Soyons simples et commençons tout de suite par les mots qui semblent semer tant de confusions chez nos compatriotes, tout en signalant que le terme « nuls » employé ici dans mon titre se doit d’être compris, non pas dans sa connotation injurieuse, mais, plutôt, dans sa connotation affective, à la manière des ouvrages éducationnels ayant récemment fait irruption sur le marché, en vue de l’éducation des masses :
DIALOGUE = discussions entre parties, généralement en temps de paix, ce qui veut dire des discussions représentant une conversation, un cadre de concertation entre parties mettant leur cerveau au service d’une cause commune et/ou recherchant LIBREMENT, et de manière volontariste, des solutions à un problème de préoccupation commune et/ou mutuelle. Un bon exemple ici serait une conférence nationale librement décidée par tous, avec sincérité, pour résoudre les problèmes récurrents qui minent la cité. Le dialogue est donc une question de bonne volonté et son succès dépend de démarches hautement volontaristes et consensuelles ne visant non point à imposer la volonté des uns sur les autres, mais plutôt à reconnaître les points de convergence pouvant amener les uns et les autres au consensus (je dis bien CONSENSUS, et non pas compromis).
MÉDIATION = négociations, je dis bien NÉGOCIATIONS, entre parties en conflit, ce qui, dans le cadre d’une démarche de résolution de conflit, nécessite l’intervention d’un médiateur neutre, notamment en cas d’enlisement du conflit opposant les parties. Dans certains cas, elle peut être enclenchée sur demande de l’une des parties, notamment la partie ayant le plus à perdre si le conflit perdurait dans le temps et dans l’espace. Seule la théorie des jeux permet d’expliquer pourquoi l’une des parties en conflit, se reconnaissant en situation de faiblesse, ferait appel à une médiation nationale ou internationale, surtout quand un tel appel viserait plus à sauver la face dans une situation désespérée où, le temps passant, on risquerait de tout perdre, y compris toute crédibilité. Ici, on aboutit, non pas à un consensus, mais à un COMPROMIS, donc, à quelque chose qui ressemblerait à une compromission pour les demandeurs de médiation.
Seulement, au Gabon, le conflit, en dehors de celui décrété depuis les salons de velours, n’est nulle part visible dans les rues et, quoi qu’on en dise, il y a la réalité qu’au Gabon, il n’y a pas eu et il n’y a jamais eu « guerre » (comprenez CONFRONTATION digne de ce nom) ni en 1993 ni en 1998 ni en 2005 ni en 2009 ni en 2016. Il y a juste eu, dans tous ces cas, un régime sanguinaire matant UNILATÉRALEMENT dans le sang un peuple désarmé et désemparé. Il n’y a jamais eu, d’en face, aucune RÉPONSE digne de ce nom, aucune RIPOSTE digne de ce nom, donc aucune CONFRONTATION digne de ce nom, et encore moins la moindre tentative d’ORGANISER une CONFRONTATION qui justifiât, par la suite, une MÉDIATION que, cette fois-ci, le pouvoir en place, et non point l’opposition, demanderait parce que confiné à l’obligation de devoir négocier ou risquer de tout perdre. Et les carnets d’adresses qui, eux-mêmes, devaient appuyer d’éventuelles médiations en cas de conflit larvé, n’ont jamais eu, non plus, à parler au Gabon faute de conflit visible ou concret à résoudre, ou si l’on veut, faute de « plan B » insurrectionnel. Même l’Union européenne qui était prête à s’immiscer en cas de lutte larvée (c’est ce qu’elle attendait), a dû se raviser devant l’absence patente de confrontation politique digne de ce nom au Gabon, c’est-à-dire une confrontation à même de motiver une intervention internationale en faveur d’une opposition qui, pourtant, avait, dans les deux semaines qui ont suivi le vote d’août 2016, toutes les cartes en main.
Mais, à près d’un an des élections, au moment où tout le monde a fini par se détourner du cas perdu du Gabon, les rues sont vides.
Et c’est maintenant qu’on veut négocier.
On négocie donc quoi? Les attaques UNILATÉRALES du régime des Bongo contre les innocents Gabonais qui ont perdu leur vie ou ont été emprisonnés en toute impunité, en toute arrogance, ou la reddition qui mène à des petits arrangements de partage éhonté du pouvoir sur le dos de ces morts non vengées ni élucidées, de ces arrestations arbitraires non vengées ni élucidées, de ces Gabonais condamnés à des misères inexplicables depuis que les Bongo sont au pouvoir?
On négocie quoi si, l’une des parties, sanguinaire, mate en toute impunité par le sang et le diktat policier, et en face, l’autre partie, en guise de résistance, se complaît dans ses sempiternels jérémiades et gémissements, à genoux plutôt que debout, arcboutée comme à son habitude dans une perpétuelle posture de soumission, de renoncement, d’abdication, de capitulation, puis de compromission?
Une seule vérité: quand on négocie alors qu’on est en position de faiblesse, quand on négocie alors que l’on est à genoux, on y perd toujours plus de plumes que la partie adverse, même quand la partie adverse a tort, et même quand le combat que l’on mène est juste.
Et ne l’oublions jamais : La communauté internationale, médiatrice ou pas, ne comprend que le langage du plus fort, le langage, comme on dit chez nous, de celui qui a la situation en mains. Demander une médiation internationale dans le contexte actuel et alors même qu’aucune riposte n’a été donnée (pour montrer qu’en face il y a des hommes prêts à défendre le vote qu’ils affirment leur a été volé) veut dire que l’on a déjà accepté le principe de maintenir Ali Bongo au pouvoir : il n’y a pas de communauté internationale qui viendrait, à plus d’un an d’une élection volée, enlever un dictateur du pouvoir. Et il ne faut pas confondre la Gambie, où toutes les institutions impliquées dans l’élection ont donné l’opposition gagnante et à juste titre, et le Gabon, où toutes les institutions impliquées dans l’élection ont donné Ali Bongo gagnant, et à mauvais titre. La seule manière d’arriver à une finalité qui impliquerait valablement, et à profit, la communauté internationale, consisterait, avant que de demander des négociations, à d’abord déclencher une insurrection généralisée au Gabon qui mettrait le régime des Bongo en position de faiblesse, les poussant ainsi, eux, à demander une médiation internationale qui garantirait l’accès de l’opposition au pouvoir suite à une transition et de nouvelles élections dignes de ce nom.
Dès lors, quand il s’agit de faire face à une dictature et, donc, de la plier à la volonté du peuple, ni le dialogue—vu comme instrument de concertation entre parties démontrant bonne volonté et sincérité, choses dont le régime des Bongo n’a jamais fait montre—ni la médiation—vue comme instrument de négociation pour la partie perdante ou, en cas d’enlisement, entre parties également confrontées au risque de devoir tout perdre—ne se détachent comme des stratégies gagnantes dans le cadre de la configuration actuelle de la lutte politique au Gabon. En d’autres termes, dialoguer ou négocier avec une dictature alors même que cette dictature dispose encore de tous les leviers du diktat ne peut que mener aux compromissions pour la partie perdante qui, dans ce cas précis, serait l’opposition électoraliste gabonaise.
En théorie des jeux telle qu’appliquée à la politique, on ne demande la négociation que quand on est en position de faiblesse et qu’on est confronté au risque de tout perdre. On n’a jamais vu un boxeur digne de ce nom arrêter de frapper un adversaire en difficulté pour demander à l’arbitre d’intervenir ! Les arbitres n’interviennent en boxe que quand ils voient un boxeur à genoux risquant un KO mortel s’ils ne le protègent pas. Et, généralement, l’arbitre qui intervient n’arrête le combat que pour donner la victoire à celui qui est debout, et non point à celui qui est à genoux. Il s’ensuit donc que dans les deux cas, le dialogue et la médiation ne peuvent être que de gros hors-sujets politiques si le but est de mener à la rupture et, donc à l’évincement des Bongo et de leur régime. Par contre, si le but est d’amener à un apaisement qui conforterait les Bongo dans leur processus de monarchisation du Gabon, la médiation et les dialogues restent, clairement, la voie à suivre. Mais nous savons tous que les voies du dialogue tout comme celles de la médiation sonnent inévitablement le glas de la lutte de libération nationale, du moins pour les électoralistes et autres dialogueurs opportunistes ayant fait le choix d’aller à la soupe.
Conclusion liminaire: le français de France, le français des petits Français de France, et non le français de nous autres petits Gabonais façon façon, me dit que demander la médiation ne peut que vouloir dire demander la négociation, ce qui ne peut mener qu’à la capitulation, puis au compromis et, donc, à la compromission, surtout quand on n’a jamais mené bataille, surtout quand on n’a jamais riposté, surtout quand on se met à demander la médiation à genoux depuis nos concessions privées et que, de cette position basse, on lève le drapeau blanc, ou jaune, ou rouge.
En termes simples: le dialogue comme la médiation, quand on est en position de faiblesse face à une dictature déterminée à rester au pouvoir, mènent exactement au même résultat: le maintien des Bongo au pouvoir. Le jeu sur les mots, dans ce cas, n’a absolument aucune incidence sur le résultat. Si le but est d’aller à Paris, qu’on y aille en pirogue ou par avion, on arrive toujours à Paris, même quand l’un prendrait plus de temps que l’autre.
Le fait, donc, de demander une médiation internationale devant rétablir la vérité des urnes devient ainsi une affirmation redondante et totalement dénuée de cohérence au vu du simple fait que cette communauté internationale avait déjà reconnu l’anomalie du Haut-Ogooué comme quelque chose qui était de nature à jeter le doute sur la crédibilité du scrutin. C’est tout ce qu’elle pouvait faire pour nous, cette communauté internationale. Et c’était déjà beaucoup !! Je dirais même que c’était un signe qui encourageait les électoralistes à prendre leurs propres responsabilités !! Mais rien n’en fut, hélas.
Il faut donc être clair: Ce n’est pas la communauté internationale qui a participé à une élection perdue d’avance. Et ce n’est pas à elle, donc, de mener notre combat à notre place. Il appartient, normalement, à ceux qui se sentent lésés de montrer à cette communauté internationale, depuis les rues du Gabon, qu’ils ne sont pas prêts à accepter autre chose que le départ du fraudeur. Mais ce n’est pas depuis le confinement de nos concessions privées où nous tenons désormais nos discours comme des lions en cage que nous pourrons convaincre la communauté internationale que nous voulons vraiment le rétablissement de la vérité des urnes. Sauf si nous pensons que ce sont les Français ou les Martiens qui devront descendre au Gabon par bateaux et soucoupes volantes pleins à craquer pour venir, à notre place, faire la démonstration de notre refus de cautionner la prise en otage du Gabon par une seule famille, un seul clan.
Que ceux qui ont des oreilles ÉCOUTENT le français, donc, au lieu de se contenter d’ENTENDRE, ou de vouloir justifier l’injustifiable par des contorsions sémantiques et lexicales qui cachent mal une langue de bois devenue, elle-même, l’expression d’un obscurantisme qui ne se cache plus, donc d’une fuite en avant éhontée.
Disons simplement ceci : Ces obscurantismes désormais distillés comme des vérités ne doivent jamais occulter, dans l’esprit des Gabonais, les seules réalités inéluctables auxquelles notre peuple se doit, plus que jamais, de s’accommoder :
– Rien de bon ne se passera au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir ;
– Aucune dictature n’a jamais cédé que forcée ;
– Le changement ne viendra au Gabon que par une insurrection en bonne et due forme.
Et pour y arriver, il faut passer par des stratégies établissant l’ingouvernabilité au Gabon, le but étant d’arriver à une situation de transition résultant de l’évincement pur et simple des Bongo du pouvoir et l’organisation, au bout d’une transition réformatrice, de nouvelles élections dignes de ce nom dans un Gabon réformé dont la constitution, les institutions et les dirigeants seraient l’expression directe et sans ambages de la volonté populaire.
Le débat est donc simple: C’est soit on regarde la lune, soit on regarde le doigt qui pointe vers la lune. La lune ici, c’est le simple fait que, que l’on y aille par la médiation ou le dialogue, en l’état actuel des choses et de la lutte, Ali Bongo s’imposera, une fois de plus, à la nation, et ceux qui se seront fait complices de ces processus consacreront inévitablement la dérive monarchique du Gabon.
Pour tous les Gabonais qui s’embrouillent, donc, avec ces mots, il faut éviter, pour comprendre les enjeux, de prêter trop d’attention au processus—dialogue ou médiation—car ces processus ne dénotent que des questions de forme. Il faut plutôt, quand on a le cerveau bien planté dans le crâne, faire attention au résultat escompté. Il faut se poser la question: dialogue, pour aboutir à quoi? Et médiation, pour aboutir à quoi? Dès lors que le résultat attendu est le même, c’est-à-dire le maintien d’Ali Bongo au pouvoir, il importe peu par quel processus on doit passer pour arriver à ce résultat. La question devient alors simple à résoudre: pour ceux que la présence d’Ali Bongo au pouvoir ne dérange pas, les dialogues et les médiations seront le passage obligé car ce qu’ils recherchent, au final, sera un simple partage du pouvoir qui n’aura absolument rien de positif pour le Gabonais et la Gabonaise lambda se débattant depuis 50 ans déjà dans ses mapanes avec ses rats, ses moustiques et ses inondations; mais pour ceux qui visent la rupture, donc l’évincement en bonne et due forme des Bongo et de leur régime en vue d’un Gabon nouveau et meilleur pour tous, les dialogues et les médiations, surtout quand ils se résument en de simples appels du pied de la part de ceux qui s’avouent désormais vaincus, demeureront des processus inacceptables.
Pour parler gabonais, « un point c’est tout ».
Dr. Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir-Modwoam
P.O. Box 3216 TCB
West Orange, NJ 07052, USA
Tél. (+1) 973-447-9763