Norbert Fargeon qui entreprend une requête auprès du Premier ministre français en faveur de Brice Laccruche Alihanga, son fils. Jeune Afrique qui jette un doute sur la nationalité de l’ancien directeur de cabinet du président Ali Bongo. Les avocats du célèbre prisonnier qui saisissent la justice française… Dans ce climat ambigu marqué par la fin de non-recevoir du Quai d’Orsay et le retard à l’allumage du tribunal de Paris, de quel pays le leader de l’Ajev porte-t-il réellement la nationalité ? L’espoir d’une France servant de bouée de sauvetage se volatilise-t-elle ou est-on simplement à une étape d’une stratégie bien élaborée ?
Norbert Fargeon, géniteur officieux de l’ancien directeur de cabinet d’Ali Bongo a tenté d’attirer l’attention du Premier ministre français sur la situation d’un ressortissant de son pays emprisonné à l’étranger : Brice Laccruche Alihanga depuis cinq mois à Sans-Famille, le pénitencier de Libreville. En réponse de quoi, la Direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire (DFAE), département du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, a indiqué «avoir tout mis en œuvre» afin que le concerné «puisse bénéficier de la protection consulaire prévue par la convention de Vienne du 24 avril 1963». Cette disposition de loi internationale permet en effet à un agent consulaire de vérifier les conditions de détention et de s’assurer du respect des droits du prisonnier.
Conflit parental remporté par le père
Presque synchroniquement à la requête franco-française de Norbert Fargeon, un article de Jeune Afrique en date du 29 mai amène à s’interroger sur la nationalité réelle de Brice Laccruche. À sa lecture, on pourrait déduire que celui-ci est un Français pur jus. On y apprend que le concerné est né à Marseille, de la volonté de ses parents qui pourtant vivaient alors à Libreville. Ce qui pourrait amener à déduire que le patronyme Laccruche Alihanga ne figurait alors pas dans le bulletin de naissance original de l’enfant. On y apprend qu’après la rupture entre les géniteurs, Norbert Fargeon a engagé une procédure pour obtenir la garde de son fils. Il l’emporte en 1992 et le petit Brice quitte le Gabon où il ne revient qu’en 1998 après son bac et à l’âge de la majorité civile. Sous quelle nationalité a-t-il donc passé son bac et est-il devenu civilement capable et responsable ?
Quand donc le jeune Brice devient-il Laccruche Alihanga ? Comment et quand a-t-il acquis la nationalité gabonaise ? Nombreux dans les salons feutrés de Libreville et sur les réseaux sociaux soutiennent qu’il n’a qu’un passeport (diplomatique) gabonais, obtenu grâce aux passe-droits de sa belle-famille du Haut-Ogooué. Sa mère, Elizabeth Dupont, s’étant en effet remariée en 1984 avec Louis André Laccruche Alihanga, alors conseiller d’Omar Bongo. Norbert Fargeon pourrait en tout cas avoir de bonnes raisons, notamment des documents et une intime conviction, de demander l’assistance consulaire française pour son fils. Ne serait-il pas fort de ce que celui dont il est le géniteur n’est pas légalement Gabonais ?
Limites de la protection consulaire et recours à la justice française
Soutenant qu’en sus d’être Gabonais, Brice Laccruche est à moitié Français, jouissant donc de la double nationalité, ses avocats, Maîtres Anges Kevin Nzigou (barreau du Gabon) et Dominique Inchauspé (barreau de Paris) ont déposé plainte, en janvier dernier, devant le doyen des juges d’instruction parisiens pour «détention arbitraire, violences volontaires et menaces de mort». La juridiction française qui a accusé réception de la requête ne s’est pas encore prononcée sur l’affaire. La pandémie du Covid-19 pourrait être à l’origine de cette lenteur à la détente.
Pour y revenir, la réponse du Quai d’Orsay à la procédure de Norbert Fargeon a été interprétée, par quelques médias gabonais, comme une fin de non-recevoir. S’en tenant aux strictes dispositions de la convention de Vienne, le ministère français des Affaires étrangères a tout simplement rappelé que la consule générale a rendu plusieurs visites à Brice Laccruche Alihanga depuis le début de ses déboires judiciaires. La diplomate en poste à Libreville «est intervenue à plusieurs reprises auprès des autorités gabonaises concernant les conditions de détention et la prise en charge de son état de santé». Si les limites de l’intervention française en faveur de l’ex-«messager intime» d’Ali Bongo sont claires, le Quai d’Orsay ne s’en lave pas pour autant les mains, précisant que l’ambassade de France au Gabon, via son consul général, «continue de suivre l’évolution de la situation pénitentiaire» du fameux binational. Bien entendu, dans les mêmes conditions, la protection consulaire des USA n’a pas pu extraire Bertrand Zibi des griffes de la justice gabonaise.
La piste du tribunal de Paris
Last but least, si la DFAE souligne le respect de «la souveraineté des États [interdisant] toute ingérence de [ses] postes consulaires et diplomatiques», il reste pour les défenseurs du fils Laccruche (ou Fargeon) la plausibilité d’une réponse positive à la requête des avocats à l’endroit du tribunal de Paris.
Cette juridiction est en effet compétente pour juger des infractions commises par un Français à l’étranger. Le prévenu peut, par ailleurs, se fonder sur la compétence universelle et se prévaloir de faits de torture ou de mauvais traitements. Sa plainte, dans ce cas, est recevable en France. Pour le contraire, il faudrait sans doute que le célèbre prisonnier soit exclusivement Gabonais. Si on peut le croire à l’aune de ses propres déclarations («enfant métis» du Haut-Ogooué) et de son background dans le pays des Bongo, il n’est pas certain qu’il ait renoncé à la nationalité française.
Mais l’irruption soudaine de tout ceci sur la place publique (réponse de la DFAE, articles de Jeune Afrique) ne s’inscrit-il pas dans une stratégie rondement menée ? N’est-on pas sur une étape consistant à rappeler en premier lieu, au Gabon, les origines réelles du fils supposé d’Alihanga et à signaler l’intérêt non-estompée de la France pour ce dossier ? Difficile pour le moment de lire entre les lignes.