Bien que «la bonne tenue de l’économie ait été ralentie par une conjoncture pétrolière plus défavorable que prévue», le président de la République a tout de même fait de nombreuses promesses pour 2015 : augmentation des salaires, maintien de la PIP, amélioration des pensions-retraites, consolidation des dépenses en matière de défense, tout en poursuivant la construction des infrastructures sociales, sanitaires et scolaires et l’apurement de la dette intérieure. Toutefois, il n’a pas dit dans quels secteurs s’opéreraient des coupes et des réductions de dépense. Ali Bongo a-t-il décidé de céder définitivement, comme il le fait depuis 2011, à la démagogie ?
Il y a les vieilles promesses, comme celle, en 2011, de transférer les grandes écoles en province. Ainsi, une partie de l’Université Omar-Bongo devait être transférée à Booué dans l’Ogooué-Ivindo, l’Ecole nationale d’administration (ENA) devait aller à Koulamoutou, l’Institut national des Sciences de Gestion (INSG) à Port-Gentil, ou l’Ecole nationale des Eaux et Forêts (ENEF) à Makokou,… Ce projet devait se concrétiser en octobre 2014. Il devait permettre de faire vivre ces localités et maintenir les populations sur place par la création d’emplois. Annoncée avec tambours et trompettes lors d’un des conseils des ministres délocalisés, cette promesse est restée lettre morte. La même année, fut notée la promesse de construire des échangeurs à Sogatol et à la FOPI ; engagement non tenu.
On passera outre la promesse présidentielle de construire 5000 logements par an, du fait que, dans une interview accordée à un hebdomadaire panafricain, il s’est déjà excusé à ce sujet. On passera outre celle de transformer le quartier Angondjé en un quartier moderne et futuriste, sur la base d’un plan d’urbanisme dénommé «Smart Code» censé révolutionner le cadre de vie des Gabonais. La maquette présentée par l’ANGT et par le ministre de l’Habitat de l’époque, Blaise Louembet Kouya, faisait pourtant rêver. Promesse annoncée, promesse non tenue. On passera outre d’autres promesses dont l’opinion n’a pas vu un début de commencement, comme le cimetière public de Bambouchine. Toutes ces promesses qui amènent à se souvenir des «annonces en rafale d’Henri Ohayon» listées par Gabonreview, ont été faites avec de bonnes intentions, mais bien que la volonté politique et la détermination aient été bien présentes, ce sont sans doute les difficultés de trésorerie que traverse le Gabon qui n’ont pas permis à Ali Bongo et à son gouvernement de concrétiser ces projets qui auraient indéniablement développé ces localités. Il est bon de vouloir agir, mais encore faut-il tenir compte de la réalité. Encore faut-il ne pas agiter des chimères. La réalité est que le Gabon fait face à d’énormes difficultés de trésorerie.
2016 en ligne de mire ?
C’est dans ce contexte marqué par un étiolement des ressources budgétaires, une conjoncture pétrolière plus défavorable que prévue, une crise financière sans précédent depuis la dernière décennie, qui voient de nombreux chantiers à l’arrêt ou au ralenti que les annonces présidentielles sont faites. Une situation qui va voir arriver à l’Assemblée nationale et au Sénat, dès début-mars prochain, une nouvelle loi rectificative des finances. Et c’est à ce moment-là que, contre toute attente, le chef de l’Etat fait toutes ces promesses, la nuit de la Saint-Sylvestre. Pourtant, dans son allocution, Ali Bongo, lucide, affirme : «la poursuite de la conjoncture pétrolière défavorable dont certains experts estiment qu’elle pourrait durer plus longtemps que prévu appelle du gouvernement une gestion prudente pour garantir la stabilité macroéconomique».
Stupéfaite, l’opinion se demande comment, en cette année 2015, toutes ces annonces vont pouvoir être suivies d’effet. L’augmentation des salaires des agents de l’Etat se fera-t-elle par le relèvement du point d’indice et le relèvement du SMIG, comme le demandent les centrales syndicales de l’administration ? Le maintien de la PIP – une prime versée pour le moment de manière aléatoire (à la mi-juillet pour le deuxième trimestre, et à la mi-novembre pour le troisième trimestre 2014, et, à ce jour, le quatrième trimestre n’est pas payé) – se fera à quel prix, à quelle échéance, et pour combien de fonctionnaires ? On a vu comment la Prime d’incitation à la performance a eu mal à se mettre en place. On a vu comment les syndicalistes de l’administration ont bataillé pour qu’elle se concrétise, et on a peine à croire que toutes les nouvelles promesses du chef de l’Etat se concrétiseront. La poursuite de la construction des infrastructures se fera avec ou sans le Champ Triomphal ? Avec ou sans le stade Omar Bongo ? De plus, Ali Bongo s’est engagé à construire, cette année, quatorze maisons de la jeunesse et de la culture (MJC), dont six a Libreville et une par capitale provinciale. Où le gouvernement va-t-il pouvoir trouver des poches d’économie pour garantir la stabilité macroéconomique ?
Il est vrai que la prochaine élection présidentielle est prévue dans 19 mois, mais cela ne devrait pas pousser le chef de l’Etat à une surenchère visiblement surréaliste. Pour l’opinion, ces annonces et d’autres ne pourront être tenues que si d’autres secteurs subissent des coupes sombres. Or, décidé, comme il le semble, à céder à la tentation démagogique, Ali Bongo n’a pas voulu indiquer les secteurs qui subiraient des coupes, se contentant d’aligner les promesses. Une posture qui amène l’opinion à croire que la parole présidentielle est littéralement dévalorisée, et que cette juxtaposition de promesses peut conduire à l’impasse.
Démagogie périlleuse
Les annonces sont résolument belles, mais la légère embellie de la fin-novembre 2014 qui a permis de dégager 155 milliards de francs CFA pour le paiement de la dette intérieure va être démontée par la chute vertigineuse des cours du pétrole. Mais vaut-il la peine de faire ces belles annonces, alors que l’on ne sait pas encore jusqu’où la crise pétrolière va plonger les recettes budgétaires de l’Etat ? Les promesses présidentielles sont absolument alléchantes, mais fallait-il les faire alors que la diversification économique n’en est qu’à ses balbutiements, selon les propres termes d’Ali Bongo ?
Au final, la question reste la même : Quels sont les secteurs qui vont subir des coupes ? Il en faut pour ne pas donner l’impression de déséquilibrer les ressources budgétaires. Il faut en convenir : le discours du 31 décembre englobait trop de promesses, trop d’annonces, alors que la réalité est autrement plus difficile. Où est donc passée la sobriété d’Ali Bongo ? Où est passé le sens des réalités du chef de l’Etat ? Trop de démagogie tue… l’espérance. La flatterie à l’égard du peuple est intellectuellement intéressante, mais socialement périlleuse.