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Loi sur les réunions publiques : Une camisole de force

Daté du 3 août, ce texte codifie la procédure de déclaration et le déroulement des événements. Mais, il ne correspond nullement aux valeurs démocratiques universellement reconnus.

Comme on pouvait s’y attendre depuis la polémique autour de légalité du rassemblement du 20 décembre 2014 (lire «Le meeting de Rio interdit» et «Pour Moukagni-Iwangou le meeting n’a jamais été interdit»), le pouvoir vient d’adopter une nouvelle loi sur les réunions et manifestations publiques. Daté du 3 août, ce texte codifie la procédure de déclaration et le déroulement des événements, non sans aborder les sanctions. Est-ce contraire aux normes et instruments juridiques internationaux ? Sur le principe, non. En revanche, le libellé de ce texte ne correspond nullement aux valeurs démocratiques universellement reconnues. On est en tout cas loin des principes consacrés par le bloc de constitutionnalité.

Une fois encore, le pouvoir a légiféré en opportunité. Une fois de plus, il a agi dans le seul but de brider l’activité des forces sociales opposées au Parti démocratique gabonais (PDG). Là où on pouvait s’attendre à une large concertation, on a eu droit à un travail en vase clos. Même si l’initiative de la loi appartient concurremment au gouvernement et au Parlement, le processus aurait pu être plus inclusif, de sorte à faciliter l’appropriation de la réforme par les usagers. Mais, fort du soutien du Parlement, de la complaisance de la Cour constitutionnelle et de la docilité du Conseil d’État, le gouvernement a mené sa réforme sans se donner la peine d’ouvrir un débat de fond ni consulter le reste de la société. Au final, il en est sorti un texte liberticide, source de tensions futures.

Incongruité de taille

Manifestement, la collusion institutionnelle a encore fonctionné. Et de fort belle manière. Pourtant censée adapter le contenu de la loi aux évolutions récentes, cette réforme a introduit une incongruité de taille. En les présentant tout à la fois comme les gardiens de l’ordre public et les garants du respect des lois et règlements, elle a transformé les organisateurs d’événements en supplétifs du procureur de la République. Ce faisant, elle a consacré la responsabilité pour autrui, rendant les organisateurs «responsables des infractions commises durant les réunions». Curieusement, il leur est même demandé de brider le droit à la libre expression des participants. Pis, les meetings de campagne électorale devront dorénavant faire l’objet d’une déclaration préalable. Même si les délais sont plus courts, la spécificité de ces périodes-là a disparu. Il en va de même pour le distinguo entre lieux publics et lieux privés ouverts au public. Où l’on en vient à s’interroger sur le sens du silence ayant entouré l’adoption de ce texte. À l’analyse, ses concepteurs ont fait montre d’intelligence tactique en exemptant parlementaires, élus locaux, membres du gouvernement et, les groupements associatifs apolitiques de toute déclaration préalable à la tenue d’une réunion.

Le pouvoir peut bomber le torse. Il peut se féliciter d’avoir réussi son coup. Sur la question des réunions publiques, rien n’a jusque-là contrarié ses plans. Trop occupée à contester les résultats officiels de la présidentielle d’août 2016, l’opposition n’a pas vu le coup venir. Pas assez imprégnée des questions se rapportant aux libertés publiques, la société civile n’a pas donné de la voix non plus. N’empêche, la loi 001/2017 du 03 août 2017 relative aux réunions et manifestations publiques devrait bientôt cracher son venin. L’opposition acceptera-t-elle de formuler une déclaration à sa prochaine sortie sur l’esplanade du collège Ntchoréré ? Comment fera-t-elle pour contrôler les discours d’acteurs à la liberté de ton reconnue ? Comment s’y prendra-t-elle pour brider des personnalités jalouses de leur indépendance d’esprit ? Ne court-elle pas le risque de tomber dans des querelles internes, les uns accusant les autres de vouloir imposer la pensée unique ? Les syndicats accepteront-ils de se réunir exclusivement dans les «locaux normalement prévus pour l’exercice de leurs activités» ?

Adoptée sans réel débat contradictoire, la nouvelle loi sur les réunions publiques pourrait avoir l’effet d’une camisole de force. Autrement dit, elle pourrait devenir un frein à la jouissance des droits civils et politiques, notamment le droit à la liberté d’expression, à la liberté de réunion et à la liberté d’association. Sur ce point, les événements du 4 septembre dernier en disent long (lire «Empêché, le meeting de l’opposition se déporte chez Ping»). Ce jour-là, l’opposition avait, sans s’en rendre compte, fait les frais d’une application des dispositions de la nouvelle loi sur les libertés publiques. Sauf à vouloir gêner la participation des forces sociales à la vie publique, le pouvoir ne peut continuer sur cette lancée.

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