En Tanzanie, une pratique ancienne permet à deux femmes de se marier. Une tradition qui permet de protéger l’héritage familial, et que les femmes se sont réappropriées pour se prémunir des violences conjugales.
C’est une tradition qui dure depuis plusieurs siècles. En Tanzanie, une femme peut prendre comme épouse une autre femme. Zaïnabu, aujourd’hui âgée de 45 ans a d’abord été mariée à un homme. Lorsqu’elle devient veuve à 35 ans, elle n’a que deux filles, aucun garçon. Donc, pas d’héritier. « Une raison dans ma tribu d’être maltraitée par la communauté entière », confie-t-elle à Jeune Afrique.
Zaïnabu est issue de la tribu des Kurya, peuple d’éleveurs qui travaille dans les champs et est très attaché à la terre. Selon la pratique, pour ne pas subir l’expropriation de leur belle-famille en l’absence d’héritier, les veuves ou les femmes n’ayant pas eu de garçon peuvent s’unir avec une congénère plus jeune. Et ce, dans l’espoir que cette dernière donne naissance à un fils.
Ainsi, depuis 5 ans, Zaïnabu a pris Mariam comme épouse et de cette union sont nés deux garçons. Mariam a eu leurs fils avec un homme que les deux concubines ont choisi ensemble. Dans ce cas, il s’agit souvent d’hommes de la famille, pour la plupart mariés avec une autre femme et qui renoncent à leurs droits sur les enfants. Faire perdurer un nom peut être une de leurs motivations.
Échapper aux violences conjugales
Cette coutume ancestrale, pratiquée à Musoma, la ville principale de la province de Mara (nord) est tolérée même si elle n’est pas reconnue légalement. « Les épouses ne sont pas inscrites dans le registre de l’état civil mais les mariages sont célébrés d’une façon traditionnelle », a expliqué à Jeune Afrique l’administrateur de la ville de Musoma.
Dans la région de Mara, de plus en plus de femmes se marient entre elles également pour bénéficier de plus liberté au sein de leur ménage et se prémunir des violences conjugales. Dans le cadre d’un mariage entre femmes, elles sont toutes deux associées aux décisions familiales et estiment avoir moins de compte à rendre.
Une coutume ancestrale acceptée par la communauté
C’est le cas de Sifa Mwana, 22 ans, qui a vécu quatre ans avec un homme qui la battait, avant d’être accueillie dans un centre pour femmes en difficultés. « Je suis partie de chez mon mari car il me battait à chaque fois qu’il rentrait ivre. C’est-à-dire tous les soirs », racontre la jeune femme qui vit aujourd’hui chez sa compagne Aziza depuis un an. C’est pour éviter que l’histoire ne se répète que Sifa a choisi de partager sa vie avec une femme plutôt que de se marier à nouveau avec un homme.
Même si la communauté locale n’accepte pas les mariages homosexuels, elle respecte et soutient ces unions. « C’est une vieille tradition, qui n’a jamais fait de mal à personne. C’est la contribution de notre communauté pour le respect des droits de la femme », a estimé un sage de la ville.