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Bouleversements au PDG : Légitimation du congrès de clarification

A moins d’un an de la présidentielle, Ali Bongo vient de procéder à une refonte complète de l’organisation du Parti démocratique gabonais (PDG). Si on y a décelé une façon de contourner les requêtes des frondeurs d’Héritage et Modernité, le «distingué camarade» a paradoxalement donné du grain à moudre à ceux qui dénoncent l’absolutisme, le pouvoir personnel et la dérive patrimoniale. De quoi rendre encore plus vivace l’exigence d’un congrès.

Le PDG est-il malade à jamais ? Si son secrétariat exécutif a beau jeu de s’arc-bouter contre ses statuts pour justifier les dernières décisions du comité permanent de son bureau politique (lire par ailleurs «PDG : Les décisions d’Ali Bongo pour «pacifier le parti»»), leur ampleur laisse songeur. Conçues et formalisées en catimini, annoncées aux seuls cadres dans le confort douillet du siège de Louis, ces mesures ont d’abord été portées à la connaissance du grand public sous forme de rumeurs, avant d’être relayées par la bande et confirmées par le bouche à oreille. Du coup, elles relancent, avec force, le débat sur la gouvernance et la démocratie interne au Parti démocratique gabonais (PDG). En reconfigurant les instances tout en modifiant l’organisation générale de son parti, au lieu de se contenter de quelques ajustements, le «distingué camarade» a involontairement légitimé le procès en absolutisme dont il est l’objet. Autrement dit, en faisant une lecture plutôt large voire extensible à souhait des statuts du PDG, Ali Bongo s’est tiré une balle dans la jambe, légitimant l’exigence d’un «congrès de clarification» formulée par Héritage et Modernité.

Dans le dos des militants

Effectivement, au fondement de ce pataquès – au propre comme au figuré- se trouve une interprétation opportuniste des textes. «Dans l’intervalle des réunions du congrès, le président du parti peut procéder au remplacement des responsables du parti membres des instances qu’il préside» ; «En cas de nécessité politique, le président du parti peut procéder aux ajustements des instances mises en place par le congrès», disposent les alinéas 4 et 5 de l’article 30 des statuts du PDG. Du point de vue de certains zélateurs, ces dispositions donnent à Ali Bongo le droit de tout chambouler au gré de ses intérêts et humeurs. Or, le président du PDG n’est pas au-dessus de son congrès, consacré par l’article 68 des statuts comme «l’organe suprême». Mieux : le président est un organe exécutif et non délibérant. Faut-il retourner aux fondamentaux ? Doit-on se résoudre à expliquer la différence entre organe délibérant et organe exécutif ? Si les statuts reconnaissent à un organe exécutif le droit de revoir les décisions d’un organe délibérant, cela doit se faire à la marge, se résumer à des ajustements de forme. En aucun moment, il ne doit être question de réformes de fond. Or, en l’espèce, ces décisions touchent à la structure, la composition, l’organisation et le fonctionnement des instances, si ce n’est du PDG tout entier.

A dire vrai, dans le dos des militants et sans en prévenir la hiérarchie, un congrès ordinaire du PDG vient de se tenir. Désormais, toutes les interrogations sur le rôle de la base et le rapport du «distingué camarade» à elle deviennent légitimes. Peut-on être au service de populations et prendre les décisions les concernant à leur insu, sans les avertir à l’avance ? On imagine certains se réfugier derrière l’implication des structures de base dans la désignation des candidats aux différents scrutins pour justifier ce déni de démocratie. Est-on certain que la base entend se limiter à cela ? Et pourquoi n’aurait-elle pas son mot à dire dans la désignation du candidat à la fonction suprême ? A moins de sanctuariser la fonction de président du parti, on est obligé de se poser quelques questions. Sauf à la placer au-dessus du congrès, on est contraint de se demander pourquoi la base ne serait pas consultée à son sujet, singulièrement sur le lien avec la candidature à la présidence de la République. Naturellement, les zélotes brandiront l’alinéa 3 de l’article 29 des statuts pour soutenir la notion de «candidat naturel». Cela aurait, à coup sûr, le mérite de la légaliser ? Deviendrait-elle légitime pour autant ? Rien n’est moins sûr…

Rien de plus contreproductif

En procédant à des réformes en profondeur des organes du PDG, Ali Bongo a voulu tout à la fois répondre aux appels répétés à la tenue d’un «congrès de clarification» tout en demeurant maître du jeu. Seulement, chacun a encore en mémoire les dernières rodomontades de Paul Biyoghé Mba face à Michel Menga (lire par ailleurs «Paul Biyoghé Mba à Michel Menga : «Vous n’aurez pas le congrès que vous sollicitez»»). Désormais, certains voient même le ministre de la Santé et son nouveau mentor, le ministre de l’Intérieur, comme les vrais instigateurs de ces changements. De quoi raviver le douloureux et traumatique souvenir du tsun’ali de sinistre mémoire. De quoi susciter la radicalisation des grognards d’Héritage et Modernité. Et pour cause : si le premier cité apparaît d’abord comme un politique retors, cynique et sectaire, le second n’a toujours pas réussi à convaincre ses frères d’armes de son sens politique, de sa capacité de mobilisation voire de son savoir-faire technocratique. De l’avis de nombreux militants PDG, ce duo est loin d’avoir l’autorité nécessaire à la conduite de telles manœuvres. Naturelle, technocratique ou politique, il en faut pourtant en l’espèce.

Resserrer les boulons de la mécanique PDG en dehors d’un congrès était certainement une solution d’urgence. Fallait-il pour autant la déconstruire pour la reconfigurer en l’absence des militants de base ? Que nenni… A chacune des démissions enregistrées par ce parti, les partants ne manquent jamais d’instruire un procès en absolutisme, de dénoncer le pouvoir personnel et la conception patrimoniale. En mettant à l’index «un climat fascisant de terreur», en pointant du doigt les «difficultés inhérentes au fonctionnement de (leur) parti», Héritage et Modernité ne disait pas autre chose. Nonobstant le triomphalisme débridé de certains, la vitalité d’un parti politique ne tient ni à la dévotion à son chef ni aux arrangements entre élites encore moins à l’omnipotence d’une autorité crainte. Elle vient de l’inclusion, de la concertation, de l’osmose entre la base et le sommet et, finalement, d’une compréhension partagée des objectifs et moyens. Est-ce le sens des dernières décisions du comité permanent du PDG ? Cela reste à démontrer… Remettre en cause l’ordre issu d’un congrès sur la seule base de la décision du président, c’est le placer au-dessus de l’organe suprême et, par voie de conséquence, donner du grain à moudre à ses contempteurs. Il n’y a rien de plus contreproductif.

A moins d’un an de la prochaine présidentielle, Ali Bongo gagnerait à ripoliner son image tout en établissant un consensus minimal parmi les siens. Au lieu d’apparaître comme un homme fort, un chef omnipotent et finalement craint, il aurait intérêt à cultiver le rassemblement et la participation. Pour cela, un congrès du PDG selon les formes et normes serait salutaire, quitte à en faire le cadre de légitimation des derniers bouleversements. Mais, ça c’est loin d’être gagné…

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