En s’en prenant vivement à ses contempteurs tout en semblant dénier aux uns et aux autres le droit à la critique, Ali Bongo a ravivé le débat sur les résultats de son mandat.
A Franceville, à l’occasion du lancement du programme «Graine», le président de la République s’est cru obligé de revenir – une fois n’est pas coutume – sur la controverse liée à ses origines, s’attaquant violemment à ceux de ses adversaires qui exigent sa destitution. S’il apparaît évident que sa verve, sans nul doute motivée par la présence de plusieurs de ses proches parents, n’aurait jamais pu s’exprimer aussi librement dans une autre province, il n’en demeure pas moins que ses propos ont étonné plus d’un. En traitant de «menteurs» et de «professionnels de la critique» ses détracteurs, Ali Bongo n’a pas manqué de susciter le débat, en plus de provoquer une certaine moquerie dans l’opinion. Il n’en fallait pas plus pour que la définition du mot «injure» soit scrutée. Surtout que, quelques jours auparavant, lors de sa virée «inopinée» au quartier Cocotiers, dans le 2e arrondissement de Libreville, il affirmait ne pas souhaiter verser dans l’invective. Si le discours du 8 février dernier à Franceville prouve, si besoin était, qu’il ne se sent nullement comptable de quoi que ce soit et qu’il ne s’estime aucunement lié par ses promesses, certains cherchent à comprendre le sens réel du mot «menteur» ou plutôt le contenu qu’il lui donne.
Au terme d’un septennat riche en promesses non tenues, ainsi qu’il l’a lui-même reconnu à l’occasion de son adresse à la nation en décembre dernier, l’on se demande qui prend effectivement des libertés avec la vérité. Alors que les échecs se sont enchaînés, au cours des six dernières années, dans tous les secteurs d’activité, la faute revient-elle aux «menteurs» ? «Qui ment à qui et au sujet de quoi ?», s’interroge-t-on désormais dans les bidonvilles et autres quartiers cossus de Libreville.
Très peu intéressée par les velléités des uns et des autres à quelques mois de la prochaine présidentielle, l’opinion interroge plutôt la matérialisation de «l’avenir en confiance». Pour beaucoup, ce ne sont certainement pas les quelques 872 logements sociaux achevés en plus de six ans qui permettront de se gargariser. «Qu’a-t-on fait de la promesse de construire 5 000 logements par an ? Où sont les salles de classe promises ? Pourquoi le panier de la ménagère est-il aussi vide ? Pourquoi les projets présentés comme prioritaires sont-ils au point mort quand ils ne sont pas tout simplement à l’arrêt ? Pourquoi la misère et la précarité semblent-elle plus rudes qu’auparavant ? Que traduit la dune de sable sur le front de mer de Libreville ? Pourquoi les spectacles et conférences se tiennent-ils maintenant sous des tentes ? » Autant de questions qui invitent à la modestie, plutôt qu’à verser dans l’invective. N’empêche, les Gabonais sont capables d’évaluer leurs dirigeants. Ils se font aisément une idée des propos ainsi que de la capacité des uns et des autres à respecter leurs promesses et engagements.