Au bout d’un procès de 14 heures, sur une centaine de prévenus «appréhendés» le 20 décembre 2014 pour avoir pris part à une manifestation dite non autorisée à Rio, un seul a été relaxé, les autres devraient attendre leur sentence les jours qui viennent.
Opposant le ministère public à une centaine d’individus de nationalités diverses, l’audience du lundi 5 janvier 2015 apparaîtra sans nul doute pendant longtemps comme l’une des plus marquantes de cette nouvelle année, en raison de son caractère cocasse et peu commun voire peu formel. Une audience qui laisse distiller une légère odeur de règlement de compte, comme motivée par la volonté de donner l’exemple à travers les accusés présentés à la barre, estiment, plus ou moins à juste titre, de nombreux spectateurs arrivés par centaines au tribunal de Libreville, à l’instar de plusieurs acteurs de l’opposition tels que Jean Ping, Moukagni-Iwangou ou Zacharie Myboto.
«C’est un procès beaucoup plus politique qu’autre chose», n’ont cessé de clamer les avocats des 101 accusés, tout au long de l’audience qui a mobilisé près d’une dizaine de magistrats pour le compte du ministère publique. Ce qui sonnait également comme «une volonté d’affirmer la force des gouvernants face à leurs adversaires», selon l’expression d’un quidam présent dans la salle d’audience. On serait tenter d’adhérer à l’idée, d’autant plus que, s’agissant des faits reprochés aux prévenus, aucune preuve n’a formellement été exhibée par les accusateurs qui leur imputent notamment d’avoir commis le délit de «trouble à l’ordre public et à la sécurité», pour avoir appuyé par leur présence à «l’attroupement non armé et non autorisée» du 20 décembre 2014 aux abords de Rio.
Si tout au long du procès les preuves de la culpabilité des prévenus sont demeurées aussi rares voire inexistantes que l’on été les preuves attestant de l’interdiction de la réunion querellée, la curiosité était à relever dans le fait que les présumés manifestants ont presque tous été appréhendés à plusieurs dizaines de kilomètres du lieu où ils étaient supposés manifester.
En effet, donnant leur version des faits, plusieurs d’entre eux, si ce n’est tous, on été arrêtés, qui dans des débits de boisson, qui à leur domicile, qui alors même qu’ils se rendaient dans un lieu opposé au périmètre d’intervention des forces de l’ordre, dont l’attitude a par ailleurs été fustigée au cours du procès, aussi bien par Sidonie Flore Ouwé que par les avocats de la défense. « Les policiers et gendarmes ont arrêté tout le monde et n’importe qui», a notamment lancé Me Moubembé, lors de l’un de ses virulents réquisitoires, avant d’en appeler à la relaxe pure et simple de la totalité des prévenus.
Pour la défense, en plus d’un défaut criard des documents attestant de l’interdiction de la réunion publique du 20 décembre 2014, notamment du défaut de procédure imputable à l’administration publique, le ministère public s’est fourvoyé dans le sens à accorder à la notion d’ «attroupement». Pour Me Gomez, «on n’arrête pas des manifestants qui ne sont pas attroupés, si tant est que c’est ce délit qui devait les confondre». Et si l’attroupement n’a pas véritablement existé, comment comprendre la notion de «trouble à l’ordre public et à la sécurité» ?
Si elle s’est pliée à un exercice pédagogique pour le moins périlleux en présence de ses pairs, le procureur de la République n’a pas moins reconnu que cette notion floue peut renvoyer à «un vase dans lequel on peut tout mettre». Et de ce «vase» rien ou presque n’a pu être tiré au bout de 14 heures d’audience. En effet, seul un prévenu (Rodolphe Ondo Mezui) sur les 26 accusés entendus a été relaxé ; la demande de liberté provisoire des prévenus Edou Eyene et Cie, a tout simplement été rejetée tandis que le reste des dossiers a été laissé en délibéré pour les audiences du vendredi 09 janvier et mardi 13 janvier 2015.