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Acte de naissance d’Ali Bongo : Pour une responsabilisation des acteurs

ActenaissanceBOALes interprétations hâtives voire erronées ont conduit l’opinion à fonder son raisonnement sur l’écume des choses et des idées reçues…

Pour que la République retrouve ses droits, le débat sur l’authenticité de l’acte de naissance du président de la République doit s’écarter des considérations biologiques et familiales pour placer les parties prenantes en face de leurs responsabilités.

«Un problème sans solution est un problème mal posé», enseigne Albert Einstein. Au lendemain de la publication de la réponse du Service central d’état-civil de Nantes (SCEC), l’opinion semble partagée : les uns crient victoire, les autres réaffirment leur détermination à tirer la question de l’état-civil du président de la République au clair. Président en exercice du Front de l’opposition pour l’alternance, Jean de Dieu Moukagni Iwangou émet, lui aussi, des réserves (lire par ailleurs «Acte de naissance d’Ali Bongo : Les doutes de Moukagni-Iwangou» https://gabonreview.com/blog/acte-de-naissance-dali-bongo-les-doutes-de-moukagni-iwangou/). Mais, il lui en faudra bien plus pour être audible dans ce vacarme. Il lui faudra obtenir la définition d’un angle d’analyse partagé et compréhensible par tous. Il aura besoin de recentrer le débat et obtenir de l’opinion moins d’anathèmes, de digressions et de diversion.

Certes, la réponse du SCEC laisse entière la question de l’existence d’un acte de naissance établi, en 2009, au 3è arrondissement de Libreville. Evidemment, l’extrait délivré par le SCEC ne précise nullement s’il s’agit d’un original, d’une transcription ou d’une copie. Bien entendu, sa valeur juridique sera toujours sujette à débat. Mais, en présentant le SCEC de Nantes comme un horizon indépassable, une institution insusceptible de manipulation et détentrice de la vérité suprême, une partie de l’opinion voit aujourd’hui sa marge de manœuvre se rétrécir. Pis : en se réfugiant désormais derrière l’absence de mention sur la filiation, elle pourrait très vite sortir du droit pour tomber dans des considérations biologiques. Au-delà de la sincérité de l’extrait fourni par la SCEC de Nantes, l’angle d’attaque et le traitement de cette question doivent maintenant être interrogés. En clair, il convient d’analyser l’orientation, le sens et la portée de ce débat. Peut-on se l’épargner au regard des enjeux politiques sous-jacents ? Aux uns et aux autres d’y réfléchir. A eux de ramener cette question aux aspects juridiques et administratifs, au lieu de se perdre dans les méandres de la biologie ou le recours à des entités extérieures. A eux, d’impliquer toutes les parties prenantes au plan national.

Eclaircissements

Depuis la publication du livre du journaliste-écrivain français Pierre Péan «Nouvelles affaires africaines – Mensonges et pillages au Gabon», la polémique sur l’état-civil du président de la République n’a pu être canalisée : elle est partie dans tous les sens. Etablissant un lien avec l’article 10 de la Constitution, une partie de l’opinion y a vu le moyen de disqualifier Ali Bongo de la prochaine présidentielle. Se fondant sur le bons sens populaire, elle en est arrivée à omettre de consulter les textes en vigueur. Elle a quasiment fini par absoudre certaines personnalités dont la responsabilité se trouve pourtant engagée. Les interprétations hâtives voire erronées ont conduit l’opinion à fonder son raisonnement sur l’écume des choses et des idées reçues, bien souvent éloignées de la réalité juridique et administrative. Les enjeux politiques ont relégué en arrière-plan le rôle de l’administration nationale. Comme emportés par la frénésie du débat et mus par des élans populistes, certains ténors de la classe politique se sont même égarés sur les sentiers de la biologie, invitant à des tests ADN.

Seulement, si le test ADN peut régler la question de la filiation, il ne tranchera jamais sur la sincérité de l’acte de naissance établi au 3è arrondissement de Libreville. Et pourtant, comme la nationalité, l’éligibilité est une notion juridique et non biologique. Si la nationalité doit être prouvée par des documents juridiques et administratifs, l’éligibilité consiste en la capacité à répondre positivement à certains critères clairement énoncés. En l’espèce, il s’agit de ne pas avoir «acquis» la nationalité gabonaise. Or, contrairement à une idée répandue, tout enfant adoptif ou réputé l’être n’est pas inéligible à la présidence de la République, l’alinéa 3 de l’article 14 de la loi 37/98 portant Code de nationalité attribuant la nationalité gabonaise à titre de nationalité d’origine à «toute personne qui, ayant été recueillie au Gabon avant l’âge de quinze ans y a été élevée soit par l’assistance publique, soit par une personne de nationalité gabonaise». Ici intervient, la question de l’existence ou non d’un acte d’adoption. Acte de naissance ou acte d’adoption ? Le fond du débat réside dans la capacité de nos institutions à confirmer ou infirmer l’authenticité d’actes juridiques ou administratifs.

Clarté et sérénité

Parce qu’il entretient le confusionnisme, exhale des effluves nauséabonds et donne libre cours aux pulsions xénophobes, le débat sur l’état-civil du président de la République requiert clarté et sérénité. Sauf à entretenir la confusion entre origines et nationalité, filiation et éligibilité, génétique et état-civil, on ne peut se satisfaire du tohu-bohu actuel. Le test ADN tant exigé est-il de nature à statuer sur la sincérité du document d’état-civil établi en 2009 ? Que nenni… En revanche, l’officier d’état-civil mis en cause peut aider à clarifier la situation. De ce fait, il semble nécessaire de le placer face à ses responsabilités. Mieux : il importe de donner une suite judiciaire ou administrative à l’attitude de tous les commis de l’Etat engagés dans cette affaire, notamment les personnalités en charge de la validation des dossiers de candidature. Autrement dit, au peuple souverain, l’ancien maire du 3è arrondissement de Libreville et le président de la Commission électorale nationale autonome et permanente (Cenap) doivent la vérité. A la République, ils doivent des comptes.

Pendant combien de temps encore, allons-nous farfouiller dans l’histoire personnelle des individus ? A quelles fins devons-nous faire appel à la biologie ? Pourquoi le maire mis en cause devrait bénéficier d’une immunité quand certains de ses anciens collègues sont incarcérés pour des faits similaires ? Jusqu’à quand allons-nous nous contenter du mutisme du président de la Cenap ? Veut-on réellement mettre fin à cette polémique, tourner le dos à cette histoire humiliante pour l’ensemble des institutions et le pays tout entier ? Une responsabilisation des acteurs s’impose. Autrement, ce sera toujours l’embrouillamini. Et la porte de sortie honorable tant espérée s’éloignera inexorablement. Décidemment, «un problème sans solution est un problème mal posé»…

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