Dans son allocution du 31 décembre, le locataire du Palais du Bord de mer s’est brièvement appesanti sur le sujet, mais il s’est bien gardé d’être très clair. L’opinion se demande ce qu’il a bien voulu dire et pourquoi il affirme donner des instructions au Parlement. Une maladresse ?
Le chef de l’Etat a affirmé que «le législateur a pris une disposition légale interdisant aux dirigeants d’un parti politique dissout (sic) de devenir à nouveau responsables d’une autre formation politique». Afin que cette disposition légale change, il a indiqué avoir «instruit le gouvernement et … le Parlement (sic) de procéder à la modification de cette disposition en prévoyant, par exemple, des délais fixant la durée de cette interdiction, selon les cas». Les mots «par exemple», «délais», «durée» et «selon les cas» paraissent alambiqués pour la compréhension de tous. En parlant de délais, de durée et de selon les cas, qu’est-ce que le chef de l’Etat a voulu dire ? Doit-on sortir d’une restriction pour aller à d’autres restrictions ?
«J’instruis le Gouvernement et le Parlement», dixit Ali Bongo
Plus grave, comment les élus de l’Assemblée nationale et du Sénat apprécient-ils les propos d’Ali Bongo qui «instruit le Parlement» pour ce sujet. Autant, on comprend que le chef de l’Etat donne des instructions à son gouvernement – c’est une émanation de l’Exécutif -, autant, le fait de donner des instructions au Parlement peut paraître surprenant dans une République qui institutionnalise la séparation entre les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Une maladresse du chef de l’Etat ? Une erreur ? Une faute ? «Vous savez, banalise un responsable de l’opposition, «Ali Bongo n’est pas à une maladresse ou à une erreur près».
Autre question que se posent un bon nombre d’observateurs de la vie politique nationale : par ces affirmations, le président de la République a-t-il voulu faire comprendre que Myboto, Mba Obame, Eyéghé Ndong, Bandéga Lendoye, Missambo, Oyé Mba, Rougou, Ntoutoume Ngoua, Jocktane, Mbeng Ekorezock et Nambo peuvent créer un parti politique ou devenir membres du comité directeur d’une autre formation politique, tel que le CDJ par exemple ? «Son propos n’a pas été bien précis», estime un sociologue enseignant à l’UOB. «La clarté aurait, selon lui, permis de savoir vers où nous allons».
Vraisemblablement, l’Union nationale ne sera pas réhabilitée
Ali Bongo ne dit pas si le projet de loi éventuel y relatif sera déposé par le gouvernement au cours de la prochaine session parlementaire, celle des lois qui s’ouvrira début-Mars. Ou faudra-t-il attendre l’après-présidentielle de 2016 ? D’une manière générale, si certains militants du PDG ont pu saluer cette annonce en ce qu’elle constitue pour eux la preuve que tout n’est pas fermé, d’autres – plus nombreux – souhaiteraient que la cérémonie des vœux du chef de l’Etat au gouvernement et aux institutions permette à celui-ci de bien préciser les «instructions données au Gouvernement… et au Parlement».
En même temps, cette posture du président de la République peut être analysée comme un refus de faire procéder à la réhabilitation de l’Union nationale, que le gouvernement Biyoghé Mba, par l’entremise de son ministre de l’Intérieur, Jean-François Ndongou, avait dissoute en janvier 2011 «pour des raisons fallacieuses», selon l’expression d’un leader de l’opposition. Une réhabilitation que réclament Jules Aristide Bourdès Ogouliguendé, leader du Congrès pour la Démocratie et la Justice (CDJ), Pierre-Claver Maganga Moussavou, président du Parti social-démocrate (PSD), voire certains responsables du PDG qui appellent secrètement de leurs vœux une certaine décrispation du climat politique et un retour à l’accalmie sociale.
Plus de démocratie permettrait d’avoir des lendemains apaisés
En tout cas, au moment où la société gabonaise est traversée par un grand désarroi et une inquiétude sans égale pour l’avenir, une bouffée d’air sur le plan politique serait bien accueillie. Encore faut-il, si on va vraiment vers une nouvelle loi sur les partis politiques, que les annonces soient claires, nettes et précises, même s’il est vrai que c’est d’une reconstruction institutionnelle (limitation du mandat présidentiel, élections uninominales à deux tours, changement du mode de désignation des membres de la Cour constitutionnelle, de la CENAP et du CNC, etc.) que l’opinion rêve pour éviter tout passage en force. Aller vers une plus grande démocratisation du système politique, est résolument la clé pour des lendemains apaisés.