En tête du premier tour selon des résultats partiels, le Ballon d’or 1995 doit se préparer, sauf coup de théâtre, à un ballotage délicat.
Arsène Wenger, le coach des Gunners d’Arsenal, devrait le savoir mieux que personne: un duel n’est jamais gagné avant l’ultime seconde du temps additionnel du match retour. Dès jeudi, au détour d’une conférence de presse, l’Alsacien a pourtant tenu à féliciter George Weah, dont il fut l’entraîneur vénéré à l’AS Monaco entre 1988 et 1992, pour son accession à la magistrature suprême du Liberia.
Un rien prématuré. Certes, après dépouillement des suffrages dans le tiers des 5390 bureaux de vote du pays, l’unique Ballon d’or de l’histoire du football africain devance nettement le vice-président sortant Joseph Boakai (39,6% contre 31,1%). De même, n° 1 à ce stade dans 12 des 15 comtés du pays, le jeune quinquagénaire sème les 18 autres prétendants, dont l’avocat Charles Brumskine (9,3%) et l’ancien dirigeant de Coca-Cola Afrique Alex Cummings (6,7%).
L’enfant du quartier de Gibraltar face à « Sleeping Joe »
Reste que pour le candidat de la Coalition for Democratic Change (CDC), le plus dur reste à faire. Comment oublier qu’en 2005, il avait viré en tête, distançant Ellen Johnson Sirleaf de 8,5 points ? Or, au terme du ballotage, « Mum Ellen », favorite de l’Occident et des Excellences du continent, l’avait emporté avec près de 60% des voix. Fraude à l’appui? Plus que probable. Il n’empêche, un tel précédent invite à la circonspection.
Pas gagné, donc. Sauf surprise dans les heures à venir -décollage spectaculaire de « Mister George », effondrement inattendu de son challenger, brutal retournement de tendance-, une finale opposera le 7 novembre prochain l’enfant de Gibraltar, quartier déshérité de Monrovia, au politicien septuagénaire, surnommé « Sleeping Joe » pour sa propension à s’assoupir en public, et très mollement soutenu par Sirleaf, co-lauréate du Prix Nobel de la Paix en 2011.
« Il faut de l’argent. Beaucoup d’argent »
« L’ennui, admet un stratège de la campagne de l’ex-buteur, c’est que nous n’avons quasiment aucune réserve de voix. Or, on sent déjà se dessiner un front anti-Weah, animés par les aristocrates de l’establishment politique libérien, et teinté de mépris social. » De fait, Brumskine et Cummings se sont empressés de dénoncer de concert des « irrégularités », imputées au CDC. « Pour s’assurer le ralliement des perdants du premier acte, poursuit notre initié, il faut de l’argent. Beaucoup d’argent. Or, nous en avons moins que notre rival. Que peut-on promettre? Des ministères? Boakai fera bien entendu de même, et avec davantage d’arguments. Une certitude: le facteur fric jouera un rôle déterminant. »
Pour désamorcer l’opération « TSG » -Tout sauf George- qui se profile, l’ancienne gloire du PSG puis de l’AC Milan, triomphalement élu sénateur en 2014, devra amplifier durant l’entre-deux-tours la dynamique créée le 10 octobre. Et, exercice délicat, flatter avec le concours de sa colistière Jewel Howard-Taylor, ex-épouse de Charles Taylor, les nostalgiques du caïd au pouvoir de 1995 à 2003, tout en ménageant l’électorat de Prince Johnson, autre chef milicien, admis lui aussi au sein de la cohorte des candidats en dépit des crimes commis lors de l’atroce guerre civile qui endeuilla le pays quatorze années durant.
Dans son hommage hâtif, Wenger conseille à son poulain d’avant-hier de garder « son enthousiasme, comme son désir d’apprendre et de gagner ». De tout cela, « King George » aura bien besoin pour décrocher enfin le job infernal qu’il convoite depuis 12 ans.