Le Gabon n’a plus d’Assemblée nationale et plus de gouvernement… Décision surprise hier de la Cour constitutionnelle.
« La Cour constitutionnelle sort la chicotte et fait tomber l’Assemblée nationale et le gouvernement », s’exclame le site d’information Gabon Actu, qui précise : « La présidente de la Cour, Marie Madeleine Mborantsuo, a annoncé que son institution avait décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, dont le mandat n’a pas été renouvelé depuis deux ans, et le gouvernement, pour avoir été incapable d’organiser les élections législatives dans les délais fixés en dépit de plusieurs rappels à l’ordre. »
« Un capharnaüm indescriptible », lance pour sa part le site Gabon Review. Gabon Review qui critique vertement la décision de la Cour constitutionnelle : « Elle croyait sans doute mettre fin au vide institutionnel né du non-renouvellement de l’Assemblée nationale. Y est-elle parvenue ? On peut en douter. Bien au contraire, s’exclame Gabon Review : par l’addition de fraude à la loi, tour de passe-passe, lecture spécieuse des textes et usurpation de pouvoir, elle a catalysé la mutation de la crise de régime en une grave crise institutionnelle. Pour sûr, Marie-Madeleine Mborantsuo avait à cœur quatre préoccupations, estime le site gabonais : affirmer son autorité, garder la haute main sur le processus électoral, repousser les législatives au plus loin et, transmettre les pleins pouvoirs au président de la République. Les circonvolutions rhétoriques utilisées pour faire passer la pilule ne changent rien au fond des choses. »
Complices ?
En effet, s’interroge le site Gabon Eco, dans cette affaire, « la Cour constitutionnelle et le pouvoir en place sont-ils complices ? Saisie par le Premier ministre, Issoze-Ngondet, la Cour constitutionnelle a accepté de reporter le scrutin législatif deux fois de suite. Le tout assorti d’une prorogation à chaque fois du mandat des députés. Se sentant prise au piège de son propre laxisme notoire face au gouvernement, la Cour, pour tenter de se dédouaner face aux critiques la qualifiant de « tour de Pise », n’a plus voulu, cette fois, prendre le risque d’un nouveau report, estime Gabon Eco. La pilule aurait été dure à avaler par l’opposition radicale. Il lui fallait néanmoins rattraper sa mauvaise gestion du contentieux de la présidentielle de 2016. C’est donc dire qu’avec cette décision tonitruante, conclut le site gabonais, Marie Madeleine Mborantsuo tente de sauver son image longtemps écornée, car présentée comme le porte-voix du pouvoir en place. Mais cela, elle le fait dans une crise qu’elle aura contribuée à créer au même titre que le gouvernement. »
Le ménage sans se salir les mains ?
La presse ouest-africaine s’interroge également à propos d’une possible collusion entre la Cour constitutionnelle et le pouvoir en place…
Ainsi, relève Le Pays au Burkina, « jusqu’à preuve du contraire, on ne voit pas d’où une institution comme la Cour constitutionnelle gabonaise pourrait tirer son courage pour prendre une décision qui aille à l’encontre des intérêts du maître de Libreville (…) Mieux, on peut même se demander si cette décision n’a pas été prise avec l’accord du chef de l’Etat. Cela n’est pas à écarter. Car, quand on sait qu’au lendemain de sa réélection contestée, Ali Bongo avait été contraint de lâcher du lest en allant à un gouvernement d’union nationale, il n’est pas exclu que maintenant que la crise est passée, il veuille faire le ménage autour de lui sans pour autant se salir les mains. »
Coup d’Etat constitutionnel ?
Finalement, renchérit L’Observateur Paalga, toujours au Burkina, « Dame Mborantsuo, en intelligence ou non avec Ali Bongo, lui a rendu un grand service par cet oukase aux allures de coup d’Etat constitutionnel. Légalement, le président de la République concentre désormais entre ses mains tous les pouvoirs, travaillera à attirer à lui une partie de l’opposition et au contraire à se débarrasser des députés de son parti devenus peu dociles. Cerise sur le gâteau, poursuit L’Observateur Paalga, (…) il ne resterait plus qu’il profite de cette période de transition, dont on ne connait pas encore la durée, pour corser les lois électorales et, pourquoi pas, se tailler une nouvelle Constitution pour une nouvelle République sur mesure. Dans ce petit royaume des Bantous, les Bongo ne sont-ils pas rois ? »