La délégation de la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) a tenté mardi en vain de convaincre Yahya Jammeh d’abandonner le pouvoir après sa défaite à la présidentielle du 1er décembre. Le jour-même, le président gambien a saisi la Cour suprême pour contester les résultats du scrutin.
« Nous ne sommes pas venus pour un accord, nous venons aider les Gambiens à organiser la transition. Ce n’est pas quelque chose qui peut aboutir en un seul jour, il faut y travailler », a déclaré la présidente libérienne Ellen Johnson Sirleaf, qui préside la délégation de chefs d’État de la Cedeao, chargée de convaincre Yahya Jammeh de quitter le pouvoir.
Cette dernière a été reçue pendant plus d’une heure dans l’après-midi par Yahya Jammeh et a ensuite rencontré Adama Barrow, déclaré vainqueur du scrutin du 1er décembre par la Commission électorale indépendante (CEI), avec près de 19 000 voix d’avance sur le président sortant. « Il y a un blocage entre le gouvernement et nous », a dit le nouveau président élu, contestant à Yahya Jammeh le droit de demander l’annulation du scrutin par la Cour suprême en nommant en fin de mandat des juges manquants susceptibles d’être sous son influence.
De source diplomatique à Banjul, le président ghanéen John Dramani Mahama, qui lui-même a reconnu sa défaire électorale la semaine dernière, avait quitté la Gambie en soirée, tandis que les autres dirigeants – Ellen Johnson Sirleaf et ses homologues nigérian, Muhammadu Buhari et sierra-léonais, Ernest Bai Koroma – devait en partir plus tard mardi soir. Mais ceux-ci ont refusé toute déclaration, y compris aux diplomates.
La mission de la Cedeao rendra compte des discussions lors d’un sommet de l’organisation régionale, samedi à Abuja, a cependant fait savoir la cheffe de la délégation.
La police ferme les locaux de la commission électorale
Malgré d’intenses pressions internationales et conformément à ce qu’il avait annoncé dimanche, le parti de Yahya Jammeh a officiellement saisi mardi la Cour suprême pour demander l’annulation des résultats de l’élection présidentielle. Selon des documents dont l’AFP a obtenu copie, le parti au pouvoir invoque des irrégularités dans la comptabilisation par l’IEC et des « intimidations » envers ses électeurs dans une région.
Preuve de l’autorité que détient toujours Yahya Jammeh, la police a fermé les locaux de la Commission électorale indépendante (IEC) avant l’arrivée de la délégation, a indiqué Alieu Momar Njie, qui préside la Commission.
Le chef d’état-major, le général Ousman Badjie, est quant à lui arrivé aux discussions en portant sur son uniforme un badge du chef de l’État sortant, affirmant qu’il soutenait « le commandant en chef, le président Yahya Jammeh » alors même que la semaine dernière Adama Barrow avait affirmé avoir reçu en tant que président élu l’assurance de son appui.
Craintes de l’opposition
L’opposition craint qu’un recours devant la Cour suprême ne soit un moyen pour Yahya Jammeh de se maintenir en place au-delà de la fin de son mandat, prévue en janvier. De plus, la Cour suprême n’étant plus au complet, il faudrait en désigner de nouveaux juges ce qui entraînerait inévitablement des délais supplémentaires, selon l’opposition qui, de toute façon, dénie ce pouvoir au président sortant en le qualifiant d’anticonstitutionnel.
Le président de la Commission de la Cedeao, Marcel Alain de Souza, avait prévenu mardi au micro de RFI, qu’en cas d’échec de la « diplomatie préventive », l’organisation régionale « envisagera des décisions plus draconiennes », sans écarter l’option militaire.
Par Jeune Afrique avec AFP