Souhaitée par Ali Bongo après sa réélection contestée en septembre, la seconde phase du « dialogue politique » inter-gabonais initialement prévue le 11 avril, débute mardi 18 avril, sans le principal opposant Jean Ping qui a appelé à son boycott. À travers ce dialogue, Ali Bongo espère mettre fin à la crise post-électorale qui dure depuis des mois et relancer l’économie gabonaise.
Annoncé depuis septembre 2016 pendant la réélection contestée d’Ali Bongo, le « dialogue politique inclusif et sans tabou », souhaité par le chef de l’État gabonais Ali Bongo, débute mardi 18 avril. Il est censé sortir le pays de la crise politique en cours et relancer une économie en difficulté avec la chute des cours du pétrole sur le marché mondial.
Lors de l’élection présidentielle d’août dernier, l’opposition réunie au sein de la Coalition pour une nouvelle république (CNR) portée par Jean Ping, – un transfuge du pouvoir et le principal adversaire d’Ali Bongo –, avait contesté les résultats de la commission électorale. Ces résultats, validés par la Cour constitutionnelle, avaient donné vainqueur le président sortant avec plus de 50 % des voix contre 47 % pour Jean Ping. S’en sont suivies des émeutes post-électorales qui ont fait officiellement trois morts – une cinquantaine selon l’opposition – et entraîné des centaines d’arrestations.
Le boycott de Ping
La Coalition pour une nouvelle république de Jean Ping qualifie ce dialogue de mascarade et refuse d’y prendre part. « C’est une suite logique de la crise post-électorale. S’il [Jean Ping] ne reconnaît pas Ali Bongo comme président, il ne peut assister à un dialogue convoqué par ce dernier », analyse Frédéric Mba Missang, chercheur associé sur le Gabon au laboratoire « Les Afriques dans le Monde » (LAM) Sciences-Po Bordeaux. Pour la CNR, le pouvoir « veut uniquement crédibiliser [sa] mascarade ».
Le pouvoir, lui, estime que le plus important n’est pas qui participe mais « les actes posés par le dialogue ».
Samedi 15 avril – à 72 heures du début des travaux prévu mardi 18 avril – Jean Ping a tenu un grand rassemblement à Libreville, son premier depuis la présidentielle d’août dernier. D’après Frédéric Mba Missang, ce meeting peut être doublement interprété : « D’une part, montrer au pouvoir qu’il est toujours en capacité de mobiliser ses troupes, d’autre part, rassurer ses militants qu’il ne baisse pas les bras et qu’il poursuit toujours son engagement. » D’autant que certains de ses soutiens à la présidentielle ont annoncé, contre l’avis de la coalition, qu’ils prendraient part au dialogue.
Rassurer les partenaires
Cette seconde phase politique du dialogue – après la phase citoyenne achevée le 10 avril et qui a réuni les acteurs de la société civile – sera suivie de près par les investisseurs étrangers et les partenaires du Gabon. Selon l’analyste gabonais, ces derniers s’inquiètent de l’impasse politique actuelle du pays. « Le Gabon, indique-t-il, doit retrouver la stabilité pour rassurer les investisseurs. Eux s’appuient sur l’environnement politique et social. Est-il favorable au développement des affaires ? »
Ce pays de moins de deux millions d’habitants, dont l’économie dépend presque exclusivement des revenus pétroliers, est en proie à une crise économique qui se manifeste par des retards de payement des salaires et des grèves des travailleurs.
Après avoir exprimé ses réserves sur la victoire d’Ali Bongo, la France a fait part de son souhait le mois dernier aux autorités gabonaises de voir ce dialogue « déboucher sur des réformes structurelles ».
Réformes constitutionnelles
Ce « dialogue politique » devrait permettre d’aborder les points clivants tels que la limitation du mandat présidentiel actuellement de sept ans, mais reconductible de façon illimitée. Les débats devraient aboutir, selon les organisateurs, à des propositions de révision du code électoral pour instaurer une présidentielle à deux tours. Il sera, en outre, question des rôles de la Cour constitutionnelle et de la commission électorale. Accusées d’être inféodées au pouvoir, ces deux institutions sont en ce moment les plus décriées par l’opposition politique. Elles avaient été pointées du doigt par les manifestants lors des émeutes post-électorales.
Pour le pouvoir, ce dialogue apparaît comme un préalable aux élections législatives, reportées à la fin juillet 2017, et qui pourraient être à nouveau ajournées.
Rodrigue Arnaud Tagnan