Le Front de l’opposition gabonais va-t-il rapidement trouver son candidat pour la présidentielle 2016 ? Rien n’est moins sûr. Pour Mike Jocktane, ancien proche d’André Mba Obame, le chemin pourrait encore être long. Interview.
Alors qu’il annonçait à Jeune Afrique il y a moins d’une semaine que le candidat unique de l’opposition pourrait être désigné par consensus « dans quelques jours », l’ancien Premier ministre Jean Eyeghe Ndong a rappelé à tous que, au sein de l’opposition gabonaise, rien n’était jamais simple.
Ce week-end, il a devancé les autres ténors du Front de l’opposition en annonçant soutenir Jean Ping, seul candidat officiellement déclaré. Une position qui ne plaît pas à tout le monde, notamment chez ceux pour qui le candidat unique n’a pas à être choisi aussi rapidement.
Mike Jocktane, ancien bras droit d’André Mba Obame, est de ceux-là. Il répond aux questions de Jeune Afrique.
Jeune Afrique : Où en sont les discussions concernant le candidat unique du Front de l’opposition ?
Mike Jocktane : Nous sommes encore en train de discuter les conditions des candidatures, la date de désignation et la composition du collège électoral. Des commissions ont été créées, qui doivent faire des propositions en vue d’un consensus, sans doute dans les deux semaines. Ensuite, nous pourrons engager le processus de désignation.
Comment avez-vous pris le soutien de Jean Eyeghe Ndong à Jean Ping le week-end dernier, alors que le Front travaille sur le consensus ?
C’est une tentative d’accélérer le processus. Aujourd’hui, Monsieur Eyeghe et Jean Ping voudraient que ce dernier soit désigné immédiatement. Pour eux, il aurait même fallu que ce soit fait il y a six mois. Ce type de comportements peut mettre à mal la cohésion du groupe.
Monsieur Eyeghe et Jean Ping voudraient que ce dernier soit désigné immédiatement.
Il n’y aura donc pas de désignation de candidat dans les prochains jours, comme l’avait laissé entendre Jean Eyeghe Ndong à Jeune Afrique ?
Non, nous devons travailler sur les modalités de désignation et c’est un débat qui avance très lentement. Les conditions ne sont pas réunies aujourd’hui. Je pense de mon côté que si le candidat choisi est annoncé début 2016, nous serons toujours dans les temps pour nous présenter à la présidentielle dans de bonnes conditions.
Êtes-vous vous-même candidat à la candidature ?
Je ne me suis pas encore déclaré. Je vais observer le contexte politique, discuter avec les populations et j’aviserai ensuite. Je ne considère pas le fait d’être candidat comme un objectif.
Je ne considère pas le fait d’être candidat comme un objectif.
Vous vous êtes déclaré favorable à une primaire pour désigner le candidat unique. Pourquoi ?
Je considère que c’est le rôle du Front que d’aller à la rencontre du peuple, à qui la souveraineté appartient. Nous ne pouvons pas procéder à une désignation comme ça a pu être fait dans le cadre du Parti démocratique gabonais (PDG, au pouvoir). Pour moi, la désignation du candidat n’est pas une affaire de semaines. On peut y procéder dans six mois et se donner les moyens d’organiser correctement la consultation populaire.
Comment espérez-vous la mettre en place ?
L’organisation d’une primaire libre est difficile. Mais il y a plusieurs possibilités : faire voter tous les membres encartés des partis du Front, permettre aux sympathisants de s’inscrire, comme ça a pu être fait en France avec le Parti socialiste, ou encore passer par un collège de 500 ou de 1000 personnes. Je n’ai pas de formule magique mais la désignation du candidat doit être le plus démocratique possible.
Cette proposition est-elle bien accueillie au sein du Front ?
Un certain nombre de membres du front partagent ce point de vue. D’autres non.
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Peut-on imaginer que le Front finisse par accoucher de deux candidatures, au cas-où la désignation ne satisferait pas tout le monde ?
Il est clair que, si nous n’arrivons pas à nous entendre sur la procédure de désignation, il peut y avoir éclatement.
Il est clair que, si nous n’arrivons pas à nous entendre sur la procédure de désignation, il peut y avoir éclatement.
Considérez-vous que l’opposition ne puisse pas aller à la présidentielle dans l’état actuel du système électoral ?
Je considère que le Front doit faire tout ce qu’il peut pour obtenir les modifications constitutionnelles et institutionnelles qui permettront la crédibilité du scrutin. Cela doit être l’objet de notre combat aujourd’hui. Mais, au-delà, je ne suis pas pour un boycott de l’élection présidentielle.
Êtes-vous vous-même pour un scrutin à deux tours ?
Tout à fait. Tout comme pour la réduction du mandat présidentiel à cinq ans et la limitation à un mandat renouvelable une seule fois. Je suis également favorable à la réforme de la Cour constitutionnelle et de la Commission nationale électorale (Cenap) et de tout ce qui concerne la désignation de ses membres.
Pensez-vous que le pouvoir en place soit prêt à dialoguer sur ces points ?
Actuellement, il n’y a pas de dialogue. Sous Ali Bongo Ondimba, il n’y en a jamais eu. Je crois cependant qu’il va y avoir une pression populaire et internationale qui va aboutir à un dialogue inclusif et sans tabou.
Sous Ali Bongo Ondimba, il n’y a jamais eu de dialogue sincère.
Faut-il faire superviser l’éventuel dialogue et le processus électoral ?
Oui. Nous voulons qu’ils soient supervisés par une troïka composée de l’Union africaine, l’Union européenne et l’ONU. Nous avons d’ailleurs déposé au Bureau régional des Nations unies pour l’Afrique centrale (UNOCA) un document cadre en ce sens.
La clarification du statut administratif d’Ali Bongo Ondimba, que l’opposition ne cesse de réclamer, doit-elle être une exigence de l’opposition pour aller à la présidentielle ?
C’est effectivement une condition préalable à la fois au dialogue et à l’élection de 2016. La situation de quelqu’un qui prétend à la plus haute fonction de notre pays est un problème trop important pour qu’il ne soit pas pris en compte.
Mathieu Olivier