L’ancien coordinateur de la campagne de Jean Ping est l’un des vice-présidents du dialogue national, à la tête de la délégation de l’opposition. Traître pour les uns, réalistes pour les autres, il assume sa participation et sa rupture avec Jean Ping, en espérant obtenir des réformes essentielles.
Jeune Afrique : Vous avez choisi de participer au dialogue national, contre l’avis de Jean Ping, dont vous étiez le coordinateur de campagne en 2016. Qu’espérez-vous obtenir ?
René Ndemezo’o Obiang : Nous avons l’espoir d’aboutir à des avancées significatives, d’autant que nous avons obtenu que soit élaboré un chronogramme à la fin du dialogue, afin de permettre ensuite à un comité de suivi de veiller à la mise en place des mesures. Je pense que l’on peut gagner davantage que lors des dialogues précédents car beaucoup d’acteurs, y compris au sein de la majorité, sont conscients qu’il faut réformer et que, si ce dialogue n’aboutit pas, le Gabon court des risques énormes.
Quels sont les principales mesures qui seront discutées avec la majorité ?
Il y a plusieurs dossiers importants que nous allons aborder, notamment la limitation du nombre de mandats présidentiels ainsi que leur durée, c’est-à-dire qu’il faudra choisir entre quinquennat et septennat. Nous allons également discuter du cas de la Cour constitutionnelle. Sa nomination n’est pas satisfaisante aujourd’hui et je pense qu’il faut aussi s’interroger sur la possibilité de mettre en place des mandats de huit ou neuf ans, accessible à des personnalités de plus de 55 ou 60 ans.
Qui dit discussion sur la limitation du nombre de mandats présidentiels dit débat autour du cas d’Ali Bongo Ondimba.
Le dialogue n’a pas pour objectif d’obtenir ce que l’on n’a pas obtenu par les urnes. Jean Ping a remporté le scrutin, pourtant, cela ne lui a permis de prendre le pouvoir. Selon moi, il est temps de mettre en place des réformes impersonnelles, objectives et déconnectées d’Ali Bongo Ondimba, qui nous permettent d’avancer. Quels sont les avantages d’un quinquennat ou d’un septennat ? De la limitation ou non du nombre de mandats ? Ce sont ces questions qui doivent prévaloir. Nous devons débattre en nous détachant du cas d’Ali Bongo Ondimba, sinon nous allons droit aux règlements de compte et nous n’obtiendrons rien.
Si vous parvenez à obtenir la mise en place d’une limitation à un mandat présidentiel, renouvelable une fois, la question de son application à l’actuel chef de l’État se posera…
Il sera évidemment difficile de ne pas aborder cette question. Nous en discuterons certainement le cas échéant. Nous pourrions par exemple considérer que la nouvelle mesure ne concernerait que son mandat actuel et envisager qu’il puisse se représenter en 2023 pour une prolongation de cinq ou sept ans.
Nous devons débattre en nous détachant du cas d’Ali Bongo Ondimba
Les législatives sont également au cœur des débats. On parle beaucoup d’un redécoupage des circonscriptions électorales. Y êtes-vous favorable ?
Oui, l’actuel découpage pose beaucoup de problèmes. Les zones urbaines ne sont pas suffisamment représentées. Une des possibilités serait de passer de 120 à 150 députés par exemple. En contrepartie, nous baisserions le nombre de sénateurs. La charge globale du Parlement resterait donc la même pour l’État.
Il faudra donc reporter ces législatives, qui étaient prévues en juillet prochain ?
La loi dit en effet qu’on ne peut pas organiser un scrutin l’année d’un redécoupage électoral. Ce qui veut dire que, si le dialogue est un succès, elles ne pourront effectivement pas se tenir en 2017. Je pense que l’on peut légitimement envisager de coupler les législatives avec les locales, qui doivent avoir lieu en novembre et décembre de l’année prochaine. De plus, ce faisant, l’État ferait des économies.
Vous êtes extrêmement critiqué pour votre participation à ce dialogue, notamment par le camp de Jean Ping, qui estime que vous faites le jeu d’Ali Bongo Ondimba. Que répondez-vous ?
Nous avons choisi deux voies différentes et je ne veux pas trop m’exprimer sur sa stratégie. De mon côté, j’ai fait le pari de croire que l’on pouvait obtenir des avancées importantes en participant au dialogue. Je crois également que cet événement fera émerger de nouveaux leaders et que cela favorisera l’émergence d’une nouvelle génération. Je suis persuadé qu’à un moment, le peuple sera reconnaissant envers ceux qui ont fait le « sale boulot ».
Va-t-on vers un gouvernement d’union nationale au Gabon ?
Je pense effectivement que c’est la suite logique du dialogue. L’opposition ne gagnera peut-être pas des ministères clés, mais il peut y avoir des ouvertures à l’Intérieur et à la Justice, avec des portefeuilles de délégués chargés de suivre la mise en application des décisions du dialogue.