La transition sectorielle, les dirigeants gabonais la veulent par l’implication du secteur agricole. Mais, les modalités pour y aboutir sont encore loin des espérances socio-économiques. Avec une contribution encore marginale dans la formation du PIB (3,5%), malgré le tapage fait autour, le progrès agricole accuse du retard au Gabon.
Faire de l’agriculture, le premier moteur de la croissance de l’économie nationale. Le pari des dirigeants gabonais est osé ! Pour autant, s’accommode-t-il à la réalité du terrain ? Depuis 2009, un virement stratégique programmé dans le Plan Stratégique Gabon Emergent (PSGE) dont le pilier « Gabon vert » oriente le cap de développement, traduit les ambitions avouées du Gabon à être indépendant des produits alimentaires de l’extérieur et d’atteindre l’autosuffisance alimentaire. Ce positionnement stratégique s’est au fil des six dernières années traduit par une implication accrue de l’autorité dans la promotion d’un secteur agricole embryonnaire, avec la volonté de mettre en place une agro-industrie qui réponde au besoin immédiat en matière de nutrition et d’exportation.
A l’heure actuelle, que ce soit les cultures maraichères, vivrières, fruitières ou de rente la tendance de sous-développement de ces branches est identique. Lorsqu’une production est organisée autour des trois premières catégories, elle est directement destinée au marché local parce que les standards de production ne permettent pas d’exporter. Quant à la production vivrière, elle est essentiellement autoconsommée. La faible industrialisation de surfaces exploitées dans le but agricole entrave une production de masse. Si ces secteurs butent en touche, c’est avant tout à cause des facteurs de production retardant la compétitivité : une faiblesse de la population rurale (seulement 14%), un foncier défavorable à l’accès aux terres, le manque d’implication massive des gabonais dans la profession, le manque d’infrastructures et le problème majeur de financement.
Graine, un palliatif ?
Pour 2020, le Gabon s’est fixé comme autre pari de réduire sa dépendance, d’un quart, à l’égard des produits étrangers. Ce nouveau pari passe par la dynamisation du secteur agricole locale à travers la mise en place des politiques agricoles. La Gabonaise de réalisation agricole et des initiatives des gabonais engagés (Graine) issue d’un partenariat public privé (PPP) entre l’Etat gabonais (51%) et le groupe singapourien Olam (49%) figure au centre de la transition sectoriel tant souhaitée. Le programme repose sur le soutien apporté à la création de coopératives agricoles industrielles sur le plan national au travers notamment la distribution de parcelles de terre aux agriculteurs et la mise en place de modalités propres de préfinancement pour faciliter en particulier l’accès à de l’équipement moderne. Graine vise l’industrialisation de la filière banane, manioc, piment, tomate et huile de palme.
C’est à travers ce type de programme que le Gabon compte passer du statut de « pays à vocation agricole à un pays véritablement agricole » et « faire de l’agriculture, le premier moteur de croissance, le premier levier de la diversification de notre économie, et le premier gisement d’emplois du pilier « Gabon vert » du Plan Stratégique Gabon Emergent ». Durant deux ans, le programme a été l’objet d’une promotion accrue entre cinq provinces du Gabon (Haut-Ogooué, Ogooué Ivindo, Ogooué Lolo, Woleu Ntem et la Ngounie) mais sans jamais rendre visible sa production. En mars 2016, les premières récoltes du programme avaient été annoncées mais en vain. La date arrivée, aucun produit issu de ce programme n’a été visible sur les étals des marchés locaux. Pour que le programme parvienne sérieusement à faire de l’agriculture un secteur de relais, il faut qu’il fédère du monde autour de lui et cet attrait passe d’abord par le respect des engagements et la confiance.
La dépendance alimentaire est toujours de mise
Si en l’état actuel du déploiement de ce programme, un bilan n’est pas opportun, l’annonce faite personnellement par les gestionnaires de Graine nous donne ici le droit d’y convenir. Le Gabon ne peut actuellement prétendre se défaire des produits alimentaires issus de l’importation lorsque les ressources budgétaires publiques affectées pour le développement de la filière agricole ne représentent que 0,44% du budget annuel (chiffre de 2013) et que les programmes dédiés à dynamiser le secteur finissent tous en échec. En effet, après deux ans d’agitation autour du programme Graine, malgré les efforts, le Gabon demeure toujours aussi dépendant des produits importés (250 à 300 milliards de francs CFA chaque année) qu’il y a 40 ans. L’explosion des prix de denrées de première nécessité sur les marchés locaux montre bien que le pays est loin d’être indépendant des produits de l’extérieur. Ce piétinement tient surtout à l’inadéquation des projections des politiques sectoriels et à la « politisation » des programmes comme Graine.
Michael Moukouangui Moukala