Pour la deuxième journée consécutive, la médiation de la Cédéao emmenée par les présidents sénégalais Macky Sall et béninois Thomas Boni Yayi a rencontré à Ouagadougou les acteurs de la crise qui secoue le Burkina Faso depuis mercredi 16 septembre. Après avoir vu les représentants de l’opposition, ils se sont rendus à la résidence du président de la transition Michel Kafando qui n’était pas apparu en public depuis trois jours. Dans l’après-midi, de nouveaux rounds de consultations ont eu lieu dans l’hôtel Laico. Le président Boni Yayi qui anime cette médiation, avec le président Macky Sall, s’est adressé à la presse en fin de soirée et a annoncé un retours vers la transition. Des pourparlers seraient toujours en cours cette nuit entre Macky Sall et le général Diendéré.
Avec notre envoyé spécial à Ouagadougou, Guillaume Thibault
Samedi, l’ambiance a changé en fin de journée. Diplomates, hommes politiques semblaient optimistes pour trouver une solution à cette crise burkinabée. « Vous savez le Burkina c’est un pays de surprise et de miracle », déclarait même un homme politique du Burkina Faso. L’homme fort du pays, Gilbert Diendéré, est arrivé à l’hôtel vers 17h pour s’enfermer avec Macky Sall et Boni Yayi durant deux heures.
Les spéculations, les rumeurs ont circulé dans le hall de l’hôtel transformé en lieu de conférence de presse. Tout le monde attendait une déclaration du chef de la junte. Mais c’est Boni Yayi qui a pris la parole avec à sa droite le général putschiste. Il est venu annoncer devant la presse « une bonne nouvelle pour le Burkina ». Il a informé d’un rendez-vous prévu ce dimanche à 10h à l’hôtel Laico : « Tous les acteurs vont se réunir pour lâcher la bonne nouvelle au monde entier. » Avant de préciser que la transition est relancée : « Lorsque j’ai dit que le général est dans de bonnes dispositions d’esprit oui, je suis en mesure de dire que c’est le retour à la transition. Oui. » Boni Yayi a ensuite quitté l’hôtel pour rentrer au pays sans donner plus de détails. Des confrères relancent alors Boni Yayi. Est-ce que la transition va repartir avec Michel Kafando à sa tête ? « Je ne crois pas », répond le président béninois.
Prudence
Or ni les membres du Balai citoyen, ni les poids lourds de cette crise politique qui sont présents n’étaient samedi soir informés de ce rendez-vous. Dans le hall où se trouve le candidat à la présidentielle Zéphirin Diabré, les journalistes lui demandent s’il a des informations sur ce protocole d’accord : « Non, on n’en pas. Vous en avez plus que nous puisque vous étiez là-bas (à la conférence de presse). Moi je n’y étais pas je n’ai pas d’éléments. » A la table voisine, le porte-parole du Balai citoyen maître Kam semble ne pas en savoir plus : « Nous ne savons pas de quel accord il s’agit. Nous restons vigilants. Comme dès le départ nos exigences n’ont pas bougé d’un iota. » Quant au principal intéressé, le général Diendéré, lorsque la presse lui a demandé s’il allait quitter le pouvoir, sa seule réponse a été son éternel sourire. Couvre-feu oblige l’hôtel se vide et les interrogations restent entières.
Chérif Sy, le président du parlement de la transition dissout par les putshistes, joint par RFI, reste prudent à cette annonce : « S’il y a une bonne nouvelle on peut l’annoncer maintenant parce que moi les bonnes nouvelles venant de la médiation je m’en méfie toujours parce que nous sommes dans une situation où vous avez une bande armée que d’ailleurs l’Union africaine a bien caractérisée de terroriste (…) et on va négocier avec eux et on ne négocie pas sur des principes clairs. La première des règles doit être la remise en place des institutions de la transition. Cela ne se discute pas. Tout le monde doit retrouver son poste et la transition c’est tout de suite normalement. Les informations qui semblent avoir filtré c’est que Gilbert Diendéré aurait souhaité une amnistie pour lui. Maintenant, est-ce que cette proposition a abouti… Nous ne savons rien, mais il est évident que c’est inacceptable pour nous. »
Un protocle d’accord encore inconnu
Alors que Boni Yayi parlait à la presse, le président sénégalais Macky Sall planchait visiblement sur le protocole d’accord issu des deux longues journées de concertation. Ce texte devrait donc être présenté, ce dimanche. Et si Boni Yayi s’est exprimé durant quatre minutes lors de la conférence de presse, il n’a donné aucun détail et de nombreuses questions restent donc sans réponse.
On ne sait pas notamment si le président Michel Kafando et le Premier ministre Isaac Yacouba Zida retrouveront leurs postes. On ne sait pas non plus si les membres des partis politiques exclus des différents processus électoraux à venir seront remis en selle. Si c’est le cas, il semble évident que le CNT et la société civile seront très critiques. Autre élément de tension, le futur du régiment de sécurité président (RSP) sera-t-il introduit dans cet accord ? Les membres de ce corps d’élite qui ont activement participé au coup d’Etat et qui sont sanctionnés par l’Union africaine seront-ils blanchis ? Enfin, quel rôle compte jouer Gilbert Diendéré dans cette nouvelle transition.
Publié le 19-09-2015 Modifié le 20-09-2015 à 05:42