Afrique. Après la réélection contestée du président Ali Bongo, la capitale Libreville vit des scènes de guérilla urbaine et de répression contre l’opposition.
Un trône de président, deux candidats qui se disputent la victoire et tout le Gabon bascule dans la crise. Depuis mercredi, ce petit pays pétrolier d’Afrique centrale, ancienne colonie française, vit des heures troublées alors qu’Ali Bongo, président sortant, et son rival Jean Ping revendiquent tous deux leur élection.
Deux ennemis jurés
La famille Bongo règne sur le pays depuis… 1967 ! Ali, 57 ans, a été élu en 2009 après la mort de son père Omar resté quarante et un ans au pouvoir. Dans une région du continent où l’alternance politique reste chose rare, le président-candidat partait largement favori. C’était sans compter sur son principal opposant, l’ancien patron de l’Union africaine, Jean Ping, 73 ans, qui a bénéficié du désistement de deux autres candidats d’opposition. Lui prétend renverser la famille régnante. Ce fils d’un riche fermier chinois n’a pourtant rien d’un révolutionnaire : il a ainsi été plusieurs fois ministre d’Omar Bongo.
Un petit pays riche, un tiers de pauvre
Les Gabonais sont hantés par l’ombre d’Omar Bongo. En 2009, déjà, la victoire de son fils Ali avait été contestée par l’opposition, avant que des violences n’éclatent. Sept ans plus tard, le scénario semble se répéter. Mercredi, la commission électorale a annoncé la réélection du président sortant pour un deuxième septennat à l’issue d’un scrutin des plus serrés (49,8 % pour Bongo). Ce scrutin se déroule dans un contexte économique difficile pour ce pays dépendant de ses recettes pétrolières, et frappé par la chute des cours du baril. Un tiers des quelque 1,8 million d’habitants vit dans la pauvreté malgré de grandes richesses forestières et minières.
La France en retrait
L’ombre de Paris a longtemps plané sur Libreville. « L’Afrique sans la France, c’est une voiture sans chauffeur. La France sans l’Afrique, c’est une voiture sans carburant », a dit un jour Omar Bongo pour qualifier les liens entre les deux pays, dans une formule pleine de cynisme. « Mais ces relations se sont relâchées. Et la France apparaît en retrait. Elle ne verrait pas d’un mauvais œil qu’il y ait une alternance, d’autant qu’il n’y aurait pas vraiment de rupture radicale », analyse Philippe Hugon, politologue spécialiste de l’Afrique à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques). Hier, François Hollande a appelé toutes les parties à la retenue et à l’apaisement. Paris dispose dans ce pays d’une base militaire permanente (450 soldats). 14 000 ressortissants français y résident aussi.
Ali Bongo sous pression
Des forces de sécurité quadrillaient toujours hier les rues de la capitale gabonaise, Libreville. Près d’un millier d’opposants ont été arrêtés dans tout le pays après une nuit d’émeutes et de pillages déclenchée par l’annonce de la réélection contestée du président sortant, Ali Bongo. Ce dernier est aujourd’hui sous la pression de la communauté internationale, qui appelle à un nouveau comptage des votes. Hier, il a toutefois affiché sa fermeté, rejetant la responsabilité des violences qui auraient fait au moins trois morts. « Les élections ont rendu leur verdict. Qui a perdu ? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon », a accusé le fils et successeur d’Omar Bongo, en visant Jean Ping, son rival. Malgré le dispositif policier, des pillages étaient toujours en cours hier, à la mi-journée, dans les faubourgs populaires de la capitale.
Même si les Français ne sont pas visés en tant que tels, le Quai d’Orsay a appelé ses 14 000 ressortissants résidant au Gabon à ne pas circuler, ni à Libreville ni sur l’ensemble du territoire, « compte tenu des désordres actuels ». Dans les établissements scolaires tricolores, la rentrée des classes, qui devait avoir lieu mardi prochain, a été reportée d’une semaine. A Paris, le ministère des Affaires étrangères a activé hier matin sa cellule de crise.
A.D.
Le Parisien