Dernière semaine de campagne pour les candidats à l’élection présidentielle gabonaise. Le scrutin se tiendra samedi 27 août, dans un climat social tendu alors que la chute des cours du pétrole mine la croissance économique et vide les caisses de l’Etat.
Cinquième pays africain producteur de pétrole, le Gabon a fait tourner son économie durant des années autour de l’or noir. Pendant cinq ans, de 2009 à 2014, le pays a même joui d’une croissance à 6 % en moyenne grâce à cette manne. Mais en 2014, les Etats-Unis et le Canada deviennent autosuffisants grâce à leur pétrole de schiste. La demande mondiale diminue fortement, les cours de l’or noir dégringolent et avec eux, les performances gabonaises. Le Fonds monétaire internationale (FMI) ne prévoit plus qu’une croissance de 3,2 % pour cette année.
Cette débandade pétrolière a des conséquences sociales dramatiques. La plus directe est une forte hausse du chômage. Il dépasse aujourd’hui les 30 %, soit 10 % de plus qu’en 2010. « Un certain nombre de compagnies pétrolières majeures ont procédé à des licenciements, souligne Mays Mouissi, économiste. Comme le secteur pétrolier est structurant pour d’autres secteurs de l’économie, cela explique la hausse du chômage observée ces dernières années. »
Le pétrole représente 40 % des recettes budgétaires du Gabon. Avec la crise pétrolière, l’Etat a vu ses réserves fondre comme neige au soleil. « Les budgets nationaux ont beaucoup baissé, notamment au cours de cette année, poursuit Mays Mouissi. Et la dette du pays a augmenté d’environ 150 % depuis 2009. »
L’émergence à l’horizon 2025
L’Etat gabonais s’est donc serré la ceinture et un certain nombre de prestations sociales et d’investissements publics ont été suspendus. Ces coupes dans les dépenses publiques ont entraîné une baisse de la demande intérieure et un ralentissement de la croissance dans les secteurs des services et des industries non extractives. En 2015, l’agroalimentaire a reculé de 1 % et la construction de 3 %. La progression de la production de bois est quant à elle passée de 28,5 % en 2014 à 5,5 % en 2015.
Dans ce contexte pétrolier morose, le Gabon n’a plus les moyens d’investir pour diversifier son économie. Entre 2009 et 2014, les cours du pétrole explosent, le prix du baril dépassant parfois les 150 dollars. Au cours de cette période, en 2012, le président Ali Bongo lance son Plan stratégique Gabon émergent (PSGE). Il doit permettre d’atteindre l’émergence d’ici 2025, grâce notamment à la diversification de l’économie.
Plusieurs grands projets sont inaugurés comme la zone économique spéciale de Nkok. Plus de 1 000 hectares, situés à 27 kilomètres de Libreville, censés accueillir des industries de transformation qui bénéficient d’un régime fiscal très favorable. Aujourd’hui, le bilan de Nkok est plus que mitigé.
Une coquille vide remplie d’« éléphants blancs »
« La zone de Nkok relève de l’effet cosmétique, déplore Bissielo Anaclé, ancien ministre de la Prospective. C’est sûr, l’inauguration ressemblait à une scène des Mille et Une Nuits, mais quand vous passez devant chaque jour, vous vous rendez bien compte que Nkok à l’heure actuelle est une coquille vide. Il y a plein de chantiers mais qui sont tous, soit abandonnés, soit des » éléphants blancs « . L’autre exemple symbolique est celui de la marina. Nous avons affaire à un problème d’inefficacité dans la dépense d’investissements de la ressource publique et donc de confusion, de cafouillage et d’absence de priorité. »
L’année dernière, la Banque mondiale a publié un rapport sur la croissance et l’emploi, qui soulignait déjà l’urgence pour le Gabon de diversifier son économie. Le chômage a augmenté continuellement de 1986 à 2010, touchant désormais un actif sur cinq. Bien que le pétrole représente 20 % du produit intérieur brut et 70 % des exportations du pays, il n’emploie que 5 % de la population active.
La Banque mondiale invite donc le Gabon à se rapprocher du secteur privé afin de développer d’autres filières, d’améliorer l’enseignement et de créer de nouvelles opportunités. « Il y a plein de possibilités au Gabon, s’énerve Nicaise Moulombi, président de l’ONG Croissance saine et environnement. Il y a un potentiel touristique qui n’est pas encore exploité. Le Gabon dispose quand même d’une certaine expérience dans les services. Il y a aussi toute la question de l’activité agricole. Le Gabon possède énormément de terres productives qui pourraient permettre une agriculture d’exportation. Mais pour cela, il faut sortir de cette vision d’une économie de rente. Il faut améliorer la fiscalité, et surtout assainir le climat des affaires pour donner envie à des investisseurs de s’engager au Gabon. »
A l’heure actuelle, le Gabon est classé 162e sur 189 pays dans le rapport sur le climat des affaires de la Banque mondiale, « Doing Business ».
Par Gaëlle Laleix