Le destin du Gabon a pris un virage vertigineux le soir du 14 novembre 2018, avec la décision de la Cour constitutionnelle autorisant le Vice-président de la République à présider un Conseil des ministres, une prérogative réservée exclusivement au chef de l’Etat.
Interrogée le 6 novembre dernier par nos confrères du journal Le Monde, sur l’éventualité d’une vacance du pouvoir, suite à l’hospitalisation d’Ali Bongo à Riyad, en Arabie Saoudite, depuis le 24 octobre, la présidence de la Cour constitutionnelle avait affirmé que la vacance du pouvoir n’était pas à l’ordre du jour au Gabon.
Curieusement, à travers la décision de la Cour constitutionnelle n°219/CC du 14 novembre 2018, le président de cette institution vient d’affirmer solennellement l’incapacité du chef de l’Etat à assumer ses fonctions, ne serait-ce que temporairement.
Toutefois, les modalités de la constatation de l’empêchement temporaire, brandi par la Cour constitutionnelle, ne sont pas connues. Car cette dernière, selon sa déclaration, a été saisie par le Premier ministre pour interprétation des dispositions des articles 13 et 16 de la Constitution qui présenteraient des insuffisances de nature à bloquer le fonctionnement régulier des institutions, «au regard de la situation d’indisponibilité temporaire dans laquelle se trouve le président de la République».
Sur la base de cette saisine, la Cour constitutionnelle a autorisé le vice-président à présider un Conseil des ministres pour un ordre du jour dont seule elle, et les neuf juges constitutionnels, semblent avoir connaissance. «Dans le souci d’assurer la continuité de l’Etat et du service public, ainsi que le fonctionnement régulier du gouvernement, et en application des dispositions de l’alinéa ajouté à l’article 13 de la Constitution, la Cour constitutionnelle en sa qualité d’organe régulateur du fonctionnement des institutions, autorise le vice-président de la République à convoquer et à présider un Conseil des ministres qui portera exclusivement sur l’ordre du jour joint à la requête du Premier ministre», indique l’article 2 de la décision n°219/CC.
Bien que la saisine du Premier ministre porte sur l’interprétation de l’article 13 de la constitution, la Cour constitutionnelle s’est autorisée à ajouter un alinéa à l’article 13 à la place du législateur. Cette prérogative est-elle du ressort de la Cour constitutionnelle ? Si la gardienne des lois estime qu’il y a bien un empêchement temporaire du chef de l’Etat, pourquoi ne pas transférer temporairement les prérogatives accordées au vice-président de la République à l’autorité constitutionnelle dûment désignée par la Constitution, à savoir le président du Sénat ?
Car, comme on le dit en droit, l’accessoire suit le principal. Or, le principal de l’exécutif étant empêché, l’accessoire ne peut légalement assumer ses fonctions.
Si la Cour constitutionnelle n’a pas sollicité le Sénat, n’a pas délimité la durée de l’empêchement temporaire du chef de l’Etat et laisse le gouvernement et le vice-président solliciter le cas échéant des abolitions expresses auprès d’elle, c’est que, c’est elle qui assure la plénitude des prérogatives du président de la République.