Par sa décision n°015/CC du 24 mars 2020, la Cour constitutionnelle a qualifié d’inconstitutionnelle la loi n°013/2019 portant suppression de certains services publics. Ce verdict répond à la requête dau Premier ministre, enregistrée au greffe de la Cour le 10 janvier 2020, aux fins d’examiner la constitutionnalité de cette loi qui a supprimé une dizaine de structures publiques.
Les juges de la Cour constitutionnelle ont tranché dans le vif. «La loi n°013/2019 portant suppression de certains services publics est inconstitutionnelle. Le Parlement et le gouvernement doivent remédier à la situation juridique qui découle de la présente décision». Suite à la requête du Premier ministre Julien Nkoghe Bekale sur la constitutionnalité de cette loi, les juges constitutionnels estiment que celle-ci revêtirait un caractère spécieux construit autour d’un mélange de genre sans pareille.
En même temps qu’elle abroge des lois qui toutes ont des objets différents, non sans modifier d’autres qui elles aussi traitent des sujets différents, va jusqu’à abroger dans son contenu des décrets portant aussi sur des objets différents. En outre, les dispositions ainsi supprimées, du fait que les lois et décrets les contenant n’ont pas eux-mêmes fait l’objet de modification par des textes spécifiques pris à cet effet, continuent en réalité de figurer dans les normes concernées et demeurent donc en vigueur.
«Il résulte de l’analyse qui précède que la loi n°013/2019 portant suppression de certains services publics contient des dispositions d’un tel mélange, confus et désordonné qui la rendent tout simplement inapplicable, qu’il convient, en conséquence, de la déclarer inconstitutionnelle», a conclu la Cour constitutionnelle.
En effet, à l’occasion du Conseil des ministres du 27 février 2019, le premier présidé par Ali Bongo depuis son AVC, une dizaine d’établissements publics sont passés à la trappe avec effet immédiat pour des raisons «d’efficacité, de productivité et de clarification des compétences». Le Conseil a également décidé que « tous les agents permanents de l’Etat concernés par ces suppressions soient remis à la disposition de leurs administrations d’origine».
Les victimes de cette loi frappée d’inconstitutionnalité sont nombreuses : l’Agence nationale de la promotion artistique et culturelle (ANPAC), l’Agence nationale de sûreté et sécurité nucléaire, l’Autorité de régulation des produits agricoles du Gabon (ARPAG), le Fonds forestier, la Commission nationale de développement durable, l’Agence Nationale des Pêches et de l’Aquaculture, la Société nationale du logement social (SNLS), le Fonds National pour le Développement du Sport, le Centre Gabonais de Promotion Touristique.
A cette dizaine s’ajoute 7 autres organismes, le Centre National Antipollution, la Commission Nationale d’Organisation et de Gestion des Evènements et Manifestations à Caractère National et International (CNOGEMCNI), le Fonds national d’aide sociale (FNAS), le Comité de Privatisation, le Conseil Gabonais des Chargeurs (CGC) et le bureau de Coordination du Plan stratégique Gabon émergent (BCPSGE).
Si l’objectif de la rationalisation visé par cette loi est bien perçu par la Haute cour, il reste que sa mise en œuvre frise l’incompétence en termes de procédure d’élaboration et d’adoption des lois. En effet, la procédure orthodoxe veut que «chaque loi ne traite que d’un seul sujet, qu’ainsi, en cas de modification, d’abrogation ou lorsqu’il faut y apporter un complément ou encore supprimer certaines dispositions d’une loi, ce soit par le biais d’une autre loi, prise spécifiquement à cet effet et portant sur le même sujet, qu’il y est procédé».