Omar Bongo a vu rouge. Il semble que la diffusion, lundi soir, d’un reportage sur France 2 soit la cause d’un froid avec le meilleur allié de la France en Afrique. Le sujet évoquait le patrimoine immobilier français du chef de l’Etat gabonais : 33 propriétés réparties entre la région parisienne et la Côte d’Azur, d’une valeur totale de 150 millions d’euros, dont un immeuble en cours d’aménagement sur les Champs-Elysées, récemment acquis pour 19 millions d’euros.
Ces informations étaient déjà parues dans la presse après le dépôt d’une plainte par plusieurs ONG (Survie, Sherpa et la Fédération des Congolais de la diaspora) pour «recel de détournements de fonds publics». Bongo était visé avec quatre présidents africains, dont son parent par alliance, le Congolais Denis Sassou-Nguesso.
A l’automne, la justice française avait classé l’affaire sans suite, estimant que les infractions n’étaient pas assez caractérisées. Le Gabon, pays pétrolier d’1,6 million d’habitants, est 119e sur 180 dans l’indice de développement humain du Pnud. Mais la télé, surtout publique, n’est pas la presse écrite. Au lendemain de cette diffusion, le ministère gabonais des Affaires étrangères a diffusé un communiqué au ton inhabituellement explicite : en «autorisant la diffusion par les chaînes publiques de reportages divulguant l’adresse privée» du président Bongo, Paris aurait «manqué à [ses] obligations de protection d’un chef d’Etat en exercice». L’ambassadeur de France a été convoqué, la presse mène campagne contre la «cabale» et le «complot». Enfin, jouant sur une corde sensible en Afrique, les autorités ont refoulé un Français à la frontière et menacent d’expulser des expatriés en rétorsion à l’expulsion récente de deux Gabonais en situation irrégulière en France.
Ce n’est pas la première colère du plus ancien chef d’Etat, en exercice depuis 1967. Bongo avait déjà menacé de tout déballer sur la «pompe à fric» de la Françafrique lors de l’affaire Elf, dont le Gabon était une chasse gardée. Mais il espérait meilleur traitement sous Sarkozy, lui qui s’était vanté d’être le premier chef d’Etat appelé au téléphone par le nouveau président français le 6 mai 2007.