Après les émeutes qui ont éclaté au Gabon à l’annonce de la réélection d’Ali Bongo, la communauté internationale, l’ONU, l’Union Africaine, la France et les Etats-Unis font pression sur les deux camps pour éviter que la situation ne dégénère.
La situation est redevenue calme à Libreville et Port-Gentil, après les émeutes des jours derniers. La frustration est pourtant considérable, tant la tricherie électorale qui a conduit Ali Bongo à se déclarer vainqueur, avec 49,85% des votes contre 48,16% à Jean Ping est patente. Alors que la participation moyenne est de 53%, avec une solide avance de Ping, elle a atteint 99,93% dans le Haut-Ogooué, la province natale de Bongo, qui y a réuni, sur son nom, 95% des suffrages!
La communauté internationale, l’ONU, l’Union Africaine et, en particulier, la France et les Etats-Unis, font pression sur les deux camps pour éviter que la situation ne dégénère, mais Ali Bongo affiche une position radicale: il traite les opposants de « bandits » et de « factieux », parle d’un complot ourdi entre Ping et Ouattara, le président de la Côte-d’Ivoire, menace son opposant de le poursuivre pour atteinte à la sûreté de l’Etat. L’équipe de Ping est séquestrée par la gendarmerie dans son QG, de nombreuses arrestations ont eu lieu. On compte cinq morts.
De l’avis général, y compris de certains de ses proches, dans les conditions actuelles, Ali Bongo n’a pourtant ni les épaules, ni les moyens de garder longtemps le pouvoir, dans ce petit pays affecté par la baisse des prix du pétrole. Son directeur de cabinet et dirigeant réel du pays, le béninois Maixent Accombressi, victime d’un AVC, se fait soigner à Rabat. Tandis que montait en puissance la Chine, les liens affectifs et financiers avec la France, noués pendant les 49 ans de règne de son père Omar Bongo, se sont distendus. Pire: plusieurs figures du « Françafrique », comme Robert Bourgi, ont ouvertement lâché Bongo pour Ping. Même si y vivent 11.000 Français ; même si Total, Bolloré, Vinci ou Castel restent très présents, les entreprises françaises ont pris leurs distances avec le pouvoir. Plus question, en tout cas de financements occultes de leur part. « Ali a multiplié les erreurs d’appréciation et ne se rend pas compte à quel point il est seul » affirme un de ses proches.
Intransigeance affichée
Ali Bongo est-il véritablement décidé à en découdre et à se maintenir au pouvoir coûte que coûte? Chacun a en tête le précédent de Laurent Gbagbo, président de Côte-d’Ivoire qui s’est accroché au pouvoir et est aujourd’hui jugé à La Haye. En Afrique, les temps ont changé: une société civile plus éduquée et plus vigilante, a émergé. Plus rien n’est sûr: « Même au sein de l’armée gabonaise, les forces démocratiques sont à l’œuvre », affirme un ancien ministre.
Certains veulent se persuader que l’intransigeance affichée d’Ali Bongo n’est qu’une position de départ lui donnant plus d’atouts dans une future négociation. Avant l’élection, Ping lui a offert l’immunité au Gabon. Mais la protection est impossible à étendre à la France, compte tenu de l’indépendance de la justice, en particulier dans l’affaire des « biens mal acquis ». Après la défaite, en forme de victoire, d’Ali Bongo, on évoque, dans certaines ambassades occidentales de Libreville, une solution qui consisterait à valider l’élection truquée, à condition qu’Ali Bongo nomme Jean Ping Premier ministre, à qui serait confiée la réalité du pouvoir, dont le contrôle de la police et de l’armée. Mais il faudrait pour cela changer la constitution. Et être sûr que le fils d’Omar Bongo n’a pas perdu tout contact avec le réel.