Au Gabon, les 27 opposants au président réélu, Ali Bongo, ont retrouvé la liberté au soir du vendredi 2 septembre. Ils sont restés bloqués pendant 36 heures dans le quartier général de campagne de Jean Ping, le rival malheureux d’Ali Bongo à la présidentielle. Tous ont été retenus dans le bâtiment, encerclé par des unités de la gendarmerie, sans savoir ce qui leur était reproché. A leur libération, RFI a pu constater que le bâtiment avait été dévasté lors de l’assaut des forces de l’ordre. Reportage.
Vêtements pleins de sang, mobilier cassé, excréments… Le QG ressemble à une zone de guerre. Les portes ont été fracassées à la hache et des dizaines d’impacts de balles maculent les murs et les vitres.
Fulbert Mayombo s’était barricadé avec dix personnes dans son bureau : « Nous sommes restés ici. J’ai fermé la porte et les gens ne pouvaient plus rentrer. Nous étions obligés de faire les selles à l’intérieur car on ne sortait pas parce qu’on avait très peur. A 5h, ils se sont mis à casser toutes les portes de l’immeuble, depuis le cinquième étage jusqu’ici. On était pétrifiés de peur. »
Lors de l’assaut, c’est son voisin qui lui a probablement sauvé la vie : « On était assis ici, poursuit Fulbert Mayombo en parcourant la pièce. Moi, j’étais assis là et un monsieur m’a dit : « Sors de là, on tire ! » Et puis, on a tiré. Voilà la balle qui aurait pu me tuer. Heureusement que je me suis courbé. »
Chantal Myboto Gondjout, trésorière générale adjointe de l’Union nationale (UN), n’avait jamais entendu de balles siffler. Lorsque les premiers tirs ont retenti, elle s’est vu mourir : « J’avoue avoir eu peur de mourir parce que j’étais avec mon époux et je pensais à mes enfants. Je me suis dit, ce n’est pas possible, je ne peux pas mourir ici pour quelqu’un comme Ali. Honnêtement, je n’[avais] jamais entendu des balles siffler. Je les ai entendues et c’était des armes de guerre. Quand la vitre de la pièce où nous étions s’est brisée, on s’est dit, c’est fini ! On les a entendu dire : « je l’ai, je l’ai. Je l’ai eu, je l’ai eu ». On s’est enfermé et on s’est mis à plat dans un couloir. On y a passé toute la nuit. J’ai appelé John à plusieurs reprises en disant : on va mourir, on va se faire tuer. »
Les ordinateurs et les dossiers ont été saisis. Certains pensent donc que l’affaire du QG n’est pas encore finie.
■ Abdoulaye Bathily : « Un pas intéressant vers des pas plus importants »
La libération des opposants intervient après deux visites, en deux jours, d’Abdoulaye Bathily, représentant du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale. C’est lui qui s’est rendu sur place vendredi pour annoncer aux 27 opposants qu’ils pouvaient rentrer chez eux. Cette libération, c’est un pas qui va dans le bon sens, selon Abdoulaye Bathily, mais il faudra en faire d’autres pour régler la crise que traverse le Gabon.
« Depuis 36 heures, je me suis employé, avec le président de la République du Gabon, Monsieur Ali Bongo Odimba, et également avec Monsieur Ping lui-même, à faire en sorte que ces leaders reconnus soient libérés et surtout, au-delà de cette libération, que le Gabon puisse connaître l’apaisement », a-t-il déclaré à RFI avant d’ajouter qu’il était nécessaire, aujourd’hui, que le pays « retrouve la quiétude indispensable » à la vie des citoyens.
Abdoulaye Bathily considère que cette libération est un « pas intéressant vers des pas plus importants » pour que le Gabon connaisse la paix. Aussi, le représentant du secrétaire général de l’ONU pour l’Afrique centrale appelle à une résolution pacifique des contentieux entre opposition et pouvoir.
Le Gabon a une longue expérience de dialogue inter-gabonais. Je pense que les voies sont ouvertes pour ce dialogue pour résoudre – avec évidemment l’appui, sans doute, de tous les amis du Gabon – ses problèmes.
Abdoulaye Bathily