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Incendie de l’ambassade du Bénin : Des preuves «accablantes»

Le fameux témoin (capture d'écran). © Gabonreview
Le fameux témoin (capture d’écran). © Gabonreview
La célérité avec laquelle les autorités judiciaires tentent de résoudre l’incident diplomatique occasionné par l’incendie de l’ambassade du Bénin au Gabon le 12 avril 2015, fait tache d’huile au fil de l’évolution de l’enquête et discrédite le pouvoir.

Après l’empressement du ministre de l’Intérieur à pointer l’opposition du doigt quelques heures après le triste événement de l’incendie de l’ambassade du Bénin au Gabon, l’interpellation, dans des conditions pour le moins hors du commun, d’Annie-Léa Méyé et Georgette Toussaint, et leur garde à vue, le gouvernement donne désormais l’impression de jouer aux apprentis sorciers. Et pour cause, la police judiciaire vient de recueillir et offrir à la population via les antennes de Gabon Télévision, les déclarations d’un soi-disant témoin du plan ayant conduit à l’incendie de la chancellerie du Bénin au Gabon.

Si les sorties de Guy Bertrand Mapangou et le mode opératoire de l’arrestation de deux présumés coupables ont laissé l’opinion dubitative, les derniers événements en rajoutent. Pendant que les deux activistes de la société civile réputées proches de l’opposition sont gardées dans un endroit inconnu et qu’elles sont privées de visite, l’on s’échine à construire des preuves qui pourront justifier leur détention, jugée «arbitraire» par l’ensemble des observateurs. Tout bien pesé, le scénario des aveux a tout d’une mise en scène à la gabonaise. Un remake des révélations, en 2009, de Francis Salah Ngoua Beaud, en somme.

En effet, il s’agit ici du témoignage hallucinant d’un quidam d’une trentaine d’années, diffusé après le journal télévisé de 20 heures sur la chaine nationale, mais non enregistré avec le matériel de cette chaîne de télévision. Dans une déclaration comportant de nombreuses incohérences spatio-temporelles, le témoin avoue qu’il se drogue souvent. Il prétend avoir reçu la nouvelle du décès d’André Mba Obame le 12 avril à 16h pendant qu’il se trouvait encore à Oyem. Disant être parti de la province du Woleu-Ntem à 17h, il déclare être arrivé le 13 courant à 3 heures du matin soit après 10 heures de voyage. Après quoi, il se serait rendu au domicile des parents du défunt où il aurait participé à une réunion avec les jeunes et les responsables de l’Union Nationale à laquelle participait Jean Ping. L’objet de la rencontre serait la mise en place de la stratégie visant à brûler les ambassades du Bénin, du Nigéria et le tribunal. Or l’incendie a éclaté aux environs de 20h. À cette heure-là, selon toute vraisemblance, le quidam se trouvait entre Lalara et Ndjolé. Qui peut croire que ce quidam est si important dans le dispositif qu’il ait aussitôt pu se rendre au lieu supposé de la réunion ? Il affirme avoir rejeté une somme de 200 000 francs mais dit avoir vu Paul Marie Gondjout «balancer» un million de francs sans en livrer le destinataire. Comment admettre qu’un individu qui dit avoir été obligé de demander 10. 000 francs pour effectuer son voyage, puisse refuser 200 000 francs ?

Selon une source de Gabon Télévision ayant requis l’anonymat, après diffusion dudit témoignage, la présidence de la République aurait appelé le directeur général adjoint, Mathieu Koumba, pour savoir d’où provenait l’enregistrement et de qui ont-ils obtenu l’autorisation de le diffuser. Selon les réponses de ce dernier, la presse présidentielle serait l’instigatrice dudit montage médiatique. Ya-t-il tant d’incohérences dans la communication de la présidence de la République ? Que visaient les initiateurs de ce témoignage à charge ?

Selon de nombreux témoignages, le directoire de l’Union Nationale ne s’est rendu au domicile de Julien Nguéma, frère aîné d’André Mba Obame, qu’au seul jour du 12 en fin d’après-midi. Si un conclave avait eu lieu ce jour pour orchestrer un tel acte, comment le témoin a-t-il pu y prendre part puisqu’il était censé se trouver dans le Woleu-Ntem ? Comment croire que le domicile de Julien Nguéma puisse servir de quartier général à l’Union nationale ou au Front de l’opposition pour l’alternance ? Chacun se souvient qu’au lendemain de l’incendie, L’Union affirmait que cette réunion de laquelle «rien n’avait filtré», avait eu lieu au siège de l’Union nationale. Si «rien n’avait filtré», notre confrère indexait tout de même l’opposition. Mieux, sans attendre les conclusions de l’enquête, le ministre de l’Intérieur affirmait que cet incendie était l’œuvre «d’individus non encore identifiés se réclamant du Front de l’opposition pour l’alternance (FOPA)». Des personnes non identifiées dont on connait l’appartenance politique ? Il faut être convaincu d’avance pour y croire… L’instruction étant secrète, que font les autorités judiciaires du respect de la présomption d’innocence qui recommande qu’aucune déclaration ne soit faite à ce niveau de la procédure ? Pourquoi rendre public des témoignages devant être versés au dossier ? Est-on en face d’une bataille juridique ou d’une bataille pour l’opinion ?

Assurément, quelque chose de pas net se joue. D’autant que, chose surprenante, le même témoin est visible dans une autre vidéo circulant sur les réseaux sociaux depuis la matinée du 21 avril 2015 et dans laquelle il s’en prend à bras raccourcis aux membres de l’opposition, les accablant d’injures tels que : «Ce sont des faux, des menteurs et des escrocs ! Ces opposants, ils ont fini de piller le Gabon ! André Mba Obame c’est un menteur !». Est-on en face d’une nouvelle affaire Francis Salah Ngoua Beaud ? Comme pour notre confrère qui, en 2009, disait avoir été témoin du recrutement de mercenaires par André Mba Obame, l’avenir nous édifiera. Comme notre confrère, le témoin du 13 avril dernier finira-t-il conseiller d’ambassade ?

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