Vendredi 30 octobre, alors que se tient à Vienne une conférence internationale pour tenter d’esquisser une sortie du conflit syrien, cela fait exactement un mois que les bombes russes ont commencé à fendre le ciel syrien, dans le cadre de l’opération de lutte « contre le terrorisme international » lancée par Vladimir Poutine. Un mois d’une offensive qui a fait près de 600 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), mais dont les résultats sur le terrain sont contestés et limités.
Qui est visé par les frappes ?
Moscou s’est attiré les foudres des Occidentaux en privilégiant les raids visant non pas l’organisation Etats islamique (EI), mais les rebelles et opposants au régime de Bachar Al-Assad, allié de Moscou.
Les cartes des frappes, réalisées à partir des données collectées par l’Institute for the Study of War (ISW) américain et le collectif d’investigation Bellingcat, confirment que ce sont des régions tenues par l’opposition, en particulier dans les gouvernerat de Hama, d’Idlib et d’Alep, dans le nord-ouest du pays, qui ont été les plus visées par les raids russes. Cette tendance pouvait s’observer dès la première semaine de frappes :
Quel est le bilan de ces frappes ?
Selon les informations recueillies sur le terrain par l’OSDH, en trois semaines d’intervention, les raids russes auraient tué :
279 rebelles modérés ou alliés au Front Al-Nosra, branche syrienne d’Al-Qaida
185 civils, parmi lesquels 48 enfants et 46 femmes
131 djihadistes du groupe Etat islamique
Par comparaison, selon l’OSDH, les raids de la coalition menée par les Etats-Unis ont, eux, fait 3 628 morts, dont 3 276 parmi les membres de l’Etat islamique et 146 issus du Front al-Nosra et d’autres groupes islamistes en un peu plus d’un an. Deux cent six civils ont également été tués par des bombardements de la coalition.
Quelles sont les conséquences de ces frappes sur le terrain ?
Si le régime de Damas s’est félicité, le 24 octobre, d’opérations qui « commencent à donner de grands résultats », les frappes russes n’ont pour l’heure pas modifié les rapports de force sur le terrain.
L’appui de Moscou a surtout permis à l’armée syrienne de lancer des offensives, notamment dans les provinces centrales de Homs et de Hama et dans celle d’Alep (Nord), sans parvenir jusqu’à présent à prendre le dessus sur les rebelles.
L’objectif est de s’emparer de secteurs situés près d’une route stratégique reliant Alep à la capitale Damas, bastion du régime, afin, selon le quotidien Al-Watan, proche du pouvoir, de « [couper] les lignes de renforts des hommes armés (rebelles) ».
Dans le même temps, l’EI s’est emparé d’importantes sections d’une route vitale pour le régime reliant Homs et Alep.
La reconquête des territoires perdus par le régime est plus lente qu’espérée. L’opposition armée syrienne oppose une résistance aux forces loyalistes, grâce à un soutien accru en armement des pays alliés. « Il y a des tensions entre Damas et Moscou car les Russes comprennent qu’ils ont surestimé les capacités du régime à reprendre le dessus militairement et à nettoyer les poches de résistance », selon une source diplomatique.
C’est ce bilan en demi-teinte qui pourrait pousser Moscou à vouloir accélérer les négociations sur le front diplomatique avec l’ouverture, jeudi soir, de la conférence internationale de Vienne sur la résolution du conflit syrien.
Des hôpitaux ont-ils été touchés ?
Ces derniers jours, de nombreuses voix accusant la Russie d’avoir touché des hôpitaux se sont fait entendre. Ainsi, jeudi 29 octobre, Médecins sans frontières a déploré une « récente et significative augmentation » des raids aériens sur des hôpitaux qui auraient fait 35 morts, sans préciser l’origine des frappes.
Une semaine auparavant, la Société médicale syro-américaine avait accusé la Russie d’être à l’origine de frappes ayant touché cinq hôpitaux et centre de soins dans des régions tenues par les rebelles. L’OSDH a, elle, affirmé qu’un hôpital de campagne dans le nord-ouest de la Syrie a été touché par un raid aérien russe, faisant treize morts. L’hôpital de Latamné (Hama) a, lui, été touché par un missile guidé, une technologie que seule l’armée russe possède.
Ainsi accusée d’avoir touché des civils, l’armée russe a exigé des attachés militaires occidentaux d’apporter des « preuves officielles ou de démentir » ces informations qu’elle réfute.
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Faut-il anticiper une nouvelle vague d’exode ?
Selon l’OSDH, cette nouvelle offensive armée est venue alimenter un peu plus la vague d’exode depuis les zones de conflit en Syrie. Il évoquait, le 20 octobre, 100 000 personnes ayant fui les provinces de Hama, d’Alep et de Lattaquié (ouest) suite aux frappes.
Le Monde.fr avec AFP | 29.10.2015 à 17h54 • Mis à jour le 30.10.2015 à 10h26