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Dieudonné Minlama : «Aucune stratégie d’accaparement des terres par Olam derrière Graine»

Dieudonné Minlama MintogQuatre mois après le lancement de la Gabonaise des réalisations agricoles et initiatives des nationaux engagés (Graine), le président du Collectif des organisations de la société civile pour la lutte contre la pauvreté revient sur cette initiative. Mécanisme de financement, objectif, Sotrader, soupçons d’accaparement des terres… Il n’élude aucun point.

Gabonreview : Un voyage d’étude en Malaisie a récemment été organisé par le programme Graine, au moment où s’y tenait un congrès mondial sur l’huile de palme. Ce programme n’est-il pas un prolongement d’Olam Palm ?

Dieudonné Minlama Mintogo : La mission que j’ai récemment conduite en Malaisie n’avait pas pour simple objectif le congrès sur le palmier à huile. Aujourd’hui considérée comme l’or rouge, l’huile de palme se vend mieux que le pétrole. A cela s’ajoute la réalité selon laquelle les dividendes issus de l’huile de palme touchent les villages, contrairement au pétrole dont les revenus se limitent aux élites. Pour en venir à votre question, je répondrai par la négative. Car en ce qui concerne le programme Graine, en plus du palmier à huile vous avez l’hévéa, le cacao, le café, et bien d’autres cultures. Nous nous inscrivons donc dans la lutte contre la pauvreté et l’assise de la sécurité alimentaire.

Dans le cadre de notre mission en Malaisie, nous avons, après le forum, analysé la situation de nos échecs en nous remémorant nos expériences d’antan. Nous avons posé un diagnostic et nous nous sommes demandé ce qu’il y avait lieu de faire, en nous référant, entre autres, à l’expérience malaisienne à travers le Federal land development authority (Felda). A partir de l’agriculture, ce pays a pu bâtir une économie forte. Il était donc question pour nous de nous imprégner de ce processus de transformation et de le confronter à ce que nous sommes en train de monter au Gabon.

Vous évoquiez à l’instant la lutte contre la pauvreté. Quelle est, par rapport à cet objectif, la place de la culture de rente, mais surtout vivrière dans le programme Graine ?

C’est très important ! Dans la mesure où le programme n’impose rien mais propose en revanche une panoplie d’options. C’est à l’agriculteur de choisir ce qui lui sied le mieux. Cependant, il faudra veiller, dans le cadre de la culture vivrière, à éviter qu’il y ait une surproduction qui puisse décourager l’agriculteur. Et au niveau de la culture de rente nous sommes engagés dans la normalisation en termes de commercialisation, de manière à ce que nos produits soient accessibles à l’international.

D’aucuns évoquent derrière le programme Graine, une stratégie d’accaparement des terres. Que se passe-t-il lorsqu’un promoteur national échoue ? A qui rétrocède-t-on le titre foncier ?

Ces terres reviennent à la coopérative, qui est le lien entre l’agriculteur et l’Etat. C’est vrai que cette inquiétude est légitime mais je réaffirme qu’en ce qui concerne le programme Graine, il n’y a pas d’accaparement de terre. Ce volet était important dans ce projet, car vous ne pouvez pas amener des bailleurs de fonds à investir sur des terres qui n’appartiennent pas aux producteurs. Il y a eu par le passé plusieurs problèmes y relatifs. Supposez un instant que je possède une plantation de plusieurs hectares mais que je ne dispose d’aucun document attestant que ces terres sont miennes. Et un bon matin, que l’on me dise que ces terres ont été attribuées à un industriel. Vous ne serez en droit de ne rien réclamer car ne disposant d’aucun papier. D’où l’attribution de titres fonciers aux agriculteurs pour sécuriser leur production. Et si rétrocession de terre il y a, elle se fera entre l’Etat et les populations : il n’y a aucune intervention extérieure. Par ailleurs, il se peut également qu’en cas d’échec, comme vous le soulignez, la coopérative attribue l’espace en question à un autre agriculteur.

Programme d’envergure, l’on suppose bien évidemment que Graine est fort coûteux. Pouvez-revenir sur son financement ?

Nous avons énormément réfléchi sur la question du financement, notamment en étudiant nos échecs. Car il arrivait, il y a quelques années, que les bailleurs de fonds extérieurs donnent leurs contreparties, sans que l’Etat gabonais n’en fasse autant. D’où l’échec de nombre de projets. Par ailleurs, il y avait également un certain nombre de projets qui étaient entièrement financés par l’Etat. Il fallait donc que lesdits projets attendent que les budgets soient mis en place, alors que l’agriculture obéit à certains codes dont la périodicité dans la culture. Nous avons donc réfuté ces différents modes de financement. D’où la création de la Société de transformation agricole et de développement rural (Sotrader) sur fonds propres et qui a la liberté de faire des montages financiers au niveau international.

Cette structure dispose également d’un crédit «revolving», qui consiste à mettre à disposition d’un emprunteur une somme d’argent réutilisable au fur et à mesure de son remboursement pour financer des achats non prédéfinis. Ce dernier comprend des frais de subsistance de 125 000 francs par mois au bénéfice des agriculteurs, afin que ces derniers puissent avoir un revenu direct. Car, entre le temps de la culture et celui de la récolte, qui peut aller jusqu’à cinq ans dans le cas du cacao, il faut bien que l’agriculteur ait de quoi vivre. Ces crédits seront donc remboursés par l’agriculteur lorsque ses produits arriveront à maturité. D’où un encadrement allant de la gestion à la commercialisation. Le montage financier est très clair là-dessus. Par ailleurs, il y a une partie des investissements qui concerne le développement rural. Car si un jeune homme est envoyé à l’intérieur du pays dans le cadre de ce projet, il aura besoin de toutes les commodités nécessaires à son épanouissement : eau potable, électricité, internet, école, hôpital, etc.

Concrètement, qu’est-ce que la Sotrader ?

Il s’agit d’une société mixte qui est une collaboration publique-privée, créée par l’Etat gabonais et le groupe Olam International. Concrètement, c’est l’acteur technique chargé de mettre en place le programme Graine. Nous espérons fermement reproduire, sinon aller au-delà de l’expérience malaisienne. Car au début, les populations de ce pays étaient beaucoup plus pauvres que les nôtres. Elles n’avaient aucune formation et étaient sans terre. Il a fallu une vision forte des autorités de ce pays pour que ces «sans-terres», pauvres et non formés, deviennent aujourd’hui des entrepreneurs de haut niveau.

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