Survenue de nombreuses heures après l’annonce du décès d’André Mba Obame, l’attaque pyromane de l’ambassade du Bénin au Gabon, démontre que les services de renseignements ont failli dans leur mission d’anticipation.
Depuis que des individus mal intentionnés ont brûlé le bâtiment abritant les services de la mission diplomatique du Bénin, dimanche dernier, à la suite de l’annonce du décès d’André Mba Obame, une bonne frange de l’opinion publique s’étonne de ce qu’il n’existe pas, en dehors des stations-services et de certains bâtiments ministériels ou institutionnels, des cordons de sécurité, même discrets, autour des ambassades.
Connaissance et anticipation
Mieux, devant la situation sociale et politique explosive que connaît le Gabon, il peut paraître «surréaliste» que les services de renseignement ne se soient pas particulièrement intéressés à l’ambassade du pays dont est originaire le directeur de cabinet du président de la République nonobstant le fait qu’il s’est naturalisé gabonais depuis quelque temps.
Pour mémoire, lors de sa dernière sortie publique au Gabon, à la faveur d’un meeting tenu le 25 août 2013 au siège de l’Union nationale, André Mba Obame avait adressé un ultimatum de deux semaines à Accrombessi pour quitter le Gabon. Il n’avait cependant pas manqué d’inviter les Gabonais à ne pas «jeter le bébé avec l’eau du bain» et donc à ne pas mêler la communauté béninoise, qui vit en bonne intelligence avec les Gabonais, au cas Accrombessi. Lui emboitant le pas, les membres du mouvement Ça suffit comme ça avaient rédigé un courrier à l’adresse du président de la République du Bénin, Yayi Boni, lui demandant d’intercéder pour que Maixent Accrombessi quitte le Gabon «pour éviter tout dérapage aux conséquences regrettables» (lire «Ça suffit comme ça demande à Yayi Boni de reprendre Accrombessi». Les services de renseignement, qui s’inscrivent dans une logique d’anticipation et de permanence, semblent avoir oublié sinon banalisé ces faits.
Mauvais plis et restriction de la mission
«Les services de renseignement du Gabon sont parmi les meilleurs de la sous-région, mais ils s’occupent trop d’assurer la filature des leaders de l’opposition et de la société civile (la preuve, c’est qu’ils savent à quel moment ceux-ci doivent quitter le territoire pour se rendre à l’étranger, et les en empêchent souvent) et la lecture de leurs correspondances», souligne un général de police à la retraite. En fait, si le général à la retraite se désole de cette situation qui révèle des insuffisances dans la protection des personnes et des biens, l’opinion, pour sa part, ne comprend pas pourquoi les «services» n’ont pas su anticiper un tel événement, dans le climat de surchauffe que connaît actuellement le pays. Pourtant, dans divers endroits publics, notamment les maquis, bars et salons de thé, il était dit par d’aucuns que «c’est le vaudou qui a empoisonné Mba Obame». Dans la rue, les gens ne manquaient de pointer un doigt accusateur sur Maixent Accrombessi concernant l’état de santé moribond de l’ancien ministre de l’Intérieur d’Omar Bongo.
Même si aucun indice ne donnait la preuve de ces assertions entendues ici et là sur la responsabilité du directeur de cabinet du président de la République, les services de renseignement se devaient tout de même d’anticiper et de prévoir, ne serait-ce que de manière discrète, un cordon de sécurité autour de l’ambassade du Bénin. Si l’on s’en tient à ce que l’attaque de la chancellerie du Benin à Libreville est intervenue près de 7 heures après le décès de Mba Obame, on devrait en convenir : les services ont péché de n’avoir rien fait. Et le dire, ce n’est pas porter atteinte à l’honorabilité de ces services, mais juste leur conseiller de prendre des dispositions préventives face à ce qui se dit et s’entend.
Après cet incendie qui pourrait, en dépit de la visite opportune qu’ont rendue les ministres gabonais des Affaires étrangères et de l’Intérieur à l’ambassadeur du Bénin au lendemain de ce grave incident, jeter un froid dans les relations entre Libreville et Cotonou, des sanctions devraient tomber et s’abattre sur ceux des responsables qui n’ont pas su anticiper ce genre de situation, et en premier lieu sur le ministre chargé de la Sécurité publique. Parce que l’incendie de l’ambassade du Bénin a révélé d’importantes failles dans la politique de sécurité des personnes et des biens, et parce que anticiper est toujours mieux que lancer, après coup, «une grande opération de sécurisation de la capitale gabonaise».
Or, les services semblent accorder plus d’importance à des dossiers et à des secteurs qui ne le méritent pas réellement.