Dans une interview à paraître ce vendredi 18 mars dans l’hebdomadaire «La Loupe» qui l’a réalisée, la figure de proue des dissidents PDG d’Héritage et Modernité a été amenée à parler de la crise économique du Gabon, du Parti démocratique gabonais, du Mogabo, de la présidentielle à venir pour laquelle les exclus du parti au pouvoir auront un candidat et naturellement d’Ali Bongo.
Pr Barro Chambrier, Allons-y tout droit au but. Les Gabonais voient d’éminents membres du PDG venir grossir les rangs de l’opposition. On a vu Jean-François Ntoutoume Emane, Jean Ping, René Ndemezo’o Obiang, Léon Paul Ngoulakia, Michel Menga et vous-même, pour ne citer que ces personnalités. Que se passe-t-il dans la maison PDG : est-ce le mouvement naturel d’un renouvellement du personnel politique ou le symptôme d’une crise des valeurs qui fondent le PDG ?
Je vous remercie de me permettre d’éclairer le positionnement de notre rassemblement PDG-« Héritage et Modernité ». Notre pays est en proie à une crise tridimensionnelle, économique, politique et sociale. Les Gabonais attendent des leaders politiques qu’ils disent la vérité sur la situation réelle du pays et éclairent les perspectives. La division est symptomatique de cette crise. Il y a une tradition de dialogue et de tolérance au PDG. Laquelle est bafouée par un autoritarisme qui, à notre sens, vide le parti de son contenu. Le chemin emprunté par Ali Bongo depuis six ans et demi conduit le pays dans l’impasse et dans le chaos. L’absence de démocratie interne, l’abandon des valeurs fondatrices Dialogue-Tolérance-Paix, et la gestion chaotique des ressources humaines conduisent tout droit dans le mur. Nous ne pouvons plus nous payer plus longtemps ce luxe. Les membres du Rassemblement PDG-« Héritage et Modernité », qui était jusqu’alors un rassemblement au sein du PDG, ont pris leur responsabilité pour dire que trop c’est trop ; il n’était plus possible de laisser faire.
Qu’en est-il exactement de la crise économique ?
Beaucoup d’entre nous, dès 2013, avions déjà tiré la sonnette d’alarme. Il était évident que tôt ou tard, interviendrait une contraction des recettes pétrolières. Bien sûr, la baisse du prix du baril explique en partie la crise économique, mais le problème de fond est celui des mauvais choix dans la gestion macroéconomique.
La situation du Gabon n’est pas bonne à cause d’une mauvaise politique économique, même nos étudiants savent ce qu’est la stabilité macro-économique. Un pays ne peut se permettre de vivre durablement au-dessus de ses capacités. J’ajoute que nous avons été incapables de prendre des mesures structurelles adéquates pour permettre d’attirer en masse des investisseurs privés. Il est fâcheux de laisser filer le train de vie de l’Etat et d’avoir engendré une faible efficacité de la dépense des investissements publics. Le pays va mal ! Cette crise économique s’accompagne d’une crise politique.
Ali Bongo, après sa prise de pouvoir, est-il devenu autiste, méprisant et arrogant envers les Gabonais ?
En effet, le pouvoir s’est coupé du peuple ; il ne sait pas écouter au point de rejeter les propositions de ceux qui veulent l’organisation d’un dialogue inclusif sans tabou. Le président actuel s’est révélé incapable de se mettre au-dessus de la mêlée. Il n’écoute pas le pays profond. Quant à la crise sociale, ce sont les Gabonais qui en souffrent le plus. Les grèves répétitives dans les administrations publiques donnent l’image d’un pays en arrêt de travail ; des gens meurent parce que les hôpitaux sont fermés. Je le vois régulièrement dans ma circonscription politique. Et ça ne changera pas si Ali Bongo reste encore au pouvoir. Dans les domaines de la Santé, de l’Education nationale, de l’université et de quelques établissements d’enseignements spécialisés, ce sont des grèves perlées hélas qui prédominent.
Vous ne vous sentez pas aussi responsable de l’état actuel du pays ? Ce d’autant plus que vous avez concouru à l’arrivée au pouvoir d’Ali Bongo ?
(L’air déçu). Il est évident que le décès du président Omar Bongo, fondateur de notre parti avec d’autres personnalités, a constitué un choc pour nous tous. Ce décès nous a pris au dépourvu. Je vous passe les conditions dramatiques de ce décès, après celui de son épouse, Edith Lucie Bongo. Nous avons à ce moment pensé, par devoir de mémoire et de reconnaissance, que nous devrions donner une chance à Ali Bongo. Ce d’autant qu’à ce moment, il présentait une vision attrayante du Gabon. Nous nous sommes dits que c’était l’occasion de donner le pouvoir à un jeune qui saura associer les compétences et corriger les insuffisances de la présidence longue de feu Omar Bongo. L’expérience nous prouve aujourd’hui que nous avons eu tort, très tort.
Mais alors, à quel moment intervient la scission entre Ali Bongo et vous ? On se rappelle que vous avez été membre de son deuxième gouvernement.
(Complètement révolté). Je suis resté en tout et pour tout un peu plus d’un an ; ce qui, vous en conviendrez, ne permet pas l’exécution d’une année budgétaire. Dans toute l’histoire du pays, nous n’avons jamais vu un tel gâchis dans l’utilisation des ressources humaines. Mais, déjà au sein du gouvernement, précisément à travers le processus de prise de décisions, les interférences du cabinet du président de la République se substituant aux ministres ne présageaient rien de bon. Il est évident qu’Ali Bongo est venu avec la volonté de placer des personnes d’une nature particulière dans le système. De même, très rapidement, au lieu de s’investir dans la mise en oeuvre de son programme, il était davantage préoccupé par le souci de régler un certain nombre de comptes, de mettre certaines personnes de côté. Des personnes qui avaient travaillé avec son père et qu’il considérait comme inaptes à être avec lui.
Mais quel est l’élément déclencheur ? Pourquoi de telles mises à l’écart ?
Je pense qu’il a dû vivre un certain nombre d’évènements et de frustrations à l’époque de notre père. Même sans être dans le premier cercle du pouvoir, nous voyions bien que le défunt président Omar Bongo s’appuyait souvent, dans des situations particulières, sur un certain nombre de collaborateurs autres qu’Ali Bongo.
Est-ce à dire que le président Bongo considérait que son fils était médiocre et donc pas à la hauteur des enjeux ?
Ecoutez, je n’irai pas jusqu’à dire cela. Le président Bongo nous a quittés. Nous devons respecter sa mémoire et non chercher à faire parler les morts. Mais je vous parle des situations que j’ai vues et qu’il ne m’appartient pas de révéler. Parce qu’à notre niveau de responsabilité, il y a des choses que nous ne pouvons pas dire. Mais c’est une réalité qu’Ali Bongo a accumulé un certain nombre de rancoeurs, de frustrations et s’est empressé, dès mars 2012, de les solder. De solder des comptes avec des personnes qu’il considérait comme rivales. Ou des personnes qui lui rappelaient une période qui ne devait pas être la meilleure période de sa vie. Donc, très rapidement, de nouveaux amis et de nouvelles personnalités ont pris place dans la machine de l’Etat. Ces personnes s’en sont données à coeur joie pour s’entourer de leurs affidés et essayer d’écarter les autres au lieu de rassembler. Nous avons assisté à la mise à l’écart de personnes compétentes, davantage pour régler des comptes alors que pendant ce temps les mauvaises décisions des nouveaux apprentis ont contribué à la dégradation de la situation économique et sociale du pays. Voyez-vous, la gestion d’un pays ne s’improvise pas.
Est-ce là une fiction ou une réalité ?
Il est très clair que beaucoup de Gabonais, de toutes les catégories, font le même constat, celui d’un bilan calamiteux d’Ali Bongo. D’un bilan globalement négatif. Ce bilan est très bien illustré par les différentes crises. Et cela malgré les effets d’annonces et les discours d’autosatisfaction régulièrement relayés.
La réalité est là, les populations ont du mal à se prendre en charge. Même à l’hôpital, il manque de l’eau. Nous voyons des compatriotes qui viennent avec des seaux d’eau au Centre hospitalier de Libreville. Pour un pays comme le Gabon, vous conviendrez que cela est inacceptable. Vous constatez comme moi que la crise à l’Education nationale et à l’Enseignement supérieur n’est pas réglée. Nos enfants accumulent maintenant de nombreuses années qui ne sont pas des années pleines en termes de respect des programmes scolaires et des normes internationales. Et que les conditions d’apprentissage pour les élèves et de travail pour les enseignants sont loin d’être ce que nous devrions avoir après près de sept ans de magistère. Le chômage, notamment celui des jeunes, n’a jamais été aussi important dans toutes les grandes villes et particulièrement à Port-Gentil. C’est un véritable désastre. Et que dire du logement social (moins de 5000 logements réalisés sur les 35000 promis), de la généralisation de la précarité et des piètres résultats en termes d’infrastructures (arrêt des chantiers, de la route Ovan-Makokou, Lopé-Lastoursville, abandon des projets de construction des barrages hydro-électriques de Mitzic et de Fougamou) !
Honorable, l’opinion nationale et internationale vous connaît essentiellement en tant qu’économiste, enseignant d’université. Cependant, le 27 juin 2015 on vous découvre à la tête d’un courant dénommé « Héritage et Modernité ». Ce ne fut pas un acte spontané, on présume. Si l’on pouvait entrer dans les coulisses de cette préparation, comment avez-vous préparé votre coup ?
(Ton humble). Franchement, vous me donnez trop d’importance. Vous savez, la politique est une oeuvre collective. C’est l’occasion de rendre hommage à tous ceux qui ont eu le courage et la pertinence dans l’analyse, le 27 juin 2015, de tirer la sonnette d’alarme dans le cadre de notre rassemblement « Héritage et Modernité ». Je pense que les choses se sont faites tout spontanément. Nous avons vu la situation venir très tôt du fait qu’Ali Bongo ne s’est jamais donné les moyens de mener à bien son projet de société.
Barro Chambrier, vous ne répondez pas à ma question. Ce d’autant plus que la sortie de près d’une trentaine de députés n’a pas eu lieu comme ça ! Il y a bien eu des tractations…
Nous n’esquivons aucune question. L’élément déclencheur a été la volonté des « nouveaux émergents » de vouloir créer une césure au sein du parti entre eux et les autres. Je pense que cela était un excès de zèle, une volonté de détruire le Parti démocratique gabonais (PDG). Parce qu’il est clair que les velléités du Mogabo étaient de se lancer très rapidement dans une précampagne en dehors du parti, parce que beaucoup de responsables du parti étaient considérés comme inaptes à défendre le bilan d’Ali Bongo. Mais comment défendre un bilan qui est désastreux ? Les élus ne sont pas des personnes suicidaires ; ils sont au contact des réalités du terrain en permanence. Je suis un élu national et local. J’ai mené la campagne en 2013 pour les élections locales, vous le savez, j’étais tête de liste et malgré les difficultés, notre liste a gagné.
Donc nous n’avions pas d’autres choix, en plus des provocations du Mogabo. D’ailleurs, c’est un groupement mal inspiré dont les principaux souffleurs, une fois le complot éventé, n’ont eu qu’à battre en retraite. Pour eux, consciemment ou inconsciemment, il fallait détruire les fondements et la stabilité mis en place par le président Omar Bongo. Pour nous c’était la ligne rouge à ne pas franchir, même si le PDG avait des scories qu’il fallait corriger très rapidement.
D’ailleurs ces personnes n’ont aucune histoire au sein du parti, des gens arrivés subitement, dont nombreux étaient des pourfendeurs du parti. Je ne citerai pas de noms, ils se reconnaîtront. Des gens dont l’attitude se caractérise par l’opportunisme politique. Des personnalités qui, pour certaines, n’ont même jamais été élues, jamais été adoubées par les populations.
Mais est-ce que cela ne dénote pas chez vous une frustration ? Votre position actuelle est-elle l’affirmation d’une ambition ou la réponse à une frustration du fait que vous vous sentez dépossédés du parti ?
Il ne s’agit pas d’une bataille de positionnement, sinon nous aurions déjà cédé aux sirènes des visiteurs du soir pour avoir des postes. Donc pour répondre à votre question, non, nous ne sommes pas mus par une quelconque frustration, mais par une idée républicaine visant non seulement à défendre la démocratie et le pouvoir du peuple, mais également à améliorer la gouvernance des affaires publiques.
Le 10 mars dernier, vous créez une nouvelle aile que vous nommez PDG-Héritage et Modernité. On a l’impression aujourd’hui qu’il existe trois PDG, dont le vôtre, celui de Louis dirigé par Faustin Boukoubi et celui de la présidence cornaqué par Maixent Accrombessi, le «vrai président de la République». Est-ce qu’il n’y a pas une implosion de fait au sein du PDG ?
Vous savez, un parti doit vivre de sa diversité. Mais que les choses soient bien claires. Nous ne nous reconnaissons plus aujourd’hui dans l’aile des pseudo-émergents. Nous disons que le PDG est un patrimoine collectif ; nous prenons notre part. C’est-à-dire que nous nous organisons au sein de notre aile.
Pourquoi n’avoir pas débattu de ces divergences lors du congrès ?
Les congrès sont organisés sans tenir compte de la nécessité d’une démocratie interne. A d’autres occasions, nous avons fait des propositions au sein du parti ; nous avons notamment souhaité un congrès de clarification. Rien n’a été fait. Au contraire ils ont tenté de nous exclure !
Mais parce qu’ils ont eu vent de ce que vous prépariez…
Mais dans ce cas, ils auraient dû attendre et fonder leur décision sur des éléments réels, même avec les statuts actuels que nous contestions à l’époque, parce que c’est leur affaire de continuer avec ces statuts. C’est un abus de pouvoir d’exclure les trois militants que nous étions.
Vos positions sont désormais connues de tous. Les Gabonais se posent cependant une question : comment allez-vous mener ce combat ? Quels sont les actes que vous allez poser dans les semaines et mois à venir pour barrer la route à Ali Bongo ?
(Ton ferme). Nous allons nous préparer dans le cadre du rassemblement « Héritage et Modernité » et nous mettrons tout en œuvre pour barrer la route à ceux qui veulent dilapider notre héritage commun.
Vous ne voulez pas décliner quelques-unes de vos stratégies ?
Si je vous donne nos stratégies, cela voudrait dire que nous sommes de piètres stratèges.
Michel Menga, votre collègue d’« Héritage et Modernité », a affirmé que vous auriez pour la prochaine élection présidentielle un candidat. D’aucuns veulent en savoir plus sur l’identité de ce candidat.
(Rire aux éclats). Vous voulez me tirer les vers du nez ? Rassurez-vous, nous allons le révéler le moment venu et vous ne serez pas déçu. Parce qu’en politique, il faut prendre le temps d’écouter les autres et ne pas rentrer comme un éléphant dans un marché de porcelaine et tout détruire. Nous aurons un candidat crédible. Je dis bien crédible, plusieurs fois !
De plus en plus les feux des projecteurs sont portés sur vous. Lors de votre récente sortie, vous avez égrainé quelques points de votre projet de société. Est-ce que, très clairement, vous serez candidat à la prochaine élection présidentielle ?
(Sourire en coin). Toujours les journalistes, alors-là, vous voulez m’avoir à l’usure. Ecoutez, même si je le savais, je ne vous le dirais pas ! Parce que nous attachons du prix à la concertation, nous attachons du prix au dialogue. Il y a d’autres compatriotes avec de grandes qualités qui peuvent prétendre être candidat et valablement défendre notre rassemblement.
Par ailleurs, j’ajoute qu’il y a beaucoup de camarades qui ont le cœur et la raison avec nous. Des gens pensent comme nous que les temps ont changé et que certainement, les jours et mois à venir nous réservent beaucoup de surprises. Je ne doute pas que beaucoup nous rejoignent et c’est l’occasion pour moi de lancer un appel à nos camarades qui sont encore là-bas. C’est l’occasion de leur dire que le moment fatidique s’approche et qu’ils peuvent nous rejoindre sans crainte aucune.
Est-ce que pour ces gens-là, ce n’est pas une question de loyauté à l’égard d’Ali Bongo ?
Mais qui manque de loyauté à l’égard de qui ? Vous pensez qu’en dilapidant un héritage commun c’est faire preuve de loyauté ? En s’entourant de personnes qui ne pensent qu’à leurs intérêts égoïstes, c’est faire preuve de loyauté ? D’ailleurs ces personnes savent très bien qu’on arrive au bout d’une situation. Tout le monde le sent. Même ceux qui font semblant de le soutenir aujourd’hui savent très bien que c’est une cause perdue. La loyauté doit s’exprimer en faveur des idéaux de la démocratie, de la bonne gouvernance et du dialogue.
Vous sous-entendez que d’autres hiérarques du PDG vont vous rejoindre ? Doit-on s’attendre à des démissions et des ralliements en faveur du PDG-Héritage et Modernité ?
Nous sommes en contact avec tout le monde. Ce n’est pas parce que les gens ont assisté au congrès PDG version Ali Bongo qu’ils sont derrière lui. Je vous dis qu’il y a pour le moment des intérêts à ménager, des stratégies pour esquiver les affres de cette gestion despotique qui consiste à décider du sort des uns et des autres. C’est pourquoi, il y a beaucoup de militants qui ont peur de nous rejoindre maintenant, mais qui vont le faire. Pour nous, la porte est largement ouverte parce que nous constituons la véritable alternative. Vous savez, aujourd’hui le parti le plus important c’est le Gabon. Et j’estime que ce soit l’Union nationale, le Front de l’opposition, tous les autres partis ou la société civile : aujourd’hui il est question de valeurs républicaines, de loyauté envers la Nation. Il s’agit donc de préparer un espace, un cadre, une Nation, un pays dans lequel les gens se reconnaissent. Pour l’amour de la Nation, pour l’amour du pays, il est temps que nous nous mettions ensemble afin de choisir une personnalité consensuelle capable de mener la période de transition et corriger les inepties qui empêchent l’éclosion de la démocratie, à l’exemple de la Constitution qui donne lieu aujourd’hui à des abus de pouvoir. Il faut revoir ces scories qui font par exemple que les principes de séparation des pouvoirs ne soient pas respectés.
Il est nécessaire d’actualiser les textes pour donner des opportunités à tous les partis, c’est cela la véritable égalité des chances dont parle Ali Bongo, mais qu’il ne pratique pas. Il est au contraire le premier à instaurer l’inégalité des chances. Et s’il y a quelqu’un qui a bénéficié des rentes de situations, s’il y a un classement à faire, je crois qu’il sera en tête de ce classement.
Quelle réforme voudriez-vous faire par exemple ?
La première concerne la limitation des mandats. J’estime que le président de la République ne doit pas faire plus de deux mandats dans une démocratie qui se veut moderne. J’estime que le président de la République doit rassembler ses compatriotes au sein d’une nation apaisée et être bien élu. C’est-à-dire à la majorité absolue, c’est pour cela que nous devons revenir à l’élection présidentielle à deux tours, et non maintenir des situations qui favorisent des hold-up électoraux.
Vous allez présenter une candidature PDG-Héritage et Modernité. En face, Ali Bongo est déjà candidat PDG. Or la présidente de la Cour Constitutionnelle a clairement indiqué qu’elle invalidera les doubles candidatures provenant des mêmes partis politiques. Qu’allez-vous faire ?
(Un long moment de silence, le regard fixé vers la mer, puis) Chaque jour il y a des rebondissements.
Vous ne craignez pas que votre candidature soit invalidée ?
Moi je ne vous ai pas dit que je suis candidat !!! Ecoutez, d’ici là beaucoup d’eau aura coulé sous plusieurs ponts de notre pays. Soyez patient. Je peux vous assurer que les conditions de l’alternance vont se mettre en place progressivement.
Tout de même, Ali Bongo oppose à tous mouvements contestataires la force. Récemment encore, des jeunes qui ont initié une marche de contestation par rapport à sa candidature ont été jetés en prison. Cette attitude ne va-t-elle pas plonger le pays dans le chaos ?
Justement, nous demandons à Ali Bongo de se ressaisir pendant qu’il est encore temps. Parce que ce type d’abus se termine toujours très mal. Il faut regarder l’histoire des pays qui ne sont pas très éloignés de nous. On passe très vite de la lumière à l’ombre.
Pourquoi ne créez-vous pas tout simplement votre parti en considérant qu’Ali Bongo tire le privilège d’être le fils de celui qui a créé ce parti ?
C’est vous qui dites qu’Omar Bongo a laissé ce parti à son fils. Omar Bongo n’était pas quelqu’un de sectaire qui privilégiait les liens de consanguinité par rapport à d’autres. D’une certaine manière, nous sommes tous les enfants d’Omar Bongo. Il avait beaucoup d’affection pour nombreux d’entre nous et encore plus pour André Mba Obame. A qui d’ailleurs je rends hommage pour la lutte en faveur de la démocratie. Nous nous insurgeons contre la dilapidation de l’héritage d’Omar Bongo, au moins pour l’actif, à des fins personnelles. Je suis persuadé qu’il se retourne dans sa tombe quand il voit ce qu’Ali Bongo a fait du Gabonen l’espace d’un septennat. Il n’est pas besoin d’être un grand clerc pour le savoir.
Vous savez, je n’ai pas de problèmes avec Ali Bongo en tant que personne, j’ai un problème avec sa gestion du pays. Sa manière de gérer les hommes, de gérer le parti ; c’est là que nous divergions. C’est un débat sur les idées, un débat sur la vision du pays.
On constate tout de même que vous ne vous prononcez presque pas sur l’état civil d’Ali Bongo qui fait l’objet de nombreuses polémiques. Est-ce un silence complice ?
Ce n’est pas un silence complice. Tout simplement, nous pensons qu’à ce stade, nous avons suffisamment d’arguments sur les actes que pose Ali Bongo pour lui barrer la route. Et nous sommes effectivement aux regrets de voir que cette controverse sur son identité est entretenue par lui-même, puisque selon ses propres confessions sur RFI, il aurait présenté des faux documents lors de la présidentielle de 2009. Donc, ce sont des questions très délicates. Pour moi, j’ai toujours considéré qu’Ali Bongo est un Gabonais, mais cela ne l’exempte pas du respect de la loi.
Maintenant, il appartient à ceux qui ont la maîtrise de ces questions, ceux qui ont des informations, le moment venu, d’édifier les uns et les autres. Mais je note comme beaucoup qu’il y a des contradictions. C’est aussi une des raisons qui fragilise cette candidature parce qu’elle intervient dans un contexte de division et d’abaissement de la fonction présidentielle. Nous pensons que sur ces actes, c’est un mauvais choix. Il nous faut une personne plus consensuelle.
Honorable Barro Chambrier, à vous l’honneur de clôturer cet entretien.
Je lance un appel à tous ceux qui pensent qu’ils peuvent perdre leurs postes, leurs privilèges et font semblant de soutenir encore ce pouvoir. Je leur demande de ne pas avoir peur.
Il s’agit aujourd’hui d’un acte patriotique. Nous ne pouvons pas laisser les choses aller à vau-l’eau. Nous disons que la classe politique doit se parler. Nous devons remettre le pays sur les rails à travers une gestion plus optimale des ressources humaines, mettre en commun les compétences du pays d’où qu’elles viennent, et qui auront le sens de l’intérêt général. Il faut revenir à une orthodoxie dans la gestion, mettre un terme à cette dérive vers l’endettement qui va devenir très rapidement insoutenable. Je vous remercie ■
Interview réalisée par Orca Boudiandza Mouele