Luanda, la capitale de l’Angola, est la ville la plus chère du monde pour les expatriés, plus que Tokyo, Moscou, Londres ou New York, selon le classement 2014 du cabinet d’études américain Mercer. Les prix flambent dans toutes les villes où coule de l’or noir : Ndjamena, Libreville et Lagos, mais les pétrodollars n’expliquent pas tout. Dix villes africaines, parmi lesquelles Bamako, Conakry et Dakar figurent aussi parmi les 50 villes les plus chères du monde.
Luanda, la ville la plus chère du monde
Dans la capitale de l’Angola, second producteur de pétrole en Afrique après le Nigeria, tout se compte en dollars. Les expatriés y réfléchissent à deux fois avant de sortir le soir. Le moindre verre coûte 20 euros, et le double pour un dîner au restaurant. Dans les fast-foods, des formules de base à 11 euros coûtent encore deux fois plus cher qu’à Bruxelles… Le salaire d’un policier de base s’élève à 320 euros par mois. Les logements neufs se vendent autour de 1 700 euros le mètre carré, mais les loyers sont hors de prix : 2 500 euros par mois pour un studio, jusqu’à 7 500 euros pour une maison. Depuis la crise financière de 2008, la ville attire une nouvelle vague d’immigration en provenance du Portugal. Des personnes attirées par l’emploi et les gros salaires qui correspondent au standing angolais.
Ndjamena, pétrodollars et nouveaux buildings
L’effet pétrole joue aussi dans la capitale du Tchad, même si le pays reste l’un des plus pauvres de la planète – 184e sur 187 pays, selon l’Indice de développement humain (IDH). Ndjamena n’en est pas moins la seconde ville la plus chère du monde dans le classement Mercer. Elle surpasse Hong Kong, Singapour, Zürich, Genève et Tokyo. Folie des grandeurs ? La Cité internationale des affaires, un complexe en chantier, comprendra deux tours de 23 étages. Un projet commandé par le président Idriss Déby à l’architecte sénégalais Pierre Goudiaby, pour un coût de 366 millions d’euros.
Victoria, paradis fiscal des Seychelles
La 13e ville la plus chère du monde n’est autre que la capitale des Seychelles. Située sur Mahé, la plus grande île de cet archipel de l’océan Indien (jadis nommée Abondance), cette ville de 25 000 habitants encaisse de fortes sommes d’argent en devises grâce au tourisme haut de gamme, aux exportations de vanille, de savon et d’écailles de tortue, mais aussi parce qu’elle est un paradis fiscal très discret. Depuis 2001, une loi empêche les étrangers de régler leurs notes d’hôtel en roupies des Seychelles. Ces îles sont aussi devenues un terrain de jeu pour les expatriés qui s’ennuient à Dubaï, à quelques heures d’avion. Yachts de luxe et villas de rêve se traduisent par des notes très salées, dans le moindre hôtel ou restaurant.
Libreville, l’Afrique chic
La capitale du Gabon arrive 19e dans le classement Mercer, après New York (Etats-Unis), Shenzhen (Chine) et Tel-Aviv (Israël) et juste avant Kinshasa. Pour une virée dans les hauts-lieux du luxe et les bas-fonds de cette ville pétrolière d’Afrique centrale, il faut lire les romans policiers de Janis Otsiemi. Où l’on apprend que « bongo » n’est pas seulement le patronyme des présidents, père et fils, qui dirigent le pays depuis 1967, mais aussi le petit nom qu’on donne à l’argent. Gros sujet de préoccupation pour tous les frappés du « mal de poche » : 20% de chômeurs et 33% de pauvres.
Kinshasa flambe en billets de 100 dollars
Forte dépendance vis-à-vis des importations, taux de change défavorable, circulation de très grosses sommes pour cause de commerce illégal de diamants et de minerais : tous les ingrédients sont réunis pour rendre la vie très chère à Kinshasa. Cent dollars, c’est le prix d’un dîner dans un restaurant huppé ou d’un taxi loué à la journée. Beaucoup de Kinois en sont réduits, pour se chausser, à se contenter de simples « babouches » (tongs en plastique), et pour se nourrir, à cultiver des légumes sur les trottoirs. Même les administrations du pays exigent d’être payées en billets verts et ne rendent la monnaie qu’en liasses de francs congolais.
Lagos et ses îles huppées
Cette mégalopole de 12 millions d’habitants est la 25e ville la plus chère du monde. Pour des raisons liées à la sécurité, expatriés et millionnaires nigérians vivent concentrés à Ikoyi et Victoria Island, deux îles huppées du centre-ville qui donnent sur la lagune. Là, un gin tonic est facturé 24 euros, trois fois plus cher qu’à Paris. Eko Atlantic City, le futur « Dubaï de l’Afrique », une extension du quartier d’affaires de Lagos Island, verra bientôt des buildings se dresser sur une île artificielle en cours de construction. Même à Lekki, un quartier de la classe moyenne et supérieure, on ne trouve aucun deux-pièces à moins de 1 300 le mois, payable d’avance sur 24 mois, sans compter le générateur, qui pompe 5 euros de diesel par jour au bas mot.
Brazzaville, une ville qui carbure à deux vitesses
Le grand jeu à Brazzaville consiste à montrer qu’on a de l’argent, à faire son shopping le week-end à Paris ou partir fêter son anniversaire à New York… L’élite sort dans des restaurants comme le Mami Wata, au bord du fleuve Congo, où l’on paie 60 euros son repas et 5 euros la bière. Au Nénuphar, un restaurant sympathique situé en face du marché Plateau, un gros poisson coûte encore 45 euros. Alors que les maisons du centre-ville se louent 1 500 euros, les loyers dans le quartier populaire de Bacongo vont de 60 à 150 euros. Les comptes sont vite faits, pour un instituteur au Congo, sachant qu’il ne gagne pas plus de 60 euros par mois.
Bamako, l’effet crise et Minusma
Devenue la 29e ville la plus chère du monde, juste après Brazzaville, Bamako reste la capitale d’un pays sahélien et pauvre, le Mali. Elle est pénalisée par l’effet de la crise politique de 2012 et 2013 sur son économie, avec la hausse des prix des produits alimentaires et du carburant. Le déploiement en juin 2013 d’une imposante Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali (Minusma), 12 600 personnes en uniforme, a fait flamber les prix : le marché s’ajuste au pouvoir d’achat élevé des casques bleus et des fonctionnaires onusiens.
Conakry paie les lacunes du service public
Classée 34e ville la plus chère du monde, la ville portuaire a gagné 12 places en 2014 dans le classement Mercer. Qu’est-ce qui coûte si cher dans la capitale guinéenne, en dehors d’un verre ou d’une nuit au nouvel hôtel Palm Camayenne, le premier cinq étoiles de la ville ? Réponse : les lacunes du service public ! Il faut payer l’essence du générateur, à raison d’un euro le litre, si l’on veut un minimum d’électricité. Et prendre sa voiture pour aller puiser de l’eau, afin de remplir des bidons qu’on stocke ensuite chez soi. Les appartements de luxe pour expatriés, avec eau, électricité et sécurité, se louent 2 000 euros par mois. Poster un gardien devant sa maison coûte au moins 50 euros par mois, tandis qu’un instituteur, avec son salaire de 35 euros, peut à peine s’acheter deux sacs de riz par mois.
Dakar, le casse-tête de la dépense quotidienne
A Dakar, 40e ville la plus chère du monde, trois places avant Abidjan, l’argent file à toute vitesse. Il faut sortir un billet de 1 000 francs CFA (1,50 euro) pour un kilo de sucre et juste un peu moins (1,20 euro) pour un litre d’essence. La préparation d’un yassa-poulet pour 8 personnes coûte plus de 10 euros – le prix d’un seul plat dans les restaurants chics. Les logements neufs au Plateau, le centre-ville, se vendent à 1 500 euros le mètre carré, aussi cher qu’aux Deux-Plateaux à Abidjan. Les prix ont flambé avec la crise ivoirienne de 2 000, qui a vu une cohorte de fonctionnaires internationaux et d’expatriés se rabattre sur Dakar. Un instituteur ne gagne pas plus de 300 euros par mois au Sénégal et un ministre 6 fois plus – sans compter les indemnités, logement et voiture de fonction qui font toute la différence…