Des manifestants gabonais, emmenés par des leaders de l’opposition, ont cherché à se rendre, jeudi 13 novembre, au palais de justice de Libreville pour y déposer une plainte contre Ali Bongo, accusé d’avoir falsifié son acte de naissance pour se présenter à la présidentielle en 2009. Mais la manifestation pacifique a été tuée dans l’œuf par les forces de l’ordre.
Mercredi, le Front de l’opposition, un mouvement qui regroupe plusieurs leaders de l’opposition gabonaise, a multiplié les tracts et les SMS appelant à une mobilisation générale en direction du tribunal de Libreville. L’objectif était d’y déposer une plainte pour « faux et usage de faux sur l’acte de naissance d’Ali Bongo », en s’appuyant sur les éléments parus dans le récent livre du journaliste français Pierre Péan, qui affirme que le chef d’État gabonais serait un enfant nigérian adopté, le rendant donc inéligible au poste de président du Gabon.
« On a vite compris qu’ils ne laisseraient pas la foule rentrer dans le palais de justice »
Dans la nuit, le ministre de l’Intérieur Guy-Bertrand Mapangou a interdit la marche de l’opposition, expliquant qu’aucune demande légale de manifester n’avait été déposée. Pourtant, jeudi en début d’après-midi, des centaines de personnes se sont rendues devant le palais de justice. Lewis Boumou, qui se décrit comme un « activiste anti-Bongo » a participé au rassemblement.
Lorsque nous sommes arrivés devant le palais de justice comme prévu à la mi-journée, il y avait un impressionnant dispositif de police pour nous accueillir. Mais nous n’avons pas fait marche arrière et nous avons insisté pour rentrer dans le palais de justice et déposer la plainte.
Le face-à-face a duré près d’une heure, avant que la police ne lance les premiers gaz lacrymogènes et ne tire en l’air. On a compris qu’ils ne laisseraient pas rentrer la foule dans le palais de justice, pour éviter ce qu’il s’est passé au Burkina Faso [les manifestants avaient pénétré et incendié l’Assemblée nationale et des domiciles de proches de Blaise Compaoré le 31 octobre, NDLR]. Les leaders de l’opposition ont demandé à la foule de rebrousser chemin lorsque les policiers ont commencé à tirer en l’air. Dans les échauffourées, Jean Ping, l’un des leaders de l’opposition, a évité de peu une bombe lacrymogène [aucun blessé n’a pour l’heure été enregistré, NDLR].
Je me suis enfui pour me réfugier dans ma voiture. Là, j’ai vu tous mes amis et les leaders de l’opposition strictement encadrés par des policiers. Un membre de l’opposition s’est arrêté pour me dire que les forces de l’ordre avaient promis de ne plus tirer de gaz lacrymogènes et qu’on avait demandé aux manifestants de ne plus jeter des pierres. Le cortège a ensuite été escroté jusqu’au siège de l’opposition.
Globalement, même si la marche a été clairement avortée, je suis satisfait car c’est un signal fort qui a été lancé aujourd’hui.
La plainte contre Ali Bongo a finalement été déposée par une petite poignée de leaders au palais de justice. Cette mobilisation n’a cependant pas été suivie par l’ensemble des partis d’opposition, certains estimant que ces accusations à l’encontre de l’actuel président Gabonais pourraient déstabiliser politiquement le pays. Ali Bongo et son entourage ont de leur côté décidé de porter plainte pour diffamation contre Pierre Péan.
Des manifestants contestent l’éligibilité d’Ali Bongo, suspecté d’avoir falsifié son acte de naissance pour se présenter à la présidentielle gabonaise. Photo Lewis Boumou.
Ce billet a été rédigé en collaboration avec Alexandre Capron (@alexcapron), journaliste à FRANCE 24.