Initialement Publié le 29 mai 2005.
L?idée d’un statut institutionnalisé de Chef de l’opposition donné au candidat arrivé en seconde position de l’élection présidentielle est certainement l’idée la plus ridicule et la plus dangereuse de l’histoire politique gabonaise. Nous nous expliquons.
Idée ridicule
Ridicule parce que cette idée dénote de la surprenante légèreté politique de Pierre Mamboundou qui, à ce niveau, fait montre d’une naïveté politique inattendue. D?abord parce que, de son propre aveu, l’idée vient d’Omar Bongo lui-même et non de lui, ce qui veut dire que finalement, c’est Omar Bongo qui contrôlait la direction de ces négociations, et qu’il a su détourner Mamboundou du domaine politique pour l’acculer à des considérations et concessions purement personnelles et particulières. Ensuite parce qu’un statut de Chef de l’opposition ne peut se décréter sur la simple base de l’élection présidentielle. Trop de cas de figures contradictoires rendent cette idée impraticable dans le cadre actuel de la constitution gabonaise. Par exemple :
– Un candidat à l’élection présidentielle comme Mamboundou peut certes arriver deuxième et obtenir le statut de Chef de l’opposition. Bien. Mais qu’est-ce qui arrivera le jour où un parti autre que celui de Mamboundou arriverait deuxième dans le cadre des élections législatives en termes de nombre de députés à l’Assemblée nationale ? Quel sera alors le statut du leader du parti de l’opposition arrivé deuxième à l’Assemblée nationale ? Prendra-t-il le statut de chef de l’opposition à Mamboundou qui n’a aucun député à l’Assemblée nationale ?
– Vu que l’élection présidentielle ne se passe que tous les 7 ans, un candidat arrivé deuxième à l’élection présidentielle peut facilement devenir impopulaire au cours de cette période et se faire dépasser sur le plan sociologique et politique par un leader politique charismatique qui contrôlerait globalement les masses de l’opposition, donc la direction du pays. Que vaudrait un statut de chef de l’opposition institutionnalisé dans ce cas-là ?
– Vu que l’élection présidentielle ne se passe pas en même temps que l’élection présidentielle, que se passerait-il si un autre parti de l’opposition que celui du candidat arrivé deuxième aux présidentielles devenait majoritaire à l’Assemblée nationale, contrôlant ainsi le parlement du pays alors que le président appartiendrait à un autre parti? Qu?adviendrait-il, dans ce cas, de ce statut de Chef de l’opposition ? Serait-il donné au leader du parti majoritaire au parlement ou au leader arrivé deuxième aux présidentielles ?
– Et imaginons une situation ou des partis différents seraient majoritaires et des partis différents deuxièmes au Sénat et à l’Assemblée nationale. Qui, dans cas, mériterait le statut de chef de l’opposition ?
Il semble donc que ce statut, s’il est basé sur le résultat de l’élection présidentielle, n’a aucun sens et se heurterait à des situations qui n’en permettraient pas l’applicabilité. Il faut donc voir dans cette démarche de Mamboundou le mal habituel de l’opposition gabonaise que nous avons souligné au début de cet article, mal qui consiste pour cette opposition à toujours s’accrocher à des solutions de facilité et de rechange qui traduisent leur incapacité à réellement se battre jusqu’au bout pour la prise effective du pouvoir. Quelle petitesse d’esprit, donc, pour Mamboundou, de vouloir ainsi se contenter d’un poste fantôme au rabais après avoir revendiqué haut et fort, l’espace de 5 mois, la victoire électorale.
Idée dangereuse.
Idée dangereuse parce qu’elle permettrait tout simplement à Bongo de nommer qui il veut comme Chef de l’opposition. Autrement dit, dans un pays où la fraude électorale est endémique comme le Gabon et où Omar Bongo concocte plus ou moins les pourcentages électoraux que les uns et les autres reçoivent, il serait facile au régime de placer de faux candidats dans l’opposition et de les faire arriver en deuxième position lors des élections, leur permettant ainsi de devenir Chefs de l’opposition.
Ainsi, il suffirait que ce statut force, constitutionnellement, tous les autres partis de l’opposition à se soumettre aux injonctions ou prises de décision du chef pour que le Gabon se retrouve avec une opposition de façade contrôlée et télécommandée par le pouvoir en place. Ce serait là en effet, la mort de l’opposition véritable au Gabon.
Cette idée de Pierre Mamboundou et d’Omar Bongo doit donc être rejetée et combattue avec toute la vigueur nécessaire. Le Gabon n’a pas besoin d’une opposition nommée par Omar Bongo. Le statut de chef de l’opposition a toujours existé dans notre pays, mais c’est un statut simplement symbolique et informel qui revient souvent au leader du parti qui, en fonction de l’élection, arrive en deuxième position. Il convient donc de garder ce statut totalement informel. Aujourd’hui, par exemple, tout le monde reconnaît informellement Mamboundou comme chef de l’opposition, et c’est bien comme cela car ceci ne donne aucunement le droit à Mamboundou, ni à son parti, de parler au nom de tous les partis politiques Gabonais ou de bénéficier de quelqu’avantage que ce soit sur la base du simple fait d’être arrivé deuxième à l’élection présidentielle. Si demain, aux législatives, un autre parti arrive en tête, son leader portera informellement ce titre, ni plus ni moins, sans pouvoir aucun et sans statut institutionnel particulier.
Cette idée est donc une idée dangereuse qu’il faut bannir de nos esprits si nous ne voulons pas nous retrouver avec une opposition bâillonnée et encore plus corrompue qu’aujourd’hui puisqu’elle ne serait là que pour servir les intérêts du régime.
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