Pris à partie par la communauté internationale et l’opposition, le président gabonais réélu Ali Bongo affiche sa fermeté alors que trois personnes ont trouvé la mort dans des émeutes.
Un millier d’arrestations, des leaders de l’opposition retenus au QG de Jean Ping, une capitale quadrillée par les forces de police… La situation au Gabon est toujours tendue après l’annonce de la réélection d’Ali Bongo.
Le centre de la capitale était quadrillé jeudi par les forces de l’ordre, notamment aux abords de l’Assemblée nationale, incendiée mercredi, et du QG de Jean Ping, pris d’assaut dans la nuit. Les grands axes étaient dévastés, bordés de bâtiments incendiés et jonchés de restes de barricades. Les centres névralgiques du pouvoir étaient sécurisés par un imposant dispositif. Les communications via Internet ne fonctionnaient pas depuis mercredi soir.
« Totale insécurité »
« Sur Libreville, il y a entre 600 et 800 interpellations, et 200 à 300 sur le reste du pays », a annoncé le ministre de l’Intérieur, Pacôme Moubelet-Boubeya. Il a également déploré « la mort de trois personnes ». « Pour l’instant, nous faisons uniquement du maintien de l’ordre. Lorsque le moment sera venu, nous prendrons des mesures pour rétablir l’ordre sans équivoque », n’a pas hésité à prévenir le ministre de l’Intérieur.
Retenus au quartier général de Jean Ping, une vingtaine de leaders de l’opposition et de la société civile gabonaise restaient « séquestrés » dans les locaux jeudi soir, selon Zacharie Myboto, ancien ministre d’Omar Bongo, qui se sentait « en totale insécurité ».
« On nous a dit qu’on devait être transférés au siège de la gendarmerie, mais nous n’avons toujours pas de nouvelles », a-t-il raconté à l’AFP, en précisant que 25 personnes étaient retenues avec lui dans la cour du QG, dont l’ancien vice-président de la République Didjob Ding Duvungui.
« Les élections ont rendu leur verdict »
Pris à partie par la communauté internationale et l’opposition, le président gabonais Ali Bongo a pourtant continué à afficher sa fermeté, rejetant la responsabilité des violences qui ont fait trois morts sur des « groupuscules formés à la destruction ».
« La démocratie s’accorde mal des succès autoproclamés, des groupuscules formés à la destruction. La démocratie s’accommode mal de la prise d’assaut d’un parlement et de la télévision nationale », a déclaré Ali Bongo Ondimba lors d’une brève allocution au palais présidentiel.
« Les élections ont rendu leur verdict (…) Qui a perdu? Un groupuscule dont le seul projet était de prendre le pouvoir pour se servir du Gabon et non servir le Gabon », a encore accusé le fils et successeur d’Omar Bongo, en visant Jean Ping, son principal rival à la présidentielle, qui était parvenu à rallier d’autres candidats importants de l’opposition.
L’ONU exprime sa « profonde préoccupation »
Comme l’opposition, l’Union européenne, la France et les États-Unis ont demandé la publication des résultats de tous les bureaux de vote du Gabon (environ 2500). Le Conseil de sécurité de l’ONU, réunit à huis clos, à la demande de la France jeudi après-midi, a exprimé « sa profonde préoccupation » et a souligné l' »importance d’un processus (électoral) transparent et impartial ».
A la présidence, le porte-parole d’Ali Bongo, Alain-Claude Bilie-Bye-Nze, ne semblait pas apprécier ces conseils: « Nous faisons les élections en fonction de la loi gabonaise (qui prévoit la publication des résultats par région). Les pressions internationales doivent tenir compte de la loi gabonaise: ce ne sont pas elles qui vont la changer ».
L’Express.fr avec AFP