Les tensions entre l’Occident et la Russie à propos de l’Ukraine ont pris le pas sur tous les autres temps forts du sommet du G20 qui se tient à Brisbane.
Alors que la grande crispation entre la Russie et l’Occident sur l’Ukraine a relégué samedi au second plan les autres temps forts du G20 de Brisbane, Vladimir Poutine a décidé de quitter le sommet plus tôt que prévu, a indiqué un délégué russe.
« Le programme pour la deuxième journée (pour M. Poutine) a changé. Il a été raccourci », a déclaré à l’AFP une source au sein de la délégation russe sous couvert d’anonymat, à propos de dimanche. Le président russe participera aux réunions du sommet mais ne sera pas présent lors d’un déjeuner officiel et parlera devant la presse plus tôt que prévu. « Ce déjeuner est plus une sorte de divertissement », a ajouté la source.
Tensions croissantes
Un départ précipité qui fait sans doutes suite aux tensions croissantes observées depuis hier entre le représentant russe et ses homologues occidentaux. « Menace pour le monde », quête de « gloire perdue du tsarisme », agresseur de pays plus petits: les puissances occidentales, Etats-Unis, Australie et Grande-Bretagne, ont chargé en bonne et due forme depuis vendredi la Russie de Vladimir Poutine en raison de la crise ukrainienne.
Selon des informations de la presse canadienne, le Premier ministre Stephen Harper a même attaqué frontalement M. Poutine lors de leur première rencontre samedi matin: « J’imagine que je vais vous serrer la main, mais je n’ai qu’une seule chose à vous dire : vous devez sortir d’Ukraine ».
L’Otan a confirmé cette semaine les affirmations de Kiev accusant la Russie d’avoir déployé des troupes et équipements militaires russes dans l’est de l’Ukraine contrôlé par des rebelles prorusses, ce que Moscou a farouchement nié. Le maître du Kremlin ne s’est pas encore exprimé depuis Brisbane. Avant son arrivée vendredi soir, il avait mis en garde contre la formation d’éventuels « nouveaux blocs ».
La menace financière contre l’Ukraine
Le président russe Vladimir Poutine a averti que d’éventuelles nouvelles sanctions occidentales contre Moscou auraient de graves conséquences pour l’économie ukrainienne, encore très liée à celle de son grand voisin, lors d’une interview à la chaîne allemande ARD diffusée samedi.
« Les banques russes ont actuellement accordé un prêt de 25 milliards de dollars à l’économie ukrainienne. Si nos partenaires européens et américains veulent aider l’Ukraine, comment peuvent-ils saper la base financière, en limitant l’accès de nos institutions financières aux marchés mondiaux des capitaux? », s’est interrogé M. Poutine dans cette interview réalisée jeudi, avant le début du sommet du G20 à Brisbane, en Australie.
« Veulent-ils provoquer la faillite de nos banques? Dans ce cas, ils vont provoquer la faillite de l’Ukraine », a-t-il prévenu.
Régler la crise ukrainienne
M. Poutine a rencontré lors du G20 en tête à tête David Cameron et François Hollande notamment. Avec le premier, il a échangé une poignée de mains devant la presse mais ils n’ont pas commencé à parler publiquement, signe d’une grande tension, selon les médias russes. Un porte-parole du Kremlin a déclaré que les deux hommes avaient exprimé « un intérêt pour la restauration des liens (entre la Russie et l’Ouest) et l’adoption de mesures efficaces pour régler la crise ukrainienne, ce qui facilitera l’abandon de sentiments conflictuels ».
Les médias britanniques ont eux cité une source proche de Downing Street affirmant que M. Cameron « a été clair ». Soit l’accord de Minsk du 5 septembre sur un cessez-le-feu est appliqué et cela améliorera les relations. « Ou bien nous pouvons voir les choses d’une manière très différente en termes de relations entre la Russie et le Royaume-Uni, l’Europe et les Etats-Unis ». La Grande-Bretagne avait menacé vendredi la Russie de nouvelles sanctions internationales.
En revanche, avec François Hollande, les deux hommes ont commencé à dialoguer devant les journalistes, appelant à l’apaisement, alors que Paris et Moscou sont en litige sur la livraison à la Russie, suspendue par la France, de navires de guerre Mistral. « Il faut faire tout notre possible pour minimiser les risques et les conséquences négatives pour nos relations bilatérales », a déclaré Vladimir Poutine dans ses premiers échanges avec M. Hollande. Selon une source française, les deux hommes n’ont pas parlé du Mistral.
La problématique du climat
L’hôte australien n’a pas fait de la lutte contre le changement climatique une de ses priorités, mais Barack Obama en a décidé autrement le mettant au coeur des débats, et la question du climat dans le communiqué final prévu dimanche est ardue, selon plusieurs sources proches des délégations. « Si la Chine et les Etats-Unis peuvent se mettre d’accord à ce propos, alors le monde peut trouver un accord », a déclaré à l’université de Brisbane M. Obama, qui surfe sur les questions climatiques depuis l’annonce surprise mercredi d’un accord avec la Chine pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
L’Australie, elle, veut parler de croissance: « Quand vous observez le monde, il y a plein de difficultés (…), mais le message que nous devrions donner au cours de ces deux jours est un message d’espoir et d’optimisme: oui notre monde peut avoir de la croissance », a déclaré M. Abbott samedi. Barack Obama a lui aussi insisté sur l’importance de doper l’activité. « On ne peut pas s’attendre à ce que les Etats-Unis portent l’économie mondiale sur leur dos », a-t-il dit.
« Ici donc, à Brisbane, le G20 a la responsabilité d’agir, de stimuler la demande, d’investir davantage dans les infrastructures et de créer des emplois pour les gens de tous nos pays ». La question de la relance de la croissance dans le communiqué du G20 devrait trouver un écho particulier chez les leaders européens où il y a toujours un débat sur la difficulté de conjuguer politique de relance et discipline budgétaire.
« Eradiquer » Ebola
Les dirigeants des pays les plus riches de la planète ont promis de faire tout leur possible pour « éradiquer » l’épidémie Ebola qui a déjà fait plus de 5.000 morts en Afrique de l’Ouest, lors d’un sommet du G20 samedi en Australie.
« Nous allons travailler à travers des coopérations bilatérales, régionales et multilatérales, et en collaboration avec des acteurs non gouvernementaux », poursuit le communiqué du G20 qui ne révèle aucun engagement financier tangible.
Les chefs d’Etat et de gouvernement ont par ailleurs appelé la Banque mondiale (BM) et le Fonds monétaire international (FMI) à « continuer leur solide soutien aux pays affectés », les encourageant de surcroît à « explorer de nouveaux mécanismes flexibles pour faire face à l’avenir aux répercussions économiques de crises comparables ».
Source AFP