On peut se poser la question, alors que les eurodéputés ont voté, jeudi 14 septembre dernier, une résolution condamnant les mesures restrictives du gouvernement gabonais contre l’opposant, Jean Ping et son staff. Non sans ramener au goût du jour des sanctions ciblant les auteurs de la « fraude électorale », lors de la présidentielle d’août 2016, ainsi que les auteurs des violences qui s’en ont suivies.
« Mettre un terme à tous les actes de harcèlement, d’intimidation et de persécution contre les opposants, et de prendre des mesures concrètes pour garantir la liberté d’expression ». Les députés européens jugent « arbitraire » et « inacceptable », l’interdiction temporaire de sortie du territoire des opposants (qui a finalement été levée le 8 septembre dernier). Au sujet du scrutin qui avait vu la réélection jusque-là controversée d’Ali Bongo Ondimba, les députés européens invitent « instamment le gouvernement du Gabon à procéder à une réforme approfondie et rapide du cadre électoral ».
Pour finir, les parlementaires demandent à la commission et aux Etats membres de prendre des « sanctions ciblées à l’encontre des responsables de la fraude électorale et des actes de violence qui en ont découlé ». Pire, l’eurodéputé écologiste, Yannick Jadot accuse l’actuel Chef de l’Etat gabonais d’avoir déjà volé deux élections consécutives en 2009 et 2016, avec à chaque fois de « centaines de morts ». Un vrai cauchemar pour le pouvoir de Libreville, qui pensait avoir tourné la page du dossier post-électoral, surtout avec l’organisation du dialogue politique d’Angondje, par Ali Bongo entre mars et mai dernier, avec une partie de l’opposition dite conciliante.
Un dialogue qui a été vaticiné comme celui qui va corriger l’infantilisme démocratique du pays, notamment à travers la mise en place d’un cadre électoral, on ne peut plus transparent, afin de conjurer définitivement les lendemains post-présidentiels mortels. Les faits étant têtus, la volonté des autorités gabonaise de vouloir aller de l’avant en oubliant très vite le chapitre postélectoral, finit toujours par les rattraper.
Service minimum de la communauté internationale ?
Avant toute exultation pour ceux de l’opposition, qui bien évidemment jubilent et saluent la résolution des parlementaires européens, comme la fin certaine du règne d’Ali Bongo, il y a lieu de s’arrêter sur sa portée réelle. Que vaut-elle réellement, cette résolution ? Signifie-t-elle l’asphyxie et la fin du régime du président gabonais ? A y regarder de près, on comprend qu’au fond, il s’agit avant tout d’un acte strictement symbolique, un moyen de pression diplomatique sur le pouvoir du Gabon, afin de le dissuader dans sa logique de tenir l’opposition en bride.
Devant l’échec d’une position commune de la communauté internationale sur le cas électoral gabonais, cette résolution des députés européens apparaît comme un service minimum, le mieux que puisse faire l’Europe devant le marathon diplomatique de l’opposant Jean Ping. Lequel Jean Ping devra se contenter des simples déclarations ou résolutions des eurodéputés, faute d’avoir obtenu le départ d’Ali Bongo du pouvoir comme il continue de le promettre depuis plus d’un an déjà. Puisqu’en aucun moment, ces sanctions ne préconisent le départ d’Ali Bongo, même si la mission d’observation de l’Union Européenne émet des doutes sur le résultat final du scrutin.
On comprend mal comment ces sanctions pourraient faire tomber le régime d’Ali Bongo Ondimba, si elles n’ont pas fait tomber Pierre Nkurunzinza au Burundi, un pays dont le budget ne dépend à plus de 40% que de l’aide internationale. Et en attendant que ces sanctions soient votées ou non par la commission et les Etats membres de l’Union Européenne, les autorités de Libreville enracinent davantage leur assise, à mesure que le temps passe.
Charles Nestor NKANY