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Gabon : retour sur le chaos post-électoral dans une ville de province

Une semaine après l’annonce de la victoire d’Ali Bongo lors de l’élection présidentielle au Gabon, les images venant des villes de provinces commencent à émerger, grâce au rétablissement progressif d’Internet. Dans la ville de Lambaréné, à 200 kilomètres au sud-est de la capitale Libreville, les dégâts attestent de la colère des électeurs.

Dans les premières heures des manifestations post-électorales, plusieurs de nos Observateurs à Port-Gentil nous avaient signifiés de violents heurts dans une petite ville de province d’environ 27 000 habitants, Lambaréné. C’est la septième ville la plus peuplée du Gabon. Depuis mercredi soir, avec le rétablissement progressif d’Internet, des Observateurs ont réussi à nous faire parvenir des images témoignant de dégâts très impressionnants, compte tenu de la taille de la ville.

« Je connais bien Lambaréné, je n’avais jamais vu ma ville défigurée à ce point »
Yannick L.

Notre Observateur, Yannick (pseudonyme) revient sur ces trois jours de tensions dans sa ville d’origine, images à l’appui. Il a participé aux manifestations mais a refusé de prendre part aux violences.

À l’annonce des résultats mardi 30 août, les habitants du quartier Adouma, d’où partent souvent les manifestations de ces dernières années à Lambaréné, se sont massivement déplacés en direction du pont permettant de rejoindre la route nationale. Leur objectif était de bloquer cette artère principale qui relie Port-Gentil à l’est du pays pour faire entendre leur mécontentement.

Très vite, des policiers leur ont bloqué le passage, et après une tentative de négociation infructueuse, des affrontements ont éclaté. Du côté des manifestants, des jets de pierre, de celui des policiers, des gaz lacrymogènes.

Au deuxième jour des heurts, des manifestants avaient disposaient une bouteille de gaz pleine à la fois pour empêcher les véhicules de passer, mais aussi pour menacer de faire exploser le pont en cas de tirs selon nos Observateurs

« Une des mairies a été totalement incendiée »

Mais les policiers se sont retrouvés pris en sandwich car d’autres manifestants sont arrivés de l’autre côté du pont. Se sentant en danger, ils ont alors calmé le jeu, et proposé aux manifestants de les escorter jusqu’au gouvernorat de la province Moyen-Oogoué.

Arrivés sur place, les manifestants n’ont pas trouvé le gouverneur, et ont alors attaqué la mairie du 2e arrondissement de la ville où ils ont d’abord brûlé la salle des mariages. À ce moment, des renforts policiers ont dû intervenir pour disperser la foule, qui a poursuivi les manifestations en saccageant plusieurs commerces de la ville dans la soirée, sans distinction et clairement dans le but de piller.

Selon nos témoins, la mairie du 2e arrondissement de Lambaréné a été attaquée à deux reprises jeudi et vendredi. Son toit a été brûlé et les documents à l'intérieur, comme les actes de naissances, sont partis en fumée.
Selon nos témoins, la mairie du 2e arrondissement de Lambaréné a été attaquée à deux reprises jeudi et vendredi. Son toit a été brûlé et les documents à l’intérieur, comme les actes de naissances, sont partis en fumée.

Selon nos témoins, la mairie du 2e arrondissement de Lambaréné a été attaquée à deux reprises jeudi et vendredi. Son toit a été brûlé et les documents à l’intérieur, comme les actes de naissances, sont partis en fumée.

« Il n’y a plus d’aéroport fonctionnel à Lambaréné, il est en ruines »

Photos prises par nos Observateurs samedi, 24 heures après le saccage de l'aéroport
Photos prises par nos Observateurs samedi, 24 heures après le saccage de l’aéroport

Le lendemain [vendredi, NDLR], on nous a appris que l’aéroport de Lambaréné, situé près du centre-ville, avait été incendié dans la soirée. Il ne reste plus rien des bureaux administratifs et plus rien dans la tour de contrôle là-bas. La piste d’atterrissage n’a pas été endommagée, mais seuls des hélicoptères de l’armée ont pu atterrir ces derniers jours pour livrer des munitions. Aucun avion ne peut pour l’instant s’y poser [d’autres témoins à Lambaréné nous ont expliqué que les policiers avaient avant tout protégé le gouvernorat et des stations-essence, NDLR].

La mairie du 2e arrondissement a de nouveau été attaquée vendredi 2 septembre, et cette fois, les manifestants ont incendié le deuxième étage, et brûlé le toit. Il n’en reste plus rien. Les échauffourées ont duré toute la journée, et cela ne s’est calmé qu’en fin de journée, après une négociation avec la police.

« Si les manifestants s’attaquent à des usines ou aux ponts, ça serait le chaos total »

Samedi, les marchés ont repris tant bien que mal et quelques commerces ont rouvert, mais les séquelles sont visibles à travers la ville, il y a des cendres un peu partout. Je connais bien Lambaréné, j’y ai vécu pendant de longues années, mais je n’avais jamais vu des dégâts aussi importants. Ma ville est davantage défigurée qu’en 2009 [date à laquelle des remous avaient eu lieu pour les résultats de la précédente présidentielle donnant Ali Bongo vainqueur ; à l’époque, la région du Moyen-Oogoué où se trouve Lambaréné avait voté en majorité pour Pierre Mamboundou, un des candidats de l’opposition].

Comme beaucoup de lieux ont été saccagées, je ne sais pas à quelle administration pourraient encore s’en prendre les manifestants si de nouveaux heurts venaient à éclater [selon un autre témoin sur place, seuls la mairie du 1er arrondissement et le gouvernorat de Lambaréné n’ont pas été touchés, NDLR]. Ici nous avons deux grandes craintes : que les manifestants s’attaquent à une usine de carburant, comme celles de Seat ou Total, ce qui pourrait provoquer une explosion, ou endommagent les ponts, ce qui isolerait des quartiers entiers de la ville. Si tel est le cas, ce serait le chaos total.

Actuellement, les gens attendent la confirmation officielle des résultats par la Cour constitutionnelle et de voir ce que va donner la médiation de l’Union africaine [laquelle a reporté jeudi « sine die » sa mission selon son ministre des affaires étrangères, NDLR]. Mais le mot d’ordre est clair, notamment au quartier Adouma : « C’est pas fini ».

Yannick L.
ARTICLE ÉCRIT EN COLLABORATION AVEC Alexandre Capron
Alexandre Capron, Journaliste francophone

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