sous-développement, il nous faut découvrir le très long chemin qui nous mènera à la dignité, à la maîtrise de notre destin, et enfin à la prospérité.
Voilà où en était le régime PDG/BONGO jusqu’à l’élection biométrique que la pseudo-opposition (dite légale) à offert au régime. Election qui aux yeux des observateurs a une fois permis l’expression libre et démocratique des citoyens, avec un taux de participation honorable. Résultat : Ainsi qu’annoncé dans les premières estimations, au terme du scrutin du samedi 14 décembre 2013 comptant pour l’élection des membres des conseils municipaux et départementaux, le Parti démocratique gabonais (PDG) est largement sorti vainqueur malgré de fortes résistances dans certaines circonscriptions électorales du pays. En témoigne les résultats ci-après, dans les principales communes des neuf provinces. En effet, sur les 459 sièges disponibles au total, le parti au pouvoir s’est adjugé plus de la moitié. Les listes indépendantes et quelques partis de l’Opposition ou de la Majorité se partageant le reste.
Ainsi, soit par bêtise, soit par complicité (nécessité d’être présent au rituel de la « mangeoirecratie »), les politiciens gabonais qui se réclament de l’opposition viennent de donner une légitimité qui lui faisait défaut au régime PDG/BONGO de l’héritier Ali Bongo Ondimba. Libreville la capitale politique, et Port-Gentil la capitale économique restent dans les mains du régime ainsi que la plupart des capitales régionales : Franceville, Makoukou, Tchibanga…
Sans stratégie, sans projet la pseudo-opposition vient de confirmer son incapacité à être une force capable d’apporter le changement de régime. Nous devons comprendre aujourd’hui, selon Nelson Mandela que : « Les responsables commettent un crime contre leur peuple s’ils hésitent à affûter leurs armes politiques quand elles sont devenues moins efficaces. » Rompre avec le système.
« Pour créer les conditions d’appropriation d’un organisme nouveau, il faut faire table rase des structures actuelles du système PDG. Bongo c/Pseudo-opposition dite légale. Il faut, en fin de compte, tout abolir pour pouvoir commencer à tout reconstruire ». « Les situations bloquées ne progressent que par rupture. » il faut affuter nos armes politiques pour pouvoir réaliser le changement. Aux « Patriotes » il ne reste que la « Révolution ».
Martin Edzodzomo-Ela