Jean Remy Yama, l’un des plus farouches syndicalistes, mais aussi l’un des plus déterminés défenseurs de la dignité des Gabonais, vient de se voir emprisonné manu militari et sans autre forme de procès par le régime des Bongo-Valentin. Il devient ainsi l’énième victime des agressions répressives d’un régime dont l’incapacité d’apporter des solutions aux problèmes endémiques du pays se résume plus que jamais aux arbitraires qu’il exerce désormais, en toute impunité, contre les peuples du Gabon.
Au moment où nous pleurons encore la tragique disparition du jeune Hervé Mombo Kinga — une autre victime des exactions du régime bongoïste — cette arrestation vient, une fois de plus, conforter la position du mouvement « Bongo Doit Partir-Modwoam », selon laquelle rien de bon ne pourra arriver au Gabon tant qu’un Bongo sera au pouvoir.
A ceux qui pensent encore que ce sera par des élections perdues d’avance ou des dialogues au rabais que les Gabonais retrouveront leur dignité, le temps est venu de se rendre compte qu’aucune dictature n’est jamais tombée d’elle-même, qu’aucune dictature n’organise d’élections pour les perdre, qu’aucune dictature ne s’améliore jamais dans le sens de la dignité des peuples.
Nous savons bien que Jean Remy Yama n’obtiendra point justice. Pour le plier, ils le tortureront physiquement et mentalement. Ils voudront qu’il renonce à sa lutte, à ses convictions. Et peut-être aussi que, comme ils le firent récemment avec Hervé Mombo KInga, ils voudront lui enlever la vie. Ils savent qu’ils peuvent le faire en toute impunité parce que cela fait 55 ans qu’ils se livrent, sous nos yeux affaissés, à ces arbitraires, à ces assassinats, à ces génocides, devant lesquels nous, les peuples du Gabon, avons courbé l’échine. Nous avons tout accepté.
La question que nous devons nous poser alors est la suivante : Combien de Jean Rémy Yama laisserons-nous encore le régime des Bongo emprisonner arbitrairement et en toute impunité ? Combien d’Hervé Mombo Kinga laisserons-nous encore meurtrir dans leur chair et dans leur âme, sans que, à un moment, les peuples du Gabon ne se décident finalement à mettre fin à la torture bongoïste qui asphyxie le Gabon depuis 55 ans ?
Au Burkina Faso, au Soudan, au Mali et en Guinée, des peuples debout ont récemment démontré qu’il était possible de causer la chute d’un régime dictatorial ou corrompu, par la simple et seule force démocratique de la rue, et sans interventionnisme extérieur. Ces peuples, il nous semble, n’ont rien de plus, rien de moins que les peuples du Gabon : Ils ont eu leurs dictateurs, nous aussi. Ils ont eu leurs voleurs d’élections, nous aussi. Ils ont même eu, pour ceux qui ont récemment connu des coups d’État, des armées répressives, c’est-à-dire celles-là mêmes qui avant les coups d’État, comme en la Guinée d’Alpha Condé ou en le Soudan d’Omar el-Béchir, obéissaient encore aux dictateurs qui leur commandaient le génocide de leurs peuples. Pourtant, ce sont ces mêmes peuples qui, mains nues, se sont déversés dans les rues pour forcer ces mêmes soldats, ces mêmes armées, à se retourner contre leurs bourreaux.
Non, chers compatriotes. La libération ne viendra pas d’ailleurs. Ce combat-là, c’est le nôtre. S’il y a des leçons à tirer des coups d’État au Mali, en Guinée et au Burkina Faso, c’est qu’il est possible non seulement pour des peuples désarmés de mettre hors d’État de nuire leurs dictateurs, mais aussi de triompher, justement par le biais de ces coups d’État, des déterminismes de l’emprise française. Le Mali, surtout, en est la preuve la plus immédiate aujourd’hui car cette prise de pouvoir par des patriotes maliens leur aura permis, au moins, de commencer à entrevoir la possibilité d’une ouverture du Mali à d’autres réalités et à d’autres partenaires. Dans ce Mali-là, malgré la présence militaire française, les Maliens sont allés dans la rue, et leurs militaires ont entendu leurs appels.
Autrement dit, aucun de ces peuples du Mali, du Soudan, de Guinée ou du Burkina Faso n’a préfacé son désir de changement par le besoin de disposer, au préalable, de soutiens étrangers ou de carnets d’adresses. Aucun de ces peuples ne s’est mis à gémir dans la passivité en prenant les exactions françaises et françafricaines comme prétexte au découragement ou à l’acceptation d’un esclavage permanent qui attendrait un hypothétique sauveur ou libérateur venu d’ailleurs. Ils ont compris que tout peuple qui se respecte se doit de toujours commencer sa propre lutte, et si soutiens il y a, que ces soutiens ne vinssent qu’en renfort.
Apportons donc tous notre sollicitude à Jean Rémy Yama et condamnons tous sans ambages cet énième forfait des Bongo-Valentins contre les fils et filles du Gabon, les vrais fils et filles du Gabon. Exigeons aussi sa libération immédiate.
Cependant, ne l’oublions jamais : Jean Rémy Yama ne sera point le dernier à subir les brimades et exactions du régime. D’autres suivront. La question restera néanmoins toujours la même : Combien de temps devrons-nous encore accepter la prise en otage du Gabon par une seule famille, un seul clan ?
Nous avons mille fois explicité, depuis la création du mouvement « Bongo Doit Partir » en 1998, les voies obligatoires du changement au Gabon. Ces voies, vingt-quatre ans plus tard, restent les mêmes. Elles se résument en un seul mot : La rue. Comme au Burkina Faso, comme au Soudan, comme en Guinée, comme au Mali. Le changement ne nous trouvera pas assis à la maison ou dans les bars.
Le temps est venu de nous suivre dans cette voie pour que, ensemble, nous préparions, puis organisions, la chute du régime des Bongo-Valentin avant la tenue de toute nouvelle élection au Gabon. Sans cela, 2023 sera comme 2016, exactement comme 2016 fut comme 2009, et 2009 comme 2005, 1998 et 1993.
Fait le jeudi 3 mars 2022 à Montclair, New Jersey, États-Unis d’Amérique.
Pr Daniel Mengara
Président, Bongo Doit Partir-Modwoam
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