Pour le président Ali Bongo Ondimba, dont la famille est au pouvoir depuis un demi-siècle, remporter l’élection du 27 Août sera peut-être le plus simple.
Ce samedi, le 27 Août, les électeurs Gabonais se rendront aux urnes pour élire leur président pour un prochain mandat de sept ans. Environ 628.000 électeurs sont inscrits et devront choisir entre 14 candidats qui ont été validés pour prendre part à cette élection, même si le nombre de candidats sur le bulletin de vote puisse encore se réduire, vu que l’opposition essaie d’établir des alliances autour d’une figure unificatrice.
La personne que cette opposition essaie de déloger est le président Ali Bongo Ondimba, dont la famille est maintenant demeurée au pouvoir au Gabon depuis un demi-siècle. Le père d’Ali, Omar Bongo Ondimba, est arrivé au pouvoir en 1967 et quand il est mort en 2009, avait été président pendant plus de quatre décennies.
Pendant une grande partie de ce règne, Ali était une figure centrale, occupant des postes tels que ministre des Affaires étrangères et ministre de la Défense. À la mort d’Omar, Ali a pris la succession au terme d’élections controversées, qui se sont déroulées après une courte période de transition.
Depuis, le paysage politique du Gabon a changé et Ali Bongo fait face à de nombreux difficiles défis comme président. Cependant, il est très peu probable que cette prochaine élection marquera la fin de l’ère de la dynastie Bongo au pouvoir.
En fait, tout dans le système électoral gabonais favorise le statu quo. Par exemple, il n’y a pas de limite au mandat présidentiel et l’unique tour signifie que le gagnant n’a pas besoin d’obtenir la majorité absolue. En 2009, Bongo a obtenu seulement 42% des voix, avec ses deux challengers principaux – Mba Obame et Pierre Mamboudou – obtenant chacun environ 25%.
Ce système n’a pas toujours existé au Gabon et est en partie l’héritage d’Omar Bongo. Dès 1968, le pays fut gouverné par un système de parti unique, jusqu’à la fin de la guerre froide qui a marqué une nouvelle ère d’élections multipartites en 1990. En 1997, un amendement constitutionnel a introduit une limitation des mandats et un système électoral à deux tours. Cependant en 2003 la réforme constitutionnelle d’Omar Bongo a enlevé cette limitation de mandats et mis en œuvre un scrutin à un seul tour.
Plus d’une décennie plus tard, son fils peut maintenant être le bénéficiaire de ce système, et il pourrait encore être aidé par le fait que les élections sont organisées et supervisées par le ministère de l’Intérieur et la commission électorale. Aucun de ces organismes n’est totalement indépendant, en particulier compte tenu de l’influence du Parti démocratique du Gabon (PDG), qui est au pouvoir depuis toujours.
Quelles sont les perspectives de l’opposition?
Le seul espoir pour l’opposition dans cette élection est de s’unifier autour d’un seul candidat. Et depuis un an, les principaux partis d’opposition ont tenté de le faire, avec Jean Ping paraissant comme le porte étendard.
Après des négociations sur la fin la semaine dernière, deux des principaux candidats de l’opposition – Casimir Oyé Mba et Guy Nzouba Ndama – ont accepté de se retirer de la course pour soutenir Ping. Cette décision prise par les deux influentes personnalités va certainement renforcer le camp du «tout mais pas Bongo », mais en dépit de leur poids politique et charisme, ce mouvement, se mettant en place seulement dix jours avant le vote, arrive probablement un trop peu trop tard pour perturber les plans de Bongo. Il y a encore une dizaine de candidats dans l’arène – même si le paysage peut encore changer vu les alliances de complaisance qui pourrait apparaitre jusqu’au jour même de l’élection- et Bongo doit seulement obtenir un vote de plus que le deuxième.
Fait intéressant, tous les principaux challengers de Bongo sont d’anciens membres du parti au pouvoir et étaient autrefois des alliés proches des deux Bongo, ou du père.
Par exemple, Ping était ministre des Affaires étrangères d’Omar de 1999 à 2008 et il est l’ancien partenaire de la fille d’Omar et ancienne ministre, Pascaline. Ping a quitté le gouvernement en 2008 quand il est devenu président de la Commission de l’Union africaine jusqu’en 2012, renforçant son rayonnement international.
Oyé Mba a également été jadis proche des Bongo. Il fut Premier ministre entre 1990 et 1994 et est resté ministre jusqu’en 2009. Il avait décidé d’être un challenger d’Ali Bongo pour les élections présidentielles de 2009, mais retira sa candidature à la veille de l’élection.
Nzouba Ndama est un autre transfuge majeur du camp du pouvoir. Il était Président de l’Assemblée Nationale, une institution qu’il dirigea pendant deux décennies, jusqu’à sa démission il y a seulement quelques mois. Et enfin, Raymond Ndong Sima, un autre candidat à la présidence, fut le Premier Ministre d’Ali Bongo de 2012 à 2014.
Usant d’une autre tactique, les partis d’opposition ont aussi depuis plusieurs mois essayé d’obtenir des tribunaux la rejection de la candidature de Bongo compte tenus de soupçons concernant sa filiation. Les médias d’expression française ont fait large échos des spéculations qu’Ali Bongo ait était nigérian et adopté par Omar Bongo pendant la guerre du Biafra à la fin des années 1960. Si cela est vrai, il serait disqualifié car l’article 10 de la Constitution stipule que les candidats présidentiels doivent être de nationalité gabonaise à la naissance.
Ces rumeurs ne sont pas prouvées, mais jettent un doute sur les origines d’Ali Bongo et alimentent le ressentiment contre le fait que beaucoup dans l’entourage proche du président, y compris son Directeur de Cabinet, soient des ressortissants étrangers.
Le plus simple
Le système politique du Gabon peut être comparé à ce que les politologues comme Steven Levitsky et Lucan Way appellent «l’autoritarisme compétitif». Dans ces régimes, les institutions démocratiques formelles sont perçues comme des moyens légitimes d’accéder au pouvoir, mais les détenteurs du pouvoir violent les règles et adaptent le système pour créer un jeu si inégal qu’il soit pratiquement impossible pour l’opposition de remporter les élections. Bien que les élections puissent être organisées régulièrement et être exemptes de fraude massive, les tenants du pouvoir utilisent leur accès aux ressources de l’Etat, refusent à l’opposition l’accès aux médias, et sont en mesure de manipuler les résultats si nécessaire.
Ceci décrit bien le Gabon, et vu que le titulaire du poste soit à la barre d’un système qui a été bâtit autour de liens familiaux et de cooptation depuis plus d’un demi-siècle, Ali Bongo a certainement les éléments dont il a besoin pour s’assurer la victoire.
Cependant, la victoire du scrutin pourrait se révéler être la partie la plus facile. Le prochain mandat de Bongo au pouvoir va probablement présenter les plus grands défis auxquels il a eu à faire face.
Gabon est classé comme un pays à revenu intermédiaire de tranche supérieure par la Banque mondiale, avec un PIB de 14,34 milliards de dollars en 2015 et une population de seulement 1,8 million d’habitants. Mais cette économie est extrêmement dépendante du pétrole. Il est le quatrième producteur de pétrole en Afrique sub-saharienne et cette ressource naturelle a été responsable de 60% du budget de l’Etat, de 70% des recettes d’exportations du pays et de 20% du PIB en 2015.
La baisse globale des prix du pétrole a donc porté un coup significatif au Gabon, qui a depuis toujours échoué à diversifier son économie. Il y a un mécontentement populaire généralisé, avec des grèves générales ayant sporadiquement paralysé le secteur public au cours des derniers mois.
Ali Bongo n’est peut-être pas menacé par le scrutin de cette semaine, mais ces questions économiques connaitront probablement un crescendo après les élections. La rue du Gabon n’a pas encore atteint le point d’ébullition qui a précipité la chute du régime du président Blaise Compaoré au Burkina Faso en 2014. Mais alors que le règne familial des Bongo risque de se poursuivre au-delà de ce samedi, il le sera certainement pour un trajet cahoteux sur les prochaines années.
Publié le 22 Août 2016 par Oumar Ba sur African Arguments
Traduit et republié par Gabon Énervant le 23 aout 2016