Le Gabon s’enfonce dans une crise politique et civile profonde depuis la tenue samedi dernier de l’élection présidentielle, dont les résultats sont largement contestés. Decryptage
Au Gabon, la tenue d’une nouvelle élection présidentielle a mis le feu aux poudres : accusé d’avoir truqué le scrutin, le clan Bongo, au pouvoir depuis 48 ans, est en prise avec l’une des plus graves crises politiques de ces dernières années.
Pourquoi une telle défiance ? Quel est le contexte dans ce pays, historiquement lié à la France ?
Le contexte gabonais
Le Gabon, ancienne colonie française d’Afrique subsaharienne, est une république indépendante depuis 1960. Ce petit pays d’1,8 million d’habitants est l’un des plus prospères d’Afrique, notamment grâce à ses richesses pétrolières. Cependant, de grandes inégalités subsistent : si le PIB du pays est fort, plus d’un tiers de la population vit sous le seuil de pauvreté.
Depuis son indépendance, seuls trois présidents se sont succédés à la tête du pays. Le premier, Léon Mba, institué en 1960, a été remplacé à sa mort en 1967 par Omar Bongo, son directeur de cabinet de l’époque. Cette nomination a marqué le début de « l’ère Bongo », encore en place aujourd’hui.
Par le biais du Parti démocratique gabonais, le clan Bongo, le père d’abord, le fils ensuite, s’est fait constamment réélire à la tête du pays : en 1995, 1998 et 2005 pour le père Omar, relayé par son fils Ali Bongo à sa mort en 2009.
Gabon : retour sur la dynastie Bongo
Famille de milliardaires, les Bongo règnent sur le Gabon depuis 48 ans. Mais leur maintien à la tête du pays est loin de faire l’unanimité : en 2009, les résultats de l’élection d’Ali Bongo pour succéder à son père avaient suscité une vague de contestations et de violences (morts, pillages, couvre-feu, consulat de France incendié…).
S’en est suivi un septennat marqué par la chute du cours du pétrole et une volonté affichée de diversifier les sources de revenus du pays, avec d’importants investissements d’infrastructure notamment.
Mais l’opposition a vivement critiqué une « posture de façade » destinée à masquer la « corruption » du gouvernement, qui aurait « dilapidé les ressources du pays ».
L’élection présidentielle
C’est dans ce contexte que samedi dernier, les Gabonais ont de nouveau été appelés aux urnes pour élire le futur chef d’État.
Dix candidats étaient en lice, dont le président sortant Ali Bongo et son principal rival Jean Ping.
Qui est Jean Ping ?
Ancien ministre des Affaires étrangères sous la présidence d’Omar Bongo (le père), ancien président de l’Assemblée générale des Nations unies, Jean Ping, 73 ans, est un ancien proche du clan Bongo. Il est même l’ex-compagnon de Pascaline Bongo, la soeur d’Ali, avec qui il a eu deux enfants.
Jean Ping a annoncé en février 2014 sa rupture avec la famille Bongo et quitté le parti politique au pouvoir, le PDG. Depuis, il est en conflit ouvert avec Ali Bongo et a créé une structure pour unifier l’opposition.
Une campagne à couteaux tirés
Tout au long de la campagne, Jean Ping s’est présenté comme celui qui pourrait mettre un terme à la dynastie au pouvoir depuis près de 50 ans. Réclamant « l’alternance », ses soutiens émettent de nombreuses critiques à l’encontre du bilan d’Ali Bongo : « pas d’emplois pour les jeunes », « accès difficiles aux médicaments », « routes à moitié construites », coupures d’eau et d’électricité…
La campagne entre les deux candidats a été délétère et marquée par de violentes invectives. Dès la veille des élections, les deux rivaux se sont accusés mutuellement d’organiser le rachat de cartes d’électeurs, pour s’assurer la victoire en payant des citoyens pour aller voter à leur place.
La tenue du scrutin puis l’annonce (tardive et contestée) des résultats a ensuite fait dégénérer la situation.
Marine Ditta avec AFP