Dès l’entame de la crise du secteur éducatif gabonais, le ministre de l’Education nationale, séraphin Moundounga s’était vu traité de tous les noms. Logiquement, l’on s’en était pris à son mode de gestion de la crise. Pourtant, au regard de certaines révélations et d’une autre lecture, on s’interroge désormais sur réelle culpabilité du ministre.
Depuis le début de la crise qui secoue jusqu’à ce jour le secteur éducatif gabonais, de nombreuses critiques acerbes n’en finissent pas de pleuvoir sur le ministre de l’Education national. Subissant les assauts des enseignants, élèves et parents d’élèves, il apparait pourtant aujourd’hui que Séraphin Moundounga, comme les nombreux fonctionnaires grévistes, est lui-même vraisemblablement la victime d’un système bien plus fort que lui.
Dans sa dernière parution, le journal La Loupe (n°161 du mardi 7 janvier 2014), évoque à cet effet la possibilité que le ministre ait été «piégé» par certaines personnalités, visiblement plus proches du Président de la République que lui. Des personnalités qui, selon la source, choisissent de ce qui doit être fait, où et selon quel délai. Ainsi donc, rien ou presque ne dépendrait de Séraphin Moundounga : ni la construction et la livraison des 400 salles de classes promises par Ali Bongo, ni même la résolution des revendications salariales des enseignants. La gestion (si l’on ose) de la crise serait assurée par les «vrais» pédégistes émergents. Et le ministre, selon certains dires malveillants à son endroit n’en serait pas un.
En effet, bien que montrant des signes de volonté à régler de la situation salariale des enseignants dont certains n’ont pas tardé à demander son départ de la tête du ministère, les actions de Moundounga, à en croire nos confrères, auraient été bloquées par «la légion étrangère et ses complices tapis au ministère du Budget, ministère dépensier de l’Etat et de quelques syndicats à la solde qui acceptent mal les réformes issues des états généraux de l’Education qu’ils ont pourtant signées». A ce jeu de «rétention des dossiers» des fonctionnaires, La Loupe identifie clairement «les services du Budget et ceux du Contrôle des ressources et des Charges publiques». Toute chose qui pose également la question du véritable rôle joué par le ministre Rose Christiane Ossouka que l’on dit sous l’influence d’un certain Jean Fidèle Otandault.
L’opinion publique et le monde de l’éducation ne s’intéressent en effet que très peu au rôle de l’Agence nationale des grands travaux (ANGT) pour ce qui est du retard, dénoncé par la Conasysed, dans la construction des infrastructures scolaires. En janvier 2013, se souvient-on, lors d’un voyage de presse sur les chantiers de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur, Simplice Mouango, directeur général du patrimoine au ministère de l’Éducation, avait déclaré : «En 2010, un financement de 30 milliards dédié aux investissements a été inscrit pour notre ministère. Mais, en cours d’année, du fait de la rectification de la loi des finances certains projets ont été reportés à l’année suivante. Donc sur ce montant, seuls 14 milliards ont été engagés pour le compte de l’Education nationale et l’Enseignement supérieur. En 2011, 30 milliards de francs CFA également ont été mis à disposition dont 27 milliards de francs CFA ont été transférés à l’ANGT. En 2012, le budget de l’éducation nationale et de l’Enseignement supérieur était d’environ 30 milliards qui ont également été mis à la disposition de l’ANGT et les projets se réalisent au fur et à mesure comme on va le constater.»
Des chantiers en route, on en avait vu. Mais quel n’a pas été l’étonnement du ministre de l’Education nationale, visitant les chantiers en septembre 2013, de constater que les travaux s’étaient arrêtés un mois auparavant, selon l’indication des chefs de chantiers employés par l’ANGT, sur la plupart des sites. Et de s’entendre expliquer par un chef d’entreprise, devant des journalistes, que le non-avancement des travaux avait pour principal mobile le «défaut de financement». On avait déjà déduit, depuis la déclaration de Simplice Mouango, le directeur général du patrimoine au ministère de l’Éducation nationale, qu’il ne restait réellement plus que les aspects pédagogiques à ce ministère.
Ainsi pour ce qui est des syndiqués, Séraphin Moundounga voudrait bien répondre aux différentes revendications des enseignants, mais sans le quitus du Budget dont le directeur général serait l’une des pièces maîtresses du système qui empêcherait au ministre de l’Education nationale de répondre aux attentes des grévistes, la chose semble bien difficile à réaliser. D’autant plus que cela nécessite le décaissement des fonds. Et les fonds, 1,996 milliard francs CFA pour le paiement des vacations, ce sont les prétendus «amis» d’Ali Bongo, notamment ceux en fonction au ministère du Budget, des Comptes publics et de la Fonction publique, qui les détiennent. «Pauvre, Moundounga», serait-on tenté de soupirer comme pour lui manifester un peu de soutien dans ces moments troubles.