Pas toujours prises au sérieux, contrairement à leurs frères, les filles de chefs d’État africains doivent souvent se battre pour s’imposer. Même au sein du clan présidentiel.
Là où le fils ambitieux se voit facilement ouvrir les portes du pouvoir, les filles sont bien souvent cantonnées aux postes d’assistante, de super-secrétaire privée ou de conseillère en communication, et plus rarement autorisées à se présenter à une élection.
C’est particulièrement vrai en Afrique francophone. Chez les Bongo Ondimba, il y a la fille du patriarche Omar, Ounaïda, demi-soeur de l’actuel président gabonais, et la fille de ce dernier, Malika. La première a été nommée en octobre conseillère spéciale et coordinatrice de la communication présidentielle, quand la deuxième, connue pour ses actions humanitaires et pour avoir organisé trois concours de Miss Gabon, a été élue le 14 décembre conseillère municipale d’Akanda (près de Libreville). Elle aussi élue (elle est députée de Talangaï, un arrondissement de Brazzaville), Claudia Sassou Nguesso, membre du comité central du Parti congolais du travail (PCT, au pouvoir), est d’abord la conseillère en communication de son père, Denis Sassou Nguesso. Personne ne l’imagine d’ailleurs entrer en conflit avec son frère, Denis Christel, dans l’éventualité d’une succession à la fonction suprême.
« Être la fille de Nkrumah signifie être le fille du Ghana et de l’Afrique »
Difficile, donc, pour une femme de se faire une place dans le clan présidentiel. Et ce n’est pas plus évident lorsque le père n’est plus aux affaires. Justine M’Poyo Kasa-Vubu en sait quelque chose : éphémère ministre de la Fonction publique dans le premier gouvernement de Laurent-Désiré Kabila – alors qu’elle était affiliée à l’Union pour la démocratie et le progrès social de l’opposant Étienne Tshisekedi -, elle a tenté sans succès de revenir sur le devant de la scène lors de la présidentielle de 2006, sous les couleurs de son Mouvement des démocrates. Au Cameroun, où le nom d’Aminatou Ahidjo est évoqué pour un poste ministériel, des voix s’élèvent déjà pour dénoncer un « coup de com » de Paul Biya, comme si seul le patronyme dont elle a hérité du premier président camerounais pouvait lui permettre de gravir des échelons.
Il faut aller en Afrique anglophone pour trouver une « fille de » prise au sérieux par ses adversaires politiques. Leader du Parti de la convention du peuple (CPP), Samia Nkrumah revendique l’héritage panafricaniste de son père, premier président ghanéen, renversé en 1966 par un coup d’État militaire. « J’ai compris qu’être la fille de Nkrumah signifiait être la fille du Ghana et de l’Afrique », explique celle qui vivait en Italie avec son mari et son fils depuis dix ans lorsqu’elle a décidé, en 2008, de rentrer au Ghana.
Élue dans la foulée députée de Jomoro (Ouest), cette ancienne journaliste de 53 ans, que le Huffington Post qualifiait en 2009 de « nouveau Nelson Mandela », est aujourd’hui courtisée par les partis majoritaires, le Congrès national démocratique (NDC) et le Nouveau Parti patriotique (NPP). De là à l’imaginer gravir les marches du palais, comme l’ont fait avant elle la Libérienne Ellen Johnson-Sirleaf et la Malawite Joyce Banda, il n’y a qu’un pas.